La Pologne réélit Duda président au risque de braquer l'UE

reuters.com  |   |  673  mots
Pologne: le president sortant duda donne en tete de la presidentielle[reuters.com]
(Crédits : Kacper Pempel)

par Joanna Plucinska et Marcin Goclowski

VARSOVIE (Reuters) - Andrzej Duda a été réélu président de la Pologne pour un nouveau mandat de cinq ans au terme d'une élection serrée, selon des résultats quasi définitifs publiés lundi, ce qui devrait permettre au gouvernement du Parti Droit et Justice (PiS) de poursuivre la mise en oeuvre de son programme conservateur au risque d'accroître les tensions avec l'Union européenne.

Sur la base des résultats de 99,97% des bureaux de vote, la Commission électorale nationale a déclaré que le chef de l'Etat sortant avait remporté l'élection présidentielle avec 51,2% des voix lors du second tour organisé dimanche.

Son adversaire, le maire libéral de Varsovie Rafal Trzaskowski, candidat de la Plateforme civique (PO), principale formation d'opposition, a recueilli 48,8% des suffrages. L'écart entre les deux candidats est d'environ 500.000 voix.

"Sans vouloir parler au nom de l'équipe de campagne, je pense que cette différence est suffisamment importante pour que nous acceptions le résultat", a déclaré Grzegorz Schetyna, ancien chef de la PO.

La réélection d'Andrzej Duda, allié du PiS, doit notamment permettre au gouvernement de boucler une réforme de la justice que l'Union européenne considère comme antidémocratique.

Soutenu par le gouvernement, Andrzej Duda est accusé par ses détracteurs d'avoir mené une campagne agressive ponctuée de propos homophobes et d'attaques contre les médias indépendants. Il a aussi accusé son adversaire de servir les intérêts de puissances étrangères plutôt que ceux de la Pologne.

La victoire d'Andrzej Duda est un nouveau casse-tête pour l'Union européenne, qui doit composer avec la montée du nationalisme au sein du bloc alors qu'elle fait déjà face à la pandémie due au coronavirus.

Avant l'arrivée au pouvoir en 2015 du PiS et d'Andrzej Duda, la Pologne était considérée comme l'un des pays de l'ancien bloc communiste les plus favorables à l'intégration européenne. Depuis, les sujets de friction avec Bruxelles se sont multipliés, que ce soit sur le changement climatique, l'accueil des immigrés ou le respect des principes démocratiques.

VALEURS TRADITIONNELLES

Durant la campagne, Rafal Trzaskowski avait promis de réparer les liens entre la Pologne et l'Union européenne et de faire usage du veto présidentiel pour bloquer tout projet de loi susceptible d'affaiblir l'Etat de droit. Il avait dit aussi vouloir une Pologne plus ouverte et plus tolérante et critiqué la rhétorique employée par le PiS à l'égard des minorités.

Aux yeux de nombreux conservateurs polonais, celui qui est maire de Varsovie depuis 2018 symbolise les menaces qui pèsent sur les valeurs traditionnelles du pays, pour avoir par exemple promis d'inclure dans les programmes des écoles de la capitale des cours sur les droits de la communauté LGBT.

L'archevêque de Cracovie a déclaré samedi à des fidèles que la Pologne faisait face à un "danger mortel" du fait des idéologies cherchant, selon lui, à nuire à la structure familiale traditionnelle et à corrompre les enfants.

L'économie a également été un enjeu de la campagne, Andrzej Duda se présentant comme le défenseur des généreux programmes sociaux ayant permis à de nombreux Polonais de sortir de la pauvreté depuis l'arrivée du PiS au pouvoir.

Le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, a laissé entendre dimanche soir que le parti pourrait poursuivre rapidement la mise en oeuvre de son programme conservateur après le scrutin.

"Nous devons nous occuper bien plus qu'auparavant de la question des valeurs", a-t-il déclaré à la chaîne de télévision publique TVP, ajoutant vouloir aussi régler le problème du déséquilibre dans les médias, afin qu'ils soient plus favorables au pouvoir.

Certains observateurs estiment que le score réalisé par Rafal Trzaskowski pourrait redynamiser l'opposition, qui a peiné jusqu'à ici à convaincre les Polonais.

(avec Alan Charlish, Marcin Goclowski et Alicja Ptak; version française Jean Terzian et Claude Chendjou)