Des européennes cruciales pour l'UE et pour les partis français

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(Crédits : Pascal Rossignol)

par Elizabeth Pineau et Simon Carraud

PARIS (Reuters) - Les élections européennes, organisées dimanche en France, sont lourdes d'enjeux pour l'avenir de l'UE mais aussi pour tous les partis politiques français, qui cherchent à compter leurs forces deux ans après la bourrasque du printemps 2017.

Les 47 millions d'électeurs inscrits sont appelés à départager les 34 listes - un record - au premier rang desquelles celles du Rassemblement national (RN) et de La République en marche (LaRem), engagées dans un duel sans merci, mis en scène par Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Cette bataille pour la première place, au goût de second tour bis de la dernière présidentielle, a largement occulté les autres partis en lice, Républicains et France insoumise en tête, cantonnés malgré eux aux seconds rôles.

Les enquêtes d'opinion, à peu près constantes depuis plusieurs mois, disent bien à quel point les deux favoris ont écrasé cette campagne relativement atone, sans thème dominant - si ce n'est l'écologie par petites touches - ni coups d'éclat ou coups de théâtre, contrairement à ce qui s'était passé en 2017.

Les deux écuries, l'une officiellement conduite par le jeune frontiste Jordan Bardella, 23 ans, l'autre par l'ancienne ministre Nathalie Loiseau, parfois jugée peu convaincante, sont restées au coude-à-coude jusqu'à cet ultime jour de campagne précédant le week-end rituel de trêve.

"Tout dépendra de l'écart, on est pour l'instant dans la marge d'erreur, ça n'est pas complètement joué", résume Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. "On n'a jamais vu une telle incertitude juste avant un scrutin européen."

La liste RN est créditée de 24,5% des intentions de vote et celle de LaRem et du MoDem de 23%, dans un sondage Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France publié vendredi.

"250 FRAPPADINGUES"

Avec 13%, Les Républicains sont relégués à dix points, et tous les autres sont sous la barre des 10% - Europe écologie-Les Verts (9%), La France insoumise (7,5%) et l'attelage inédit Place Publique-Parti socialiste (5,5%).

Si les sondages devaient se confirmer, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, l'ex-socialiste Benoît Hamon, le centriste Jean-Christophe Lagarde et le communiste Ian Brossat échoueraient sous les 5%, le seuil minimal pour avoir une représentation au Parlement européen.

Cette tactique du duel, contraire à l'esprit du vote à la proportionnelle, est assumée dans les deux écuries en tête.

"Notre stratégie, c'est de dire 'si vous voulez arrêter ou stopper la politique menée par Emmanuel Macron, le 26 mai, votez utile, votez pour notre liste'", reconnaît Steeve Briois, directeur de campagne du RN, qui a inlassablement fait campagne sur le thème du "référendum anti-Macron".

Pour sa part, le très europhile Emmanuel Macron n'a cessé d'exhorter les électeurs à faire barrage à ceux qu'il appelle les "nationalistes" (entendre le RN), quitte à faire de ce scrutin, le premier de son quinquennat, une affaire personnelle.

"Un président en exercice qui perd des élections, ce ne sera pas la première fois", dédramatise cependant un ministre. "Moi, je suis beaucoup plus inquiet d'avoir 250 mecs frappadingues au Parlement européen que d'être ou ne pas en tête devant le RN."

Dès le début de la semaine, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire préparait les esprits à une seconde place prédite par les sondages : "C'est un exploit pour une majorité en place, après deux années d'exercice de pouvoir difficile, d'arriver à se maintenir."

PHILIPPE "PAS INQUIET"

Au-delà des enjeux strictement français, ces élections doivent dessiner le paysage politique en Europe pour les cinq prochaines années, la France ayant un contingent de 74 députés - 79 si les Britanniques finissent par quitter l'Union européenne.

Sacré "premier parti de France" aux européennes de 2014, la formation de Marine Le Pen espère conserver un contingent qui lui permettrait de faire bonne figure face à son allié le plus puissant, la Ligue italienne de Matteo Salvini, qui a repris, de facto, le leadership de l'extrême droite en Europe.

Le chef de l'Etat, affilié à aucune des deux formations européennes réellement influentes à Strasbourg et Bruxelles (le Parti populaire européen à droite, les sociaux-démocrates à gauche), compte, quant à lui, bâtir un nouveau groupe suffisamment robuste pour jouer un rôle de pivot.

Pour le président français, qui manque encore de relais en Europe, se joue déjà la bataille pour la succession de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne.

En fonction des résultats, les élections de dimanche auront - ou non - une incidence sur le sort d'autres personnalités politiques. C'est le cas du Premier ministre, Edouard Philippe, pas totalement adopté par une partie de sa majorité et visé par des rumeurs de remaniement à Matignon.

"Je ne suis pas inquiet", a balayé le chef du gouvernement, jeudi, sur CNEWS. "Je suis concentré, je suis dans l'action, je ne suis pas dans le commentaire, je ne suis pas dans la spéculation sur ce qui se passera après."

Quel que soit le résultat, la gauche française, plus éparpillée que jamais dans ce scrutin, ne pourra pas faire l'économie d'une introspection synonyme de survie.

Immanquablement, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sera sommé de rendre des comptes si son parti passe finalement sous les 5% et disparaît du Parlement européen pour la première fois de son histoire.

Le niveau d'abstention, qui avait atteint 57% en 2014 et est annoncé au même niveau par les sondages, sera la clé d'une éventuelle surprise.

(Avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarissse)