Ukraine : Le comédien Volodimir Zelenski bien parti pour devenir président

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2e tour en ukraine, un comedien bien parti pour devenir president[reuters.com]
(Crédits : Valentyn Ogirenko)

par Matthias Williams et Pavel Polityuk

KIEV (Reuters) - Les électeurs ukrainiens se rendent aux urnes ce dimanche pour le second tour de la présidentielle, qui, à en croire les sondages, devrait propulser à la tête du pays un comédien de 41 ans sans expérience politique, Volodimir Zelenski.

L'acteur, qui doit une bonne part de sa popularité à la série télévisée à succès "Serviteur du peuple", dans laquelle il incarne un professeur d'histoire devenu chef de l'Etat qui se joue des bassesses de politiciens corrompus et d'hommes d'affaires véreux, a obtenu deux fois plus de voix que le sortant, Petro Porochenko, le 31 mars au premier tour.

Un sondage de l'institut KIIS, publié mardi, le crédite de 72% des intentions de vote en vue du second tour contre 25% seulement pour le président sortant, au pouvoir depuis 2014.

Les premières projections sont attendues vers 17h00 GMT.

Après avoir voté, vêtu en toute décontraction d'une veste bleue passée sur un tee-shirt blanc, Zelenski, tout sourire, s'est félicité d'avoir "uni l'Ukraine". Quel que soit le résultat, a-t-il ajouté, "ce sera une victoire pour le peuple ukrainien".

Petro Porochenko, 53 ans, a assisté lui à l'office orthodoxe du "dimanche des fleurs" (rameaux) au monastère Saint-Michel de Kiev, aux riches ornements. Le président sortant a largement contribué à faire de l'Eglise orthodoxe ukrainienne une entité indépendante du patriarcat de Moscou.

Il s'est ensuite rendu dans son bureau de vote. "Il est très important d'être guidé par la raison au moment de voter. Parce que ce n'est pas du divertissement. A première vue peut-être, ça semble drôle et sympa, mais il ne faudrait pas que cela devienne ensuite douloureux", a-t-il dit.

Les deux hommes se sont retrouvés vendredi soir pour un insolite débat de fin de campagne, qui les a vu échanger accusations et insultes dans un stade de football de Kiev, en présence de milliers de leurs partisans.

Les deux candidats débattant vendredi au stade olympique de Kiev. REUTERS/Vasily Fedosenko

Interrogé avant le premier tour sur ce qui le distinguait des autres candidats en lice, Zelenski avait répondu :"Ça !", en désignant son visage.

"C'est une nouvelle tête. Je n'ai jamais fait de politique. Je n'ai déçu personne. On s'identifie à moi parce que je suis ouvert, parce que je suis vulnérable, parce que je m'énerve. Je ne cache pas mes émotions, je ne cherche à passer pour ce que je ne suis pas (...) Si j'ignore quelque chose, je le reconnais", ajoutait-il.

"Je ne suis pas un politicien", a-t-il lancé vendredi soir à son rival. "Je ne suis qu'une personne ordinaire qui est venue pour briser le système. Je suis le résultat de vos erreurs et de vos promesses", a-t-il ajouté.

Le "dégagisme" sur lequel il surfe évoque celui qui a conduit à l'émergence des contestataires du Mouvement 5 Etoiles en Italie ou même à l'élection de Donald Trump, autre star de la télévision reconvertie en politique, mais le rejet des élites semble encore plus intense en Ukraine. Selon un sondage Gallup publié en mars, la cote de confiance du gouvernement n'est que de 9%, un "record" mondial (en 2018, la moyenne planétaire était de 56%). Quant à la corruption, 91% parlent d'un phénomène généralisé.

UN PROGRAMME FLOU

Le scrutin est suivi de près par les chancelleries occidentales, qui ont pris fait et cause pour l'Ukraine dans son conflit avec Moscou. L'hypothèse d'un retour dans le giron russe semble écartée mais, ignorant tout de Zelenski, elles redoutent d'avoir affaire à une personnalité imprévisible.

"Au-delà de la lutte contre la corruption et de l'ancrage occidental, le programme politique de M. Zelenski reste flou", souligne Agnese Ortolani, membre de l'Economist Intelligence Unit.

Outre la lutte contre la corruption, Zelenski a promis de relancer des pourparlers de paix au point mort avec les séparatistes prorusses qui tiennent la région du Donbass et de respecter les engagements pris vis-à-vis du Fonds monétaire international, qui a octroyé sous conditions plusieurs milliards de dollars à l'Ukraine.

Petro Porochenko a été élu en 2014, peu après l'annexion russe de la Crimée et le soulèvement des séparatistes proches de Moscou qui a fait 13.000 morts, un bilan qui continue à s'alourdir.

Pour ses partisans, le chef de l'Etat a su limiter le conflit tout en tenant tête à la Russie. D'autres lui reprochent d'avoir capitulé face à la corruption et à la pauvreté.

Peuplée de 42 millions d'habitants, l'Ukraine demeure l'un des pays les plus pauvres d'Europe, près de 30 ans après son accession à l'indépendance sur les décombres de l'URSS.

L'augmentation du prix de l'essence due aux exigences des bailleurs internationaux a valu au président Porochenko un profond mécontentement et beaucoup jugent qu'il na pas répondu aux attentes suscitées par le soulèvement pro-européen de Maïdan, fin 2013 et début 2014.

"Porochenko n'a pas réussi à instaurer cette justice à la base de Maïdan et mon principal reproche, c'est qu'il ait renoncé à gouverner différemment", a déploré Aivaras Abromavicius, ancien ministre de l'Economie devenu conseiller de Zelenski.

(Jean-Philippe Lefief, Eric Faye et Henri-Pierre André pour le service français)