USA : Les espoirs limités des démocrates avant l'audition de Mueller

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(Crédits : Jim Bourg)

par David Morgan

WASHINGTON (Reuters) - L'ancien conseiller spécial Robert Mueller qui a enquêté pendant près de deux ans sur l'ingérence de la Russie dans la présidentielle américaine de 2016 témoignera ce mercredi devant la Chambre des représentants où les démocrates sont divisés sur l'opportunité d'engager une procédure de destitution contre Donald Trump.

L'audition de l'ex-patron du FBI débutera à 08h30 (12h30 GMT) et il s'exprimera devant deux commissions de la chambre, celle des affaires judiciaires et celle du renseignement.

Les démocrates, qui disposent de la majorité dans cette assemblée depuis les élections de mi-mandat l'an passé, espèrent que ces dépositions susciteront un soutien dans l'opinion publique américaine dans leur tentative de mettre au jour d'éventuels comportements délictueux du président.

Les conseillers des élus démocrates reconnaissent toutefois ne pas s'attendre à de nouvelles révélations de la part de Robert Mueller qui devrait s'en tenir aux conclusions contenues dans son rapport d'enquête de 448 pages remis au printemps au ministre de la Justice.

Robert Mueller, qui s'est déjà exprimé en public sur l'enquête menée pendant vingt-deux mois, a prévu de faire une déclaration liminaire avant de répondre aux questions des représentants.

Les démocrates espèrent que l'ancien procureur spécial sera en mesure de fournir des précisions sur l'ingérence russe dans la campagne présidentielle destinée à favoriser l'élection de Donald Trump, candidat jugé par Moscou plus favorable que sa rivale Hillary Clinton aux intérêts russes.

Les questions devraient également porter sur l'acceptation par l'équipe de campagne Trump de l'aide proposée par des intermédiaires russes et sur les éventuels efforts déployés par le nouveau président pour empêcher une enquête, ce qui pourrait constituer une tentative d'entrave de la justice.

"En Amérique, on croit ce qu'on voit. Le rapport est volumineux. Mais la plupart des Américains ne l'ont pas lu. Ils vont donc regarder Mueller exposer l'affaire", a expliqué le représentant Eric Swalweel, qui siège dans les deux commissions de la chambre.

TRANCHER LA QUESTION DE L'IMPEACHMENT

L'audition de Robert Mueller sera également l'occasion pour le camp démocrate de répondre à l'embarrassante question de l'"impeachment" qui divise le parti. Beaucoup d'élus ont gardé en mémoire la faillite de cette procédure lorsqu'elle avait été menée par les républicains contre Bill Clinton.

L'aile la plus libérale du parti souhaite une procédure de destitution dans un contexte de tension accrue alimentée par Donald Trump dans la perspective de l'élection présidentielle de 2020.

Les récentes remarques adressées par le président à quatre élues démocrates issues des minorités raciales ont contribué à dégrader un peu plus les relations déjà très mauvaises entre la Maison blanche et la Chambre des représentants.

Selon une enquête de Reuters, 89 représentants démocrates seraient favorables à l'engagement de cette procédure qui aurait peu de chance d'aboutir, les républicains étant majoritaires au Sénat, la chambre compétente pour juger le chef de l'Etat.

Pour que la procédure d'empêchement soit engagée, les articles de loi doivent être approuvés à la majorité absolue de la Chambre des représentants, soit 218 élus.

"Nous espérons que le témoignage de Mueller marquera un tournant", a déclaré la représentante démocrate Sheila Jackson Lee, membre de la Commission des affaires judiciaires.

Pour l'instant, la présidente de la chambre Nancy Pelosi s'oppose à engager un tel bras de fer politique avec Donald Trump, préférant l'option soutenue par les modérés : battre le président sortant lors de la prochaine élection.

Robert Mueller, qui s'est montré réticent à venir témoigner devant les élus, n'a accepté de le faire qu'après avoir été assigné par les représentants démocrates.

LE RISQUE D'ÊTRE DÉÇUS

Ces derniers pourraient être déçus par la prestation de l'ancien officier des Marines, connu pour la brièveté de ses réponses - parfois un simple mot - et pour son style jugé taciturne.

"Ecoutons et voyons où les faits vont nous conduire. Nous verrons ce qui se passe après ça", a dit Nancy Pelosi.

"Je pense qu'ils (les démocrates) vont être déçus comme ils l'ont été après la publication du rapport", a estimé le représentant républicain Tom Cole.

Le rapport estime que l'enquête n'a pas permis de rassembler de preuves suffisantes démontrant une collusion entre l'équipe de campagne de Trump et la Russie.

Le rapport ne fournit pas non plus de conclusion définitive sur une éventuelle obstruction de justice commise par le président américain. Le texte ne propose pourtant pas d'exonérer Donald Trump de toute infraction.

Malgré la persistance de ce doute, l'Attorney General (le ministre de la Justice) William Barr, nommé par Trump, s'est empressé de blanchir le chef de l'Etat de toute tentative d'obstruction de la procédure judiciaire.

"Il est important pour lui (Mueller) de dire que l'enquête n'a pas exonéré le président", a expliqué la représentante démocrate Val Demings qui siège dans les deux commissions.

Les élus républicains devraient tenter de mettre en doute les fondements mêmes de l'enquête ouverte sur l'ingérence russe par le FBI alors que Barack Obama était encore en fonction. Donald Trump affirme que cette enquête est une tentative pour le renverser.

Le département de la Justice a adressé lundi un courrier pour informer les parlementaires que le témoignage de Mueller se limitera aux aspects publics du rapport, une directive qui a été rejetée par le président de la Commission des affaires judiciaires.

Même si le témoignage de Robert Mueller ne répond pas à toutes les attentes des démocrates, ceux-ci entendent exploiter l'opportunité de présenter Donald Trump sous un jour défavorable à un peu plus de quinze mois de la présidentielle de 2020.