Londres rend public le rapport "Opération Yellowhammer" sur le Brexit

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Londres rend public le rapport operation yellowhammer sur le brexit[reuters.com]
(Crédits : Henry Nicholls)

LONDRES (Reuters) - Le gouvernement britannique a publié mercredi soir les conclusions de son dossier "Opération Yellowhammer", le rapport qui évalue les conséquences les plus brutales d'un Brexit sans accord mais que le cabinet Johnson s'emploie à présenter comme une simple hypothèse de travail.

Des extraits de ce document avaient fuité le mois dernier dans le Sunday Times et faisaient état d'un risque de pénuries de nourriture, de carburants et de médicaments, de blocage des ports et du rétablissement de contrôles à la frontière irlandaise.

Le dossier rendu public mercredi soir, sur demande express de la Chambre des communes, confirme que la traversée de la Manche risque d'être singulièrement perturbée en cas de Brexit sans accord, avec un trafic potentiellement réduit de 40% à 60%.

Les poids lourds pourraient devoir attendre jusqu'à deux jours et demi avant de franchir la Manche et les ressortissants risquent de subir des contrôles renforcés dans les ports et aéroports.

Ces perturbations ne seraient pas sans conséquences sur les approvisionnements en médicaments et en produits frais et pourraient entraîner d'importants mouvements de mécontentement dans tout le Royaume-Uni, voire des émeutes.

"Certaines catégories de produits frais seront moins disponibles", dit le rapport. "Il y a un risque d'achats de panique qui provoqueraient ou aggraveraient une perturbation de la chaîne d'approvisionnement alimentaire."

Des pénuries de carburants sont également prévisibles à Londres et dans le sud-est de l'Angleterre. Les services financiers transfrontaliers de même que le partage d'informations entre les services de police et de sécurité pourraient aussi souffrir.

"Des manifestations et des contre-manifestations auront lieu à travers le Royaume-Uni."

"GOUVERNEMENT IRRESPONSABLE"

Ce dossier, a souligné jeudi matin sur la BBC le ministre de la Défense, Ben Wallace, est un "document de travail" montrant ce qui pourrait se passer si le gouvernement ne faisait rien. "Nous nous servons de ces hypothèses pour planifier nos mesures d'adaptation", a-t-il ajouté, indiquant qu'un grand nombre de mesures étaient en train d'être prises par le cabinet Johnson.

Le Premier ministre a lui aussi affirmé que ce document présentait le "scénario du pire" et a ajouté que le Royaume-Uni serait prêt à partir de l'UE. Les ports et les industries seront prêts, a-t-il insisté.

Keir Starmer, chargé du Brexit dans le "gouvernement fantôme" de l'opposition travailliste, a jugé pour sa part que "ces documents confirment les graves risques d'un Brexit sans accord".

"Il est absolument irresponsable de la part du gouvernement d'avoir tenté d'ignorer ces sombres avertissements et d'empêcher l'opinion de voir ces documents", poursuit-il.

Il y voit un élément supplémentaire pour annuler la suspension du Parlement décidée par Boris Johnson et entrée en vigueur lundi soir et jusqu'au 14 octobre prochain. Les élus, plaide Starmer, doivent "pouvoir étudier scrupuleusement ces documents et prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher un No Deal".

Le rapport Yellowhammer - son nom, celui d'un petit passereau, le bruant jaune, lui a été donné au hasard - juge probable que la préparation de la population et des entreprises britanniques à l'éventualité d'un divorce sans accord avec l'Union européenne soit faible, notamment du fait de l'incertitude politique qui règne autour du Brexit.

Partisan déclaré d'une politique "jusqu'au-boutiste" (do or die), Boris Johnson, au pouvoir depuis le 24 juillet, martèle que le Royaume-Uni quittera "coûte que coûte" l'UE avec ou sans accord le 31 octobre prochain.

Mais il est désormais minoritaire au Parlement qui, avant la suspension de ses travaux, a fait voter et promulguer par la reine Elizabeth II une loi qui le contraint à demander un report de trois mois de la date du divorce s'il ne parvient pas à un accord avec les Européens d'ici au 19 octobre.

(Paul Sandle; Nicolas Delame et Henri-Pierre André pour le service français)