Le projet Libra de Facebook malmené au Sénat américain

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Le projet libra de facebook recoit un accueil glacial au senat[reuters.com]
(Crédits : Dado Ruvic)

par Pete Schroeder et Katie Paul

WASHINGTON (Reuters) - Facebook "délire" s'il croit que les gens vont lui confier leur argent, a déclaré mardi un sénateur américain lors d'une audition très critique d'un des responsables du réseau social sur le projet de monnaie virtuelle Libra.

Facebook a dévoilé le 18 juin cette cryptomonnaie qui doit lui permettre de s'imposer dans les paiements, les services financiers et le commerce en ligne dans le monde entier à partir des utilisateurs de ses différents réseaux sociaux.

Cette monnaie virtuelle, non adossée à des Etats ou à des banques centrales, sera gérée par une association composée d'entreprises, d'organisations à but non lucratif et d'institutions universitaires. Son lancement est prévu pour 2020.

Facebook cherche depuis à obtenir le soutien de Washington à ce projet qui suscite les critiques des responsables politiques et des régulateurs financiers. Ils craignent une adoption généralisée de la monnaie numérique par les 2,38 milliards d'utilisateurs, susceptible de bouleverser le système financier.

"Facebook a démontré scandale après scandale qu'il ne méritait pas notre confiance," a déclaré le démocrate Sherrod Brown, membre de la commission sénatoriale des banques, dans des propos préliminaires. "Nous serions fous de leur donner une chance de les laisser toucher les comptes bancaires des gens."

Lors de l'audition, Sherrod Brown a estimé qu'il était "délirant" de penser que les individus feraient confiance au groupe de médias sociaux avec leur argent "durement gagné".

"JE NE VOUS FAIS PAS CONFIANCE"

La commission sénatoriale des banques interroge David Marcus, chargé de la supervision du projet chez Facebook, sur des questions allant de l'éventuelle incidence de Libra sur la politique monétaire mondiale à la gestion des données des clients.

Il a reçu un accueil glacial de la part des sénateurs démocrates et de plusieurs Républicains, qui partagent les mêmes craintes.

"Je ne vous fais pas confiance", a déclaré la sénatrice républicaine Martha McSally. "Au lieu de faire le ménage chez vous, vous vous lancez dans un nouveau modèle commercial."

David Marcus, qui a été président de PayPal de 2012 à 2014, a tenté de dissiper les inquiétudes dans ses remarques liminaires en assurant que Libra ne serait pas disponible tant que les problèmes de réglementation n'auraient pas été résolus.

Dans ce contexte, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC) a déclaré qu'il n'avait toujours pas parlé à quelqu'un de Facebook du projet Libra, dévoilé pourtant depuis près d'un mois.

Jay Clayton a dit à Reuters en marge d'un événement être "très intéressé" d'entendre les vues de Facebook sur l'aspect réglementaire du projet.

MNUCHIN ET POWELL INQUIETS

Plusieurs hauts responsables américains, dont le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, et le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, ont évoqué les risques que pourrait poser une adoption large de la monnaie virtuelle proposée par Facebook.

Bien avant ce projet Libra, le réseau social était vivement critiqué pour sa gestion des données privées et pour ne pas avoir suffisamment empêché l'ingérence de Moscou lors de l'élection présidentielle américaine en 2016.

David Marcus a notamment été interrogé sur les mesures que Facebook comptait mettre en place pour lutter contre le blanchiment d'argent et s'assurer de la protection des données et des fonds des internautes. La question de la réglementation de la Libra Association, association indépendante à but non lucratif composée de 28 membres et basée à Genève, a également été abordée.

"Je sais que nous devons gagner la confiance des gens pendant une très longue période", a déclaré David Marcus.

Facebook s'est engagé à ce que Calibra, sa filiale de paiement qui fera office de porte-monnaie pour les détenteurs de libras, ne partage les données des clients qu'avec le réseau social et des tierces s'il l'a autorisé, ou dans des "cas limités", si cela est nécessaire.

Parmi les membres de la Libra association figurent Mastercard, Visa, Spotify Technology, PayPal Holdings, eBay, Uber Technologies et Vodafone ainsi des fonds de capital risque comme Andreessen Horowitz et Thrive Capital.

Les débats autour du projet Libra ont eu une incidence sur le cours des cryptommonaies établies. La plus célèbre d'entre elles, le bitcoin, est ainsi passé mardi sous le seuil de 10.000 dollars pour la première fois depuis deux semaines avec un repli de plus de 10% sur la plate-forme Bitstamp

(Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Patrick Vignal)