La justice britannique suspend les licences de ventes d'armes à Ryad

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Grande bretagne: le gouvernement a enfreint la loi pour les exportations d'armes saoudiennes[reuters.com]
(Crédits : Alkis Konstantinidis)

LONDRES (Reuters) - Le gouvernement britannique a enfreint la loi en autorisant l'exportation vers l'Arabie saoudite d'armes qui pourraient avoir été utilisées dans le conflit au Yémen, a conclu jeudi la justice britannique, une décision qui suspend de fait l'octroi de nouvelles licences d'exportation vers Ryad.

Bien que la décision de la Cour d'appel de Londres n'impose pas l'arrêt immédiat des exportations d'armes britanniques, elle suspend l'octroi de nouvelles licences d'exportation vers l'Arabie saoudite, premier client de Londres dans ce domaine.

La Grande-Bretagne est le sixième plus gros vendeur d'armes au monde après les Etats-Unis, la Russie, la France, l'Allemagne et la Chine, selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).

Les achats saoudiens ont représenté 43% des ventes d'armes britanniques dans le monde ces dix dernières années.

"La Cour d'appel a conclu que le processus de prise de décision du gouvernement était juridiquement erroné sur un point important", a déclaré le juge en rendant sa décision.

Il a ajouté que le doute persistait "sur des violations du droit humanitaire international par la coalition sous commandement saoudien lors du conflit au Yémen" depuis 2015.

Le magistrat a précisé que son arrêt ne signifiait pas que les licences d'exportation d'armes devaient être immédiatement suspendues mais il a invité le gouvernement à revoir sa position.

Exprimant sa "déception", une porte-parole de la Première ministre Theresa May a indiqué que le gouvernement entendait contester cette décision de justice. "Ce jugement ne se prononce pas sur la justesse des décisions du gouvernement mais sur la justesse du processus qui a conduit à prendre ces décisions", a-t-elle dit. "Nous ne sommes pas d'accord avec ce jugement et nous demanderons l'autorisation de faire appel."

La justice britannique avait été saisie par la Campagne contre le commerce des armes (CAAT), une organisation en guerre contre les ventes d'armes.

LA FRANCE DOIT "GELER SES VENTES D'ARMES"

"Le régime saoudien est l'un des plus brutaux et répressifs au monde mais il est depuis des décennies le plus gros acheteur d'armes produites au Royaume-Uni", a déploré le porte-parole de CAAT, Andrew Smith, qui a souhaité que "les ventes d'armes cessent immédiatement".

L'annonce de cette décision "historique" prend un relief particulier en France où des ONG (ACAT et Aser) ont saisi le tribunal administratif de Paris dans l'espoir de bloquer les ventes d'armes à destination de l'Arabie saoudite.

Le 15 avril dernier, le site Disclose a dévoilé un rapport de la Direction du renseignement militaire (DRM) détaillant l'arsenal français utilisé par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis contre les rebelles Houthis au Yémen.

Sur la base de ces documents, le collectif estime que des armes françaises ont été déployées lors de batailles meurtrières pour les civils. La ministre française des Armées, Florence Parly, affirme "ne pas avoir connaissance" de victimes civiles dues à des armes françaises.

"Le gouvernement français, qui n'a aucune assurance que les armes qu'il vend à l'Arabie saoudite ne tuent pas les civils, doit immédiatement geler ses ventes d'armes", a réagi jeudi dans un communiqué Luisa Fenu, directrice du pôle programmes et plaidoyer de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture).

Le ministère français des Armées s'est refusé à tout commentaire.

Aux Etats-Unis, le Sénat américain a voté jeudi deux résolutions visant à bloquer 8 milliards de dollars de ventes d'armes à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis autorisées par Donald Trump.

Les deux textes, parmi une série de 22 résolutions distinctes désapprouvant ces exportations, ont été soutenus par 53 voix contre 45, dont plusieurs élus républicains.

Les sénateurs souhaitent qu'une ligne plus dure soit adoptée contre ce qu'ils considèrent comme des violations des droits de l'homme commises par les deux pétromonarchies du Golfe.

Depuis l'intervention en 2015 de la coalition militaire menée par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis contre les Houthis, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées au Yémen.

(Paul Sandle et Guy Faulconbridge à Londres avec Patricia Zengerle à Washington et Sophie Louet à Paris; Emma Cruz et Guy Kerivel pour le service français, édité par Henri-Pierre André)