Syrie : Paris à la manoeuvre pour la future force anti-EI

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(Crédits : Philippe Wojazer)

par Sophie Louet

PARIS (Reuters) - La France s'apprête à ajuster son dispositif en Irak et en Syrie dans le cadre d'une force antiterroriste internationale dont elle entend définir les paramètres avec Washington, désormais acquis à la nécessité de maintenir une présence militaire malgré la fin imminente du "califat territorial" de l'Etat islamique.

La ministre française des Armées, Florence Parly, est attendue lundi dans la capitale américaine pour s'entretenir avec le secrétaire d'Etat à la Défense, Patrick Shanahan, "des objectifs et de la logistique" d'une telle force dont la définition varie depuis l'annonce brutale du retrait des quelque 2.000 militaires américains de Syrie par Donald Trump.

"On est à un moment-clé en Syrie. L'offensive des Forces démocratiques syriennes à Baghouz (le dernier réduit de l'EI dans l'est de la Syrie-NDLR) préfigure la fin du califat territorial", souligne-t-on de source française.

"Après, il faut que la transition soit suffisamment ordonnée pour que les Kurdes syriens puissent retomber sur leurs pieds", ajoute-t-on.

L'idée, lancée par Patrick Shanahan en février, d'une force d'observateurs dans une "zone tampon" du Nord-Est syrien afin de protéger l'alliance arabo-kurde des FDS, partenaires de la coalition internationale anti-Daech, s'est heurtée au scepticisme des Européens, la France au premier chef.

"IN TOGETHER, OUT TOGETHER"

Le double objectif, partagé par les membres de la coalition, est de prémunir les miliciens kurdes, majoritairement les Unités de protection du peuple (YPG), considérées comme terroristes par Ankara, d'une offensive turque et d'empêcher la dispersion et la résurgence de cellules djihadistes.

Quelque 1.200 militaires français sont engagés au Levant dans les rangs de la coalition antiterroriste (appui aérien, forces spéciales, artillerie, formation en Irak).

"Le message, c'est 'in together, out together' (on y va et on se retire ensemble-NDLR)", rappelle-t-on côté français.

On estime à Paris que passé le fracas de l'annonce du président américain - qui a pris de court en décembre jusqu'à un appareil militaire "atterré", selon un haut gradé français -, les discussions avec les Etats-Unis, fer de lance de la coalition, progressent de facto sur la base des plans initiaux.

"Les militaires américains essayent de gagner des délais pour trouver une solution intelligente qui fasse que les Occidentaux ne se retirent pas tous en même temps", explique-t-on de source militaire française. "Et il faut offrir une réassurance aux Kurdes face aux Turcs".

Tout en se défendant de tout revirement, la Maison blanche a avancé l'hypothèse d'"un petit groupe de maintien de la paix d'environ 200 soldats américains" dans le nord-est de la Syrie, "pour un certain temps".

Selon le Washington Post, qui cite un haut responsable de l'administration américaine, ce chiffre serait porté à environ 400, 200 dans le Nord-Est et 200 dans le Sud à Al-Tanf, base américaine proche des frontières avec l'Irak et la Jordanie.

"Si les Etats-Unis lâchent Al-Tanf, le courant est directement établi entre le Hezbollah et l'Iran. Ce sera vraisemblablement la dernière zone d'où ils se retireront", note la source militaire française.

"CONTINUITÉ DE LA MISSION"

"Tout cela est en discussion", dit-on à Paris. "Le chiffre de 200 n'a pas vraiment de réalité. La rencontre de lundi est importante à ce titre, car elle va permettre vraiment de déterminer les paramètres".

Pour les autorités françaises, cette force à effectifs limités concernerait "un petit nombre de pays" de la coalition, qui doivent être au clair "sur la mission, les garanties de sécurité, le cadre politique".

"L'idée, c'est de poursuivre le combat contre Daech et de contribuer à la stabilisation du Nord-Est en appuyant les FDS".

"On est à un moment de concertation, de préparation, de planification avant la prise de décision politique", dit-on. "Nous on regarde les besoins et, à partir de là, on ajustera notre dispositif".

Le retrait de la Task Force Wagram, les artilleurs français opérant les canons Caesar en Irak, est acté. "On va probablement garder une présence aérienne" ainsi qu'une empreinte au sol, indique-t-on. "Il n'y aura pas de changement de nature ou de volume considérable, car on est dans la continuité de la mission".

Reste à s'assurer de "l'attitude d'acteurs essentiels" dans le processus de déconfliction, ajoute-t-on sobrement à propos de la Turquie, de la Russie et l'Iran, deux alliés indéfectibles du régime de Bachar al Assad.

(Edité par Yves Clarisse)