La réforme de la justice des mineurs en conseil des ministres

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La reforme de la justice des mineurs en conseil des ministres[reuters.com]
(Crédits : Jonathan Ernst)

PARIS (Reuters) - La réforme par ordonnance de la justice des mineurs, qui instaure un seuil de responsabilité pénale à 13 ans, a été présentée mercredi en conseil des ministres sur fond de critiques de magistrats et d'éducateurs spécialisés, qui dénoncent un "passage en force".

Cette réforme, dévoilée en juin par la ministre de la Justice Nicole Belloubet et qui entrera en vigueur le 1er octobre 2020, vise à mettre la France en conformité avec la convention internationale des droits de l'enfant qui exige que soit retenu un âge butoir.

Jusqu'à présent, la question du déclenchement de la responsabilité pénale était laissée à l'appréciation des juges et des poursuites pénales pouvaient être engagées à l'encontre d'un enfant quel que soit son âge. Selon le ministère de la Justice, quelque 2.000 jeunes de moins de 13 ans font l'objet de poursuites chaque année.

Le texte de réforme de l'ordonnance de 1945, sur lequel le Parlement aura un an pour "le modifier et l'enrichir", instaure également une nouvelle procédure pénale en deux temps avec l'objectif de réduire de moitié les délais de jugement.

Concrètement, un premier jugement sur la culpabilité interviendra dans un délai de trois mois maximum - contre près de 18 mois actuellement - suivi d'une mise à l'épreuve éducative de 6 à 9 mois - avant la décision sur la sanction par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants.

Le texte prévoit également de limiter la détention provisoire - actuellement, 845 mineurs sont détenus en prison, dont près de 84% en détention provisoire selon la chancellerie.

Elle sera désormais réservée au cas de délit grave ou complexe justifiant d'une ouverture d'information judiciaire, en cas de délit grave commis par un mineur récidiviste ou en cas de violation d'un contrôle judiciaire.

"PLUS GRANDE LISIBILITÉ"

L'objectif du projet de réforme est d'avoir "une plus grande lisibilité du schéma par lequel le mineur passe pour être jugé, une plus grande lisibilité également des sanctions dont l'échelle n'est pas modifiée", a déclaré la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, lors du compte rendu du conseil des ministres.

"L'objectif est également celui d'une plus grande efficacité : une justice qui met du temps à être rendue c'est une difficulté pour la victime qui n'a pas de réparation immédiate mais aussi pour le mineur qui n'a pas conscience de la sanction", a-t-elle ajouté.

Au-delà du contenu, la décision de l'exécutif de recourir aux ordonnances, annoncée à la surprise générale fin 2018, pour réformer une ordonnance de 1945 - considérée comme "illisible" et déjà amendée à 39 reprises - n'en finit pas de faire grincer des dents.

"Il n'était vraiment pas nécessaire de recourir à une procédure d'urgence", estime Lucille Rouet, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche, dans les colonnes de Libération. "Quand on travaille sur un texte aussi fondateur, il faut se laisser le temps. Là on passe par ordonnances et on prévoit un an de réflexion après le vote. Ce n'est pas cohérent".

A l'origine d'un appel à la grève pour ce mercredi, le SNPES-PJJ/FSU et la CGT-PJJ dénoncent pour leur part "une méthode de passage en force" et défendent "un retour à une ordonnance de 1945 réformée et expurgée des dispositions sécuritaires et répressives accumulées au cours des dernières années et qui l'ont vidé de sa substance protectrice."

(Marine Pennetier, édité par Elizabeth Pineau)