L'Open Arms rejette la proposition espagnole

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L'espagne propose a l'open arms d'accoster a algesiras[reuters.com]
(Crédits : Guglielmo Mangiapane)

par Joan Faus

MADRID (Reuters) - L'ONG espagnole Open Arms, dont le navire humanitaire à bord duquel se trouve une centaine de migrants est bloqué depuis plus de quinze jours devant l'île italienne de Lampedusa, a rejeté dimanche la proposition du gouvernement espagnol de débarquer à Algésiras, à l'extrême sud du pays.

Une porte-parole de l'ONG a expliqué que la situation sanitaire à bord de l'Open Arms ne permettait pas d'entreprendre cette longue traversée de la Méditerranée.

"Nous ne pouvons pas accepter d'aller dans un port espagnol parce que nous sommes dans un état d'urgence humanitaire extrême, ce dont ils (les migrants secourus) ont besoin, c'est d'être débarqués maintenant. Il est impensable de naviguer six jours, le temps qu'il nous faudrait pour arriver à Algésiras", a-t-elle dit.

"Nous mettrions en danger l'intégrité et la sécurité des passagers secourus et de l'équipage."

Madrid a par la suite proposé à l'ONG de débarquer dans le port espagnol le plus proche, mais n'a pas obtenu de réponse.

Malgré un accord européen de répartition des 134 personnes secourues par le navire au large de la Libye, le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini lui interdit l'accès au port de Lampedusa. A la demande du président du Conseil Giuseppe Conte, le chef de file de la Ligue, parti d'extrême droite, a toutefois autorisé samedi le débarquement de 27 mineurs isolés par des garde-côtes italiens.

Il reste 107 passagers à bord, et leur sécurité ne peut plus être garantie, avait déclaré samedi l'ONG espagnole qui a affrété le navire. Les conditions de vie se sont considérablement dégradées et des rixes opposent fréquemment les passagers excédés, souligne l'ONG.

"DE QUOI SALVINI A-T-IL BESOIN ? DE MORTS ?"

Son fondateur, Oscar Camps, a tweeté dimanche après-midi une vidéo sur laquelle on voit quatre migrants tentant de rejoindre à la nage le rivage de Lampedusa après avoir sauté du bateau. Ils sont rejoints par des sauveteurs qui les arrêtent.

"Cela fait des jours que nous prévenons que le désespoir a des limites", écrit-il. "De quoi Matteo Salvini a-t-il besoin pour sa campagne ? De morts ?"

L'Espagne et cinq autres Etats membres de l'Union européenne (la France, l'Allemagne, la Roumanie, le Portugal et le Luxembourg) ont accepté cette semaine de se répartir les personnes secourues par l'Open Arms. Cet accord de répartition reste d'actualité, a précisé le gouvernement espagnol.

A Paris, une source au ministère de l'Intérieur a déclaré que la France accueillerait "40 personnes qui sont en besoin de protection" parmi les migrants secourus par l'Open Arms.

"L'Espagne agit toujours en cas d'urgences humanitaires", a déclaré le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, qui appelle dans le même temps à la nécessité d'apporter une solution européenne au défi que posent les migrations dans le respect des "valeurs européennes de progrès et d'humanisme".

Il critique aussi la "réponse inconcevable des autorités italiennes", en particulier du ministre de l'Intérieur.

Salvini, qui manoeuvre par ailleurs pour obtenir des élections législatives anticipées, avait réaffirmé samedi que l'Open Arms aurait pu gagner les côtes espagnoles après avoir secouru les migrants et que l'ONG était pleinement responsable de la détresse des passagers du navire humanitaire.

Dimanche, il a estimé que la proposition du gouvernement espagnol était une victoire pour son approche radicale de la question migratoire. "Ceux qui tiennent bon sont ceux qui gagnent", a-t-il écrit.

Il a également accusé l'ONG de mentir sur l'état de santé des migrants, ajoutant qu'une inspection médicale menée samedi à bord de l'Open Arms par les autorités italiennes n'avait pas conclu à une situation d'urgence sanitaire.

"Ils nous disent de faire débarquer les malades, et il s'avère qu'ils ne sont pas malades, ils nous disent de débarquer les mineurs et il s'avère qu'un grand nombre d'entre eux ne sont pas des mineurs (...) Ce sont de présumés mineurs et de présumés réfugiés fuyant de présumées guerres", a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée sur Facebook.

(avec Gavin Jones à Rome et Myriam Rivet à Paris; Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)