BCE : Draghi prêt au "whatever it takes" pour relancer l'inflation

reuters.com  |   |  995  mots
Bce: draghi pret au whatever it takes pour relancer l'inflation[reuters.com]
(Crédits : Ints Kalnins)

par Francesco Canepa et Balazs Koranyi

SINTRA, Portugal (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) est prête à utiliser toute la flexibilité permise par son mandat si l'inflation ne converge pas vers son objectif, a déclaré mardi le président de la BCE Mario Draghi, renforçant les anticipations de nouvelles mesures de soutien monétaire dans la zone euro dans les prochaines semaines.

Mario Draghi, qui intervenait dans le cadre du forum annuel de la BCE à Sintra au Portugal, a recouru à une formulation qui n'est pas sans rappeler celle qu'il avait utilisée en juillet 2012, au plus fort de la crise de l'euro, promettant alors de "faire tout ce qu'il faudra ('whatever it takes')" pour préserver la monnaie unique.

"Nous mettrons à profit toute la flexibilité permise par notre mandat pour le remplir - et nous le ferons encore pour répondre à tout défi qui se poserait à la stabilité des prix à l'avenir", a-t-il affirmé.

La BCE n'a plus atteint depuis 2013 son objectif d'un taux d'inflation d'un peu moins de 2% et le ralentissement actuel de la croissance fait craindre une nouvelle décélération, malgré des années de politique monétaire ultra-accommodante.

La banque centrale est confrontée depuis le début du mois de mai à une forte dégradation des anticipations d'inflation à long terme, les swaps d'inflation à cinq ans dans cinq ans ayant plongé d'à peine plus de 1,4% début mai à moins de 1,14% lundi, une chute dont l'ampleur mine sa crédibilité.

La BCE assouplira encore sa politique si l'inflation ne converge pas vers son objectif, a promis Mario Draghi mardi.

"En l'absence d'amélioration, de telle sorte que la convergence durable de l'inflation vers notre objectif se trouverait menacée, un soutien additionnel sera requis", a-t-il déclaré.

Il a ajouté qu'il restait une "marge considérable" pour davantage de rachats d'actifs et que la BCE pouvait aussi ajuster sa communication avancée, réduire les taux d'intérêt et décider de mesures pour compenser les éventuels effets secondaires des taux négatifs.

Mario Draghi s'est aussi employé à dissiper les doutes des investisseurs sur la capacité de la BCE à relancer son programme d'achat d'actifs en raison des limites qu'elle s'est elle-même imposée, notamment de ne pas détenir plus de 30% du stock de dette des différents émetteurs souverains de la zone euro.

Il a souligné que ces limites étaient flexibles, la BCE ayant le pouvoir de déployer les instruments de politique monétaire à la fois nécessaires et proportionnés.

Il a rappelé que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) avait déjà confirmé que la BCE disposait d'une grande latitude dans l'utilisation des instruments à sa disposition.

Bien que la CJUE ait validé les achats d'actifs dans une précédente décision, elle avait souligné que ces achats devaient respecter des limites, ce qui pourrait conduire à de nouvelles contestations si la BCE devait s'en affranchir.

"CRÉDIBILISER LES INSTRUMENTS POUR RÉPONDRE A LA FED"

La BCE mettra à profit "les prochaines semaines" pour étudier ses options, a-t-il aussi dit, laissant entendre que la banque centrale pourrait faire des annonces plus tôt que ce qui était généralement anticipé.

La prochaine réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE est prévue le 25 juillet.

Sur les marchés, les déclarations de Mario Draghi ont été suivies par une baisse de l'euro et des rendements des emprunts d'Etat tandis que les principales Bourses européennes ont progressé.

"Draghi a vraiment ouvert la porte à des baisses de taux et à un nouveau cycle d'assouplissement monétaire (QE)", estime Neil Wilson, analyste chez Markets.com.

"Cela ressemble à un signal clair que la banque centrale prépare les marchés à ce que la politique monétaire devienne plus accommodante cette année".

Vers 13h00 GMT, la monnaie unique se traite un peu en dessous de 1,12 dollar après un plus haut en séance à 1,1242. Le rendement du Bund allemand à dix ans, qui était à l'équilibre avant la prise de parole de Draghi, perd 7,8 points de base à -0,324%. Le rendement de l'OAT à 10 ans est brièvement passé dans le négatif.

Parallèlement, les Bourses européennes se sont retournées à la hausse: le CAC 40 gagne 1% et le Stoxx 600 prend 0,66%.

Les déclarations de Mario Draghi interviennent aussi à la veille des conclusions très attendues d'une réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed).

La Fed, qui a mis un terme en janvier au processus de normalisation de sa politique monétaire et opté pour une pause dans le relèvement de ses taux directeurs, n'a pas depuis cherché à détromper les anticipations de marché qui tablent sur plusieurs baisses de ses taux d'ici la fin de l'année, dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale, de regain de tensions commerciales entre Washington et Pékin et de fortes pressions de l'administration Trump en faveur d'un assouplissement monétaire.

""Mario Draghi vient juste d'annoncer que plus de soutien pourrait intervenir, ce qui a fait immédiatement baisser l'euro contre le dollar et rend beaucoup plus facile pour eux de concurrencer les Etats-Unis. Ils s'en tirent à bon compte depuis des années, tout comme la Chine et d'autres pays", a déclaré Donald Trump sur Twitter.

"La BCE doit crédibiliser ses outils pour répondre à une éventuelle baisse de taux de la Fed", a estimé Thomas Prince, responsable de la gestion monétaire de Groupama AM.

Selon lui, cela implique notamment de faire sauter la limite de 30% sur la détention des stocks de dette souveraine et préciser les conditions d'une modulation de l'impact de taux encore plus négatifs pour le système bancaire de la zone euro, principale courroie de transmission de la politique monétaire.

(avec la contribution de Laetitia Volga à Paris, Véronique Tison et Marc Joanny pour le service français)