La fin du "grand débat" approche, le casse-tête commence

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La fin du grand debat approche, le casse-tete commence[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

par Marine Pennetier et Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - Deux mois après son lancement en grande pompe, le "grand débat national" conçu comme une porte de sortie à la crise inédite des "Gilets jaunes" entre vendredi dans sa dernière ligne droite avant l'annonce, d'avril à l'été, de propositions que l'exécutif promet "précises" et "disruptives".

"On entre dans une période intermédiaire avec le traitement en cours des contributions et les conférences régionales citoyennes. Nous en rendrons compte d'ici la mi-avril", a dit jeudi à Reuters la secrétaire d'Etat Emmanuelle Wargon, co-organisatrice du débat avec Sébastien Lecornu.

"Ce que je retiens, c'est d'abord une demande d'humain et de respect. J'ai souvent entendu 'Les gens d'en haut ne nous comprennent pas, ne savent pas ce que l'on vit'. On nous parle aussi beaucoup d'écologie, surtout les jeunes", a-t-elle ajouté.

Après une première phase qui s'est traduite par 10.000 réunions, 1,4 million de contributions en ligne et 16.000 "cahiers de doléances" déposés dans les mairies, l'exercice va se prolonger sous la forme de 14 "conférences thématiques".

Les sept premières auront lieu vendredi et samedi à Paris, Poitiers, Rouen, Lille, Orléans, Marseille et Lyon, les autres se dérouleront les 22 et 23 mars à Rennes, Toulouse, Aix-en-Provence, Strasbourg, Ajaccio, Dijon et Nantes.

Une conférence citoyenne nationale dédiée aux 18-25 ans sera parallèlement organisée à Aix-en-Provence les 22 et 23 mars, toujours autour des quatre thèmes retenus (transition écologique, fiscalité-dépenses publiques, démocratie citoyenneté, organisation de l'Etat et services publics).

"CHOIX DIFFICILES"

Conçues comme des "ateliers participatifs", ces réunions seront animées par une centaine de citoyens tirés au sort et non ouvertes à tous comme dans la première phase. Le quota pourrait toutefois ne pas être atteint et se limiter par endroits "aux alentours de 50 à 70 citoyens", selon le politologue Pascal Perrineau, l'un des cinq garants du "grand débat".

Suivront ensuite une discussion sans vote à l'Assemblée nationale les 2 et 3 avril, un débat et un discours du Premier ministre Edouard Philippe le 9 avril, préludes à la phase délicate et risquée des choix politiques qui s'annoncent décisifs pour le reste du quinquennat d'Emmanuel Macron.

Conscients des enjeux et du potentiel "risque déceptif" qui pourraient embraser de nouveau la rue - où pour l'heure la mobilisation des "Gilets jaunes" s'effrite - plusieurs membres du gouvernement se sont employés ces derniers jours à préparer le terrain. "On n'a pas de baguette magique", a prévenu la secrétaire d'Etat à la Transition écologique Brune Poirson.

"Est-ce qu'on pourra mettre en oeuvre toutes les recommandations et toutes les attentes? Non, parce que la politique, c'est aussi faire des choix", a déclaré de son côté le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

Pour le Premier ministre, Edouard Philippe, "imaginer qu'il serait possible de sortir du grand débat national par une série d'annonces, de vérités révélées - ou révélées après avoir écouté le grand débat - c'est se tromper sur la nature même de l'exercice et sur la volonté même de ceux qui y ont participé". Mardi au Conseil économique social et environnemental, il a prédit des "choix difficiles".

CRITIQUES DES GARANTS

Pour l'heure, rien ne filtre des pistes retenues par l'exécutif - dont la marge budgétaire est réduite - mais Sébastien Lecornu prédit "des réponses concrètes", qu'Emmanuel Macron veut "les plus disruptives et les plus originales".

Si l'exécutif entend "rester dans l'épure de ce qui fait l'ADN du macronisme", il n'exclut pas de "muscler certains thèmes, accélérer ou corriger sur d'autres", a prédit le ministre des Collectivités territoriales lundi sur RTL. Quant à la piste du référendum, "le président se laisse le choix".

La prise de parole du chef de l'Etat, prévue avant la campagne des européennes, marquera selon lui "le temps des propositions et de l'action, qui se déploieront jusqu'à l'été".

L'opposition, elle, continue de dénoncer une "campagne déguisée" d'Emmanuel Macron et propose sa propre lecture des débats, à l'image du président des Républicains, Laurent Wauquiez, jeudi dans Le Figaro : ce que ce demandent "très majoritairement" les Français selon lui, "ce n'est pas de bricoler les règles électorales ni de changer de la Constitution mais qu'on les laisse respirer avec moins d'impôts !"

L'exécutif doit aussi composer avec les critiques des garants du débat. Tel Pascal Perrineau, qui a déploré les interférences de "la communication gouvernementale et présidentielle" tandis que l'ancien patron de la RATP Jean-Paul Bailly insiste sur le caractère partiel d'une discussion à laquelle "n'ont participé que ceux qui voulaient bien participer".

"La présence présidentielle et gouvernementale n'a pas écrasé le débat, au contraire, elle lui a donné une crédibilité", dit Emmanuelle Wargon, pour qui la participation "très significative" ne saurait toutefois remplacer des élections dans un pays où près de 47 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales.

(Edité par Yves Clarisse)