Européennes : Les leçons du scrutin en France

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Les lecons du scrutin en france[reuters.com]
(Crédits : Pascal Rossignol)

PARIS (Reuters) - Le Rassemblement national est arrivé dimanche en tête des élections européennes en France, avec 23,6% des voix, devant l'alliance La République en marche-Modem, qui a récolté 22,6% des suffrages, selon les estimations Ifop-Fiducial.

Voici les principaux enseignements de ces résultats :

LE PARTI PRÉSIDENTIEL PERD SON PARI

C'est un résultat ambivalent pour le parti présidentiel, qui conserve le socle d'Emmanuel Macron au premier tour de l'élection présidentielle (24%), mais perd de peu le duel qu'il a lui-même installé avec le Rassemblement national.

Au terme de deux ans de pouvoir marqué ces derniers mois par la grave crise des "Gilets jaunes" et une impopularité chronique, Emmanuel Macron "limite la casse, après avoir réussi à mobiliser son camp face à l'extrême droite", note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.

Le score de la majorité éloigne la perspective d'un remaniement ministériel et d'une forte inflexion de la politique menée, même si le Premier ministre, Edouard Philippe affirme avoir reçu "cinq sur cinq" l'avertissement des urnes, qu'il s'agisse de l'ancrage de l'extrême droite dans le pays que d'un désir de "verdissement" de l'action.

LE RASSEMBLEMENT NATIONAL RÉÉDITE SA PERFORMANCE DE 2014

Deux ans après son double échec à la présidentielle et aux législatives, le Rassemblement national a remonté la pente, au point de redevenir le "premier parti de France", un titre informel dont il s'était paré lors des européennes de 2014.

Ce résultat conclut une campagne durant laquelle la liste conduite par Jordan Bardella, âgé de 23 ans seulement, a progressivement grappillé les points dans les enquêtes d'opinion tandis que l'alliance LaRem-MoDem stagnait.

"Il s'installe de nouveau comme l'opposant numéro un d'Emmanuel Macron et il donne le 'la' des scrutins intermédiaires", analyse Frédéric Dabi. Et, "pour Marine Le Pen, cela efface l'échec de l'entre-deux-tours de 2017, elle est remise en selle", relève-t-il.

Avec 22 élus selon les projections, l'ex-Front national retrouve quasiment le même contingent qu'il y a cinq ans. Ce quota lui permettra de faire bonne figure face son principal allié, la Ligue de l'italien Matteo Salvini, qui a repris de facto le leadership de l'extrême droite européenne.

LES RÉPUBLICAINS ESSUIENT UNE DÉFAITE HISTORIQUE

Avec un peu plus de 8% selon les estimations des instituts, le parti de Laurent Wauquiez, héritier du RPR et de l'UMP, a essuyé sa défaite la plus cuisante de l'histoire des élections européennes, à plus de dix points de son score de 2014 et à quasiment vingt points de celui de 2009.

Les cadres du parti pensaient pourtant avoir enclenché une dynamique favorable sous la conduite de leur tête de liste François-Xavier Bellamy, qui avait réussi à faire oublier son profil de conservateur catholique et à se faire adopter des plus réfractaires, comme Gérard Larcher et Valérie Pécresse.

Deux ans après la défaite de François Fillon au premier tour de la présidentielle, ce résultat ouvre une nouvelle période tumultueuse pour LR et singulièrement pour son président, le droitier Laurent Wauquiez.

Par communiqué, le président du Sénat, Gérard Larcher, a appelé à une "remise en question profonde".

LES ÉCOLOGISTES RÉALISENT UNE PERCÉE

Avec environ 13% des voix, la liste écologiste fait un score inférieur à l'objectif de 15% que s'était assigné son chef de file, Yannick Jadot, mais elle fait bien mieux que les 7% ou 8% que lui promettaient les intentions de vote.

Europe Ecologie-Les Verts, qui a décliné les offres d'alliance venues de gauche, fondait ses espoirs sur ses antécédents aux européennes, notamment les 16,28% recueillis par Daniel Cohn-Bendit en 2009, et sur la vague de mobilisation pro-climat d'une ampleur sans précédent de ces derniers mois.

Ils ont en outre dû affronter la concurrence des autres partis dont beaucoup, jusqu'au Rassemblement national, ont verdi leur campagne.

C'est le cas, en particulier, de La République en marche, qui a recruté un ex-directeur du WWF France et un ancien secrétaire national d'EELV, respectivement Pascal Canfin et Pascal Durand, tous deux placés en position éligible.

La percée des Verts français demeure toutefois moins spectaculaire que celle de leurs homologues allemands, arrivés deuxième chez eux avec 22% des voix.

LA FRANCE INSOUMISE RETOMBE AU NIVEAU DU PS

Les résultats de dimanche rebattent les cartes à gauche, deux ans après l'avènement de La France insoumise au détriment du Parti socialiste, alors réduit en cendres.

Selon les estimations Ifop-Fiducial en milieu de soirée, l'attelage Parti socialiste-Place publique, incarné par l'intellectuel Raphaël Glucksmann, finit devant la gauche mélenchoniste, avec une avance symbolique.

Les premiers sont à 6,4%, les seconds à 6,1%.

Si le parti de François Mitterrand et Michel Rocard évite la disparition complète à Strasbourg et Bruxelles, il essuie toutefois son pire échec dans l'histoire des élections européennes.

Le reste de la gauche paie son émiettement : avec moins de 5%, Benoît Hamon, porte-drapeau des socialistes en 2017, et le communistre Ian Brossat, n'obtiennent aucun élu.

(Simon Carraud et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)