Climat : Villeroy appelle les banques centrales à la mobilisation

reuters.com  |   |  605  mots

PARIS (Reuters) - La contribution des banques centrales à la lutte contre le changement climatique ne doit pas seulement relever de la maîtrise des risques inhérents pour le secteur financier mais aussi passer par la politique monétaire, a estimé mercredi le gouverneur de la Banque de France (BdF), François Villeroy de Galhau.

Même si les politiques publiques mises en oeuvre, ainsi que l'adaptation du secteur privé, sont cruciales dans la lutte contre le changement climatique, les banques centrales doivent également y contribuer, a-t-il déclaré lors d'une conférence de présentation d'un numéro thématique de la Revue de stabilité financière de la BdF intitulé "Verdir le système financier: la nouvelle frontière".

La gestion du risque climatique constitue "un impératif au regard (des) deux missions (des banques centrales), la stabilité financière - c'est-à-dire la maîtrise des risques par le système financier, notamment les banques et les assurances - mais aussi la stabilité des prix et la politique monétaire", a dit François Villeroy de Galhau, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE).

"Nous devons et nous pouvons agir à partir de nos instruments traditionnels de politique monétaire, dans une vision (...) intégratrice, c'est-à-dire qui soit à la fois globale et ambitieuse", a-t-il estimé.

D'autant que, selon lui, les banques centrales disposent déjà des instruments pour agir face au choc "lointain" et "progressif" que représente le changement climatique, quand bien même ce choc de nature stagflationniste (combinant augmentation des prix et ralentissement de l'activité) d'une ampleur probablement inédite représente "un des chocs les plus importants et les plus difficiles à traiter pour les banques centrales que nous sommes".

LES LIMITES DU "GREEN QE"

François Villeroy de Galhau se montre assez réservé sur un "green QE" (green quantitative easing, assouplissement quantitatif 'vert'), qui suscite un intérêt croissant aux Etats-Unis et consiste pour les banques centrales à privilégier les actifs "verts" dans leurs programmes de rachats de titres.

Une intervention massive sur le marché "prometteur mais encore fragile" des "green bonds" (obligations vertes) pourrait par exemple présenter des risques de distorsions "massives et contre-productives", juge-t-il.

A la "vision sectorielle et partielle" du "green QE", séduisante a priori, le gouverneur de la BdF oppose une intégration plus profonde du changement climatique dans le cadre de la politique monétaire via deux outils opérationnels plus puissants, qu'il faut selon lui "mettre en avant de façon systématique".

Il s'agit d'une part d'améliorer l'anticipation des effets des risques climatiques dans les modèles de prévisions économiques sur lesquels s'appuient les banques centrales pour définir les orientations de leur politique monétaire.

Mais aussi et surtout "d'intégrer dès à présent le risque climatique dans la valeur des actifs que nous prenons en garantie" comme collatéral pour les liquidités que les banques centrales fournissent aux banques et à l'économie.

"Nous devons aller au-delà (du) risque de crédit classique pour intégrer les risques liés au climat, qui sont à plus long terme et qui supposent (...) une catégorisation entre les 'actifs verts' et les 'actifs bruns'", a estimé le gouverneur.

Ce travail de classification des actifs selon qu'ils contribuent à la transition vers une économie moins carbonée ou qu'ils sont plus exposés aux risques liés au climat et à l'environnement, permettra ainsi d'intégrer "en

profondeur" la question climatique dans la politique monétaire, souligne François Villeroy de Galhau dans sa contribution à la revue.

(Myriam Rivet, édité par Bertrand Boucey)