Cap sur l'Europe pour Macron après un scrutin prometteur

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(Crédits : Pool New)

PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron a rempli une partie de son objectif dimanche : casser le duopole conservateurs-socialistes au Parlement européen et imposer une force centriste difficilement contournable. Mais sa deuxième place en France le prive de l'impulsion politique espérée pour relancer ses projets de réformes de l'UE.

Dès mardi, le président français passera un test crucial : sa capacité ou non à obtenir l'échec de fait ou de fragiliser la candidature de l'Allemand Manfred Weber (PPE) à la présidence de la Commission lors d'un dîner des chefs d'Etat et de gouvernement, à Bruxelles.

La question ne sera abordée qu'indirectement, a-t-on précisé à l'Elysée, l'objectif n'étant pas d'évoquer des candidatures spécifiques mais de faire en sorte que le processus du "Spitzenkandidat", par lequel le conservateur succéderait à Jean-Claude Juncker, ne s'applique pas automatiquement.

Emmanuel Macron et Angela Merkel partagent "la volonté d'aller relativement vite dans le processus de nomination (...), idéalement avoir acté cette décision de personne en juin", a-t-on ajouté de source élyséenne, au lendemain d'un entretien téléphonique entre le président français et la chancelière allemande.

"Il est évident que l'accord franco-allemand dans ce casting sera extrêmement important et, donc, ils ont la volonté de ne pas afficher de divergence ou de division franco-allemande sur ce sujet", a-t-on poursuivi.

Pour la France, les "Spitzenkandidaten" (têtes de listes), dont Manfred Weber, ont toute légitimité pour briguer cette présidence, mais le prochain président devra refléter l'équilibre politique du nouveau Parlement, insiste-t-on.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré lundi en conférence de presse qu'elle souhaitait effectivement trouver un accord rapidement. Elle a néanmoins précisé que son parti et les autres membres de la coalition au pouvoir, comme le Parti social démocrate (SPD), souhaitaient appliquer le principe de nomination d'un "Spitzenkandidat".

UNE TROISIÈME FORCE

Le recul des deux premiers groupes au Parlement européen - Parti populaire européen (PPE) et Socialistes et démocrates (S&D) - les prive de leur majorité et donc de leur capacité à se partager les postes. Parallèlement, les succès de l'alliance des libéraux et démocrates (ALDE) soutenue par Emmanuel Macron, et des écologistes changera la dynamique à la table des dirigeants européens sur la question des nominations.

"Même en arrivant deuxième, le parti de Macron a plus de chances d'avoir un rôle de pivot, voire de faiseur de roi, au Parlement européen que le parti de Marine Le Pen", a dit à Reuters Manuel Lafont Rapnouil, directeur du bureau parisien du Conseil européen des relations internationales (CERI), un cercle de réflexion.

Tous les grands postes européens doivent être renouvelés dans les prochains mois, dont les présidences de la Commission, du Parlement, du Conseil et de la Banque centrale européenne.

"Aucune majorité pro-européenne n'est possible sans le nouveau groupe que Renaissance (la liste d'Emmanuel Macron, NDLR), l'ALDE et USR Plus formeront avec d'autres formations politiques réformistes", ont averti lundi les trois formations dans un communiqué commun.

"A ce stade, aucun candidat pour le poste du président de la Commission n'est assuré d'une majorité au Parlement", soulignent-elles, en affirmant faire preuve d'une "extrême vigilance".

Le numéro deux de la liste Renaissance a jugé Manfred Weber "totalement disqualifié".

"Dans tous les cas, toutes les majorités passent par nous", a ajouté Pascal Canfin, sur France Inter. "Nous pèserons de tout notre poids pour avoir soit un candidat français, ça peut être Michel Barnier, soit un candidat beaucoup plus proche du nouveau barycentre du Parlement européen."

MACRON MULTIPLIE LES CONTACTS

Les proches d'Emmanuel Macron n'ont pas caché qu'ils verraient d'un bon oeil la commissaire à la Concurrence, la Danoise Margrethe Vestager (ALDE), ou le négociateur européen en chef pour le Brexit, Michel Barnier, accéder à la présidence de la Commission, le poste qu'ils jugent le plus important pour les cinq prochaines années.

Pour y parvenir, les centristes devront s'allier aux écologistes, aux députés S&D mais aussi à une partie du PPE.

Emmanuel Macron devait discuter lundi de ces futurs postes avec le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, lors d'un dîner à l'Elysée.

Il déjeunera mardi avec d'autres dirigeants à Bruxelles puis s'entretiendra avec les Premiers ministres du groupe de Visegrad (Slovaquie, République tchèque, Pologne, Hongrie), le président du Conseil, Donald Tusk, et Angela Merkel avant le dîner des chefs d'Etat et de gouvernement.

Si elle n'obère pas les ambitions européennes du président français, qui "reste dans une position extrêmement favorable", sa deuxième place en France derrière la liste du Rassemblement national n'est pas favorable "en terme de capital politique, d'image politique", a souligné Manuel Lafont Rapnouil.

Pour Charles Grant, directeur du Centre for European Reform (CER), "il restera une figure puissante en Europe mais le résultat des élections européennes fera que plusieurs dirigeants européens seront réticents à soutenir ses ambitions d'intégration européenne".

(Jean-Baptiste Vey, Michel Rose, Marine Pennetier et Andreas Rinke à Berlin, édité par Jean-Philippe Lefief)