France : Le projet de loi bioéthique dévoilé, la PMA focalise les débats

reuters.com  |   |  798  mots
France: la loi bioethique devoilee, premiere reforme societale du quinquennat[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Le gouvernement a ouvert la voie mercredi à la première grande réforme sociétale du mandat d'Emmanuel Macron, un projet de loi sur la bioéthique qui aborde de nombreux sujets sensibles, à commencer par la procréation médicalement assistée (PMA) appelée à être étendue à toutes les femmes.

Ce texte à haute valeur symbolique, promis par le chef de l'Etat durant la campagne présidentielle mais plusieurs fois reporté, a été présenté en conseil des ministres.

C'est le point de départ du parcours législatif d'un projet défendu par les ministres Agnès Buzyn (Santé), Nicole Belloubet (Justice) et Frédérique Vidal (Recherche), qui sera examiné fin septembre en séance publique à l'Assemblée nationale puis au Sénat, avant une promulgation "fin du premier trimestre 2020".

C'est aussi l'aboutissement d'un long travail de consultations mené par l'exécutif, soucieux d'éviter une réédition des débats tendus qui ont agité l'Assemblée et une partie de la société lors de l'extension du mariage aux couples de même sexe, en 2012-2013, au début du quinquennat Hollande.

"Nous avons recherché un équilibre entre ce que propose la science, ce que demande la société, et les valeurs éthiques de dignité et de solidarité", a souligné Agnès Buzyn.

"Nous souhaitons porter cette loi de façon apaisée en prenant soin de respecter toutes les opinions parce que nous ne souhaitons absolument pas diviser la société", a-t-elle ajouté lors d'une conférence de presse. "Nous pensons qu'il y a une maturation de la société sur ces questions-là (...) et que ce (la PMA pour toutes-NDLR) n'est plus vraiment un sujet sur lesquels les Français souhaitent se battre".

CONGÉLATION DES OVOCYTES

Le projet de loi met à jour la législation sur la bioéthique, comme les gouvernements successifs ont l'obligation de le faire au moins tous les sept ans. Il contient des mesures allant de la greffe à la génétique en passant par la procréation, le volet a priori le plus délicat.

Il offre notamment aux enfants nés de PMA grâce au don d'un tiers la possibilité d'accéder, une fois parvenus à la majorité, à des données concernant leur origine, voire de connaître l'identité du donneur si celui-ci donne son accord.

"Le don reste par contre anonyme, les parents ne choisissent pas le donneur de gamètes et le donneur de gamètes ne choisit pas le couple", a précisé Agnès Buzyn.

Le texte permettra aussi aux femmes de congeler leurs propres ovocytes, pas seulement pour des raisons médicales comme c'est le cas aujourd'hui.

C'est l'ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires qui cristallise les débats.

"Nous avons été très attentifs à l'intérêt de l'enfant", a assuré Agnès Buzyn. "Toutes les études montrent que les enfants nés ou élevés dans des couples homosexuels ou par des mères célibataires n'ont pas de difficultés particulières."

"TENTATIONS DÉMIURGIQUES"

La PMA sera intégralement remboursée aux femmes, qui bénéficieront ainsi de la même prise en charge que les couples hétérosexuels infertiles aujourd'hui. A l'heure actuelle, 150.000 essais de PMA sont réalisés par an en France pour un coût général pour la Sécurité sociale de 300 millions d'euros.

Son extension à toutes les femmes concernera 2.000 femmes supplémentaires par an pour un coût compris entre 10 et 15 millions d'euros, selon le ministère de la Santé.

Avant d'ouvrir ce chantier, le gouvernement s'était assuré d'avoir l'assentiment du Comité consultatif national d'éthique, au terme des Etats généraux de la bioéthique organisés en 2018.

Ces concertations n'ont toutefois pas levé les réticences des opposants à la "PMA sans père", à droite notamment, qui voient là une nouvelle étape vers la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), voire la porte ouverte à des "tentations démiurgiques" redoutées par le député Les Républicains Guillaume Larrivé.

"Je ne veux pas que dans quelques années on se réveille hagards dans un monde transhumaniste où l'on créerait des bébés sur mesure en méconnaissant au fond la nature même de l'Humanité", a déclaré, sur France Inter, le candidat à la présidence de LR, qui votera contre les articles sur le sujet.

Les députés LR, pour beaucoup sur cette même ligne, auront la liberté de vote, de même que ceux de La République en marche (LaRem), comme l'a annoncé le mois dernier le délégué général du parti présidentiel, Stanislas Guerini.

(Simon Carraud et Marine Pennetier, édité par Sophie Louet)