L'opposition remporte à nouveau la municipale d'Istanbul

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Istanbul en attente du resultat de la nouvelle election municipale[reuters.com]
(Crédits : Murad Sezer)

ISTANBUL (Reuters) - Le candidat du Parti républicain du peuple (CHP), principale composante de l'opposition turque, a semble-t-il remporté dimanche l'élection municipale d'Istanbul, qui avait été annulée fin mars, infligeant au président Recep Tayyip Erdogan l'un des coups les plus sévères depuis son arrivée aux affaires, en 2003.

Après dépouillement de 99% des voix, Ekrem Imamoglu était en tête avec 54% des voix, selon les chaînes de télévision. L'ancien Premier ministre Binali Yildirim, candidat du Parti de la Justice et du développement (AKP), mouvement islamo-conservateur d'Erdogan qui tenait la ville depuis 25 ans, est quant à lui crédité de 45%.

"Seize millions de Stanbouliotes ont restauré aujourd'hui notre confiance en la démocratie et la justice", s'est félicité Ekrem Imamoglu.

"Mon adversaire est désormais en tête", a quant à lui reconnu Binali Yildirim. "Je le félicite et lui souhaite bonne chance. Mon souhait est qu'Imamoglu fasse le bien d'Istanbul." Recep Tayyip Erdogan a également félicité Ekrem Imamoglu sur Twitter. La commission électorale a promis d'annoncer les résultats officiels le plus vite possible.

Ekrem Imamoglu s'était imposé avec 13.000 voix d'avance le 31 mars, ce que l'AKP a contesté en faisant état d'irrégularités. A sa demande, la commission électorale a ordonné la tenue d'un nouveau scrutin, suscitant l'inquiétude des alliés occidentaux de la Turquie et de l'opposition turque.

La victoire du candidat d'Imamoglu, crédité cette fois de 700.000 voix d'avance, est une défaite personnelle cinglante pour le chef de l'Etat, qui a lui même été maire d'Istanbul dans les années 90. "Qui gagne Istanbul gagne la Turquie", n'a-t-il cessé de répéter.

De nombreux observateurs s'attendent à un remaniement ministériel et à des ajustements diplomatiques.

LÉGISLATIVES ANTICIPÉES ?

La Turquie, qui est membre de l'Otan, s'est rapprochée de la Russie, à laquelle elle a passé commande d'un système de défense antimissiles, ce qui lui a valu des menaces de sanctions de la part des États-Unis.

La déconvenue d'Erdogan, qui s'est beaucoup impliqué dans campagne pour la mairie d'Istanbul, pourrait également entraîner des législatives anticipées. Le scrutin est pour le moment prévu pour 2023.

Mardi dernier, le président a accusé Imamoglu d'entretenir des liens avec Fethullah Gülen, le théologien réfugié aux Etats-Unis auquel Ankara impute le coup d'Etat manqué de juillet 2015.

Pour éviter une nouvelle défaite face au CHP, Recep Tayyip Erdogan s'est fait plus conciliant à l'égard des Kurdes, qui représentent environ 15% de l'électorat à Istanbul.

En mars, les électeurs du Parti démocratique des peuples (HDP), mouvement prokurde, ont plutôt voté pour Imamoglu et les plus conservateurs se sont abstenus.

Abdullah Öcalan, chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) emprisonné depuis vingt ans en Turquie, a appelé cette semaine les électeurs kurdes à adopter "une position de neutralité" lors du scrutin de dimanche, ce qui a été interprété comme un appel à l'abstention.

Les deux codirigeants du HDP, Pervin Buldan et Sezai Temelli, ont accusé un Erdogan "désespéré" de chercher à semer la discorde entre le parti et Öcalan.

"Il n'y a aucun changement dans la stratégie électorale et les choix tactiques du HDP", ont-ils affirmé vendredi, confirmant leur volonté de soutenir le candidat d'opposition.

(Avec Daren Butler, Ece Toksabay, Eylul Aytan et Tuvan Gumrukcu; Eric Faye et Jean-Philippe Lefief pour le service français)