Airbus multiplie les mises à l'écart pour raisons éthiques

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(Crédits : Regis Duvignau)

par Tim Hepher

PARIS (Reuters) - Airbus s'est séparé en 2018 de plus de 100 salariés et a émis plus de 300 avertissements pour des raisons éthiques ou de respect des règles internes du groupe, ont dit à Reuters deux personnes ayant connaissance de ces données internes.

L'avionneur européen fait l'objet d'enquêtes en France et en Grande-Bretagne pour des pratiques présumées de corruption remontant à plus de 10 ans. Il a aussi engagé une vaste procédure interne, qui en est désormais à sa cinquième année, pour tenter de corriger lui-même ses pratiques afin d'accroître ses chances de parvenir à des règlements favorables en justice.

Un porte-parole d'Airbus a refusé de commenter les chiffres ou de fournir des comparaisons annuelles.

Ces mises à l'écart d'employés coïncident avec la nette montée en puissance d'un système d'alerte interne.

Les signalements gérés via ce système ont quasiment doublé l'an dernier et ont pour l'essentiel concerné des thèmes couverts par le droit du travail ordinaire.

Ce système a aussi reçu près de 40 signalements pour fraude et une demi-douzaine d'accusations de corruption. Plus de 10 de ces signalements portaient sur des violations présumées des contrôles aux exportations, ont dit les deux sources. Airbus a refusé de s'exprimer sur ce point.

Le groupe, qui emploie environ 130.000 personnes à travers le monde, est soumis à une enquête aux Etats-Unis pour violations présumées des procédures d'exportation et les responsables américains gardent un oeil attentif sur les enquêtes pour corruption présumée ouvertes en Europe.

L'assemblée générale d'Airbus a lieu mercredi et certains investisseurs s'inquiètent des éventuelles amendes qui pourraient un jour lui être infligées et qui, selon les estimations d'analystes, pourraient lui coûter plusieurs milliards de dollars.

LE "PARACHUTE DORÉ" D'ENDERS AU MENU DE L'AG

"Les actionnaires d'Airbus attendent toujours une transparence totale sur les soupçons de pots-de-vin et les affaires de corruption du passé. Pour l'avenir, Airbus a renforcé ses normes de conformité pour éviter de nouveaux incidents et l'entreprise semble être sur la bonne voie", a dit le gestionnaire de fonds allemand DWS.

Tom Enders, le président exécutif qui partira à la retraite mercredi, a souligné qu'Airbus avait dû gérer un renouvellement de ses cadres en même temps qu'une vague programmée de départs à la retraite. Il a reconnu que 2018 avait été une année difficile.

"Je suis aujourd'hui bien plus optimiste quant à la capacité de l'entreprise à traiter ces problèmes difficiles que, franchement, je ne l'aurais été il y a un an", avait-il dit lors d'une conférence de presse le 14 février.

Airbus verse plus de 100 millions d'euros par an à des avocats pour qu'ils fassent le ménage au sein de son personnel. L'objectif est de parvenir à des règlements amiables en Grande-Bretagne et en France sur les accusations de corruption liées à un système d'intermédiaires auquel Airbus affirme avoir renoncé depuis 2014 pour vendre ses avions.

On ignore combien cette politique a entraîné de départs.

Cette enquête interne a suscité la grogne de certains salariés qui parlent d'une chasse aux sorcières au sein du personnel, affirment des personnes traitant avec Airbus. D'après des sources du secteur aéronautique, elle a aussi pesé sur les ventes, qui ont baissé l'an dernier.

Le malaise au sein du personnel s'est transformé en colère la semaine dernière lorsqu'ont été révélées les conditions financières du départ à la retraite de Tom Enders, qui peut prétendre à près de 40 millions d'euros sur 20 ans.

Le porte-parole d'Airbus a défendu ces dispositions, qui devraient être débattues lors de l'AG de mercredi.

"Il n'y a pas de parachute doré, en argent ou en bronze. Il y a des obligations contractuelles qui ont fait l'objet d'un accord il y a plusieurs années", a-t-il dit.

(Bertrand Boucey pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)