Hong Kong suspend son projet de loi sur l'extradition

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Hong kong: suspension du projet de loi sur l'extradition[reuters.com]
(Crédits : Athit Perawongmetha)

par John Ruwitch et Jessie Pang

HONG KONG (Reuters) - La chef du gouvernement de Hong Kong Carrie Lam a annoncé samedi qu'elle suspendait pour une durée indéterminée le projet de loi autorisant les extraditions vers la Chine qui a soulevé une importante vague de contestation dans l'ancienne colonie britannique.

Ce texte, qui aurait concerné les sept millions d'habitants de la région administrative spéciale, mais également les ressortissants étrangers et chinois résidents ou de passage, était perçue par de nombreux Hongkongais comme une menace pour l'état de droit.

Près d'un million de personnes s'étaient rassemblées dimanche dernier pour demander la suspension de ce texte et les actes de protestation se sont poursuivis pendant toute la semaine, plongeant la ville dans la tourmente.

Face à la pression de la rue, Carrie Lam a fait machine arrière. "Après une série de délibérations internes au cours des deux derniers jours, j'annonce que le gouvernement a décidé de suspendre l'amendement législatif, de relancer notre communication avec tous les secteurs de la société, de faire un plus grand travail d'explication et d'écouter les différents points de vue de la société", a déclaré la dirigeante.

Carrie Lam, qui n'était plus apparue en public et n'avait fait aucune déclaration depuis mercredi, n'a pas fixé de délai à la suspension de la loi, interrompant de fait le processus législatif pour une durée indéterminée.

Interrogée à plusieurs reprises sur une éventuelle démission, Carrie Lam n'a pas répondu directement et a demandé qu'on lui "donne une seconde chance".

La dirigeante a rappelé qu'elle avait servi comme fonctionnaire pendant plusieurs décennies et qu'elle estimait avoir encore une mission à accomplir.

Elle a dit éprouver "une profonde peine et de profonds regrets que des dysfonctionnements et différents autres facteurs aient provoqué d'importantes controverses et contentieux dans la société".

MANIFESTATION MAINTENUE DIMANCHE

Le projet de loi a entraîné dimanche dernier la plus grosse manifestation qu'ait connue l'ex-colonie britannique depuis sa rétrocession à la Chine, en juillet 1997.

Une manifestation organisée mercredi avait ensuite provoqué le report du débat sur le texte, que beaucoup considèrent comme une atteinte aux libertés garanties par l'accord négocié entre Londres et Pékin.

Michael Tien, membre du Conseil législatif de Hong Kong et député au parlement chinois, a cependant estimé qu'un retrait total du texte était peu probable.

"Cet amendement est soutenu par le gouvernement central, donc un retrait enverrait le message politique que le gouvernement central a tort", a-t-il déclaré à Reuters.

"Cela ne peut pas se produire avec le principe 'un pays, deux systèmes'", a-t-il ajouté, indiquant être favorable à une suspension du projet de loi sans échéancier.

A Pékin, le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré qu'il prenait note de la décision de Carrie Lam et que celle-ci constituait une affaire interne à la Chine et qu'aucun pays, aucune organisation, ni aucune personne n'avait le droit de s'y ingérer.

Le consulat des Etats-Unis à Hong Kong a salué la décision de la dirigeante de la région administrative et a appelé à une prise en compte des positions des populations locales et de la communauté internationale.

Les opposants au projet de loi ont décidé de maintenir la manifestation prévue dans la ville dimanche et des représentants de l'opposition ont estimé que la suspension n'était pas suffisante.

"Carrie Lam a perdu toute crédibilité parmi la population de Hong Kong. Elle doit démissionner", a affirmé Claudia Mo, élue locale et membre du camp réclamant la démocratie.

Un porte-parole du gouvernement chinois a fait savoir que le pouvoir à Pékin continuait à "soutenir fermement" l'action de Carrie Lam et de son gouvernement. Il a condamné les violences commises lors des manifestations.

(John Ruwitch, Joyce Zhou, Vimvam Tong, Clare Jim et Anne Marie Roantree; Jean Terzian pour le service français)