USA : Trump évoque un report de l'élection, idée rejetée par les républicains

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Trump evoque un report de l'election presidentielle aux usa[reuters.com]
(Crédits : Carlos Barria)

par Steve Holland

WASHINGTON (Reuters) - Donald Trump a évoqué jeudi l'éventualité d'un report de l'élection présidentielle prévue le 3 novembre aux Etats-Unis, une idée immédiatement rejetée aussi bien par ses adversaires démocrates que par son propre camp républicain au Congrès, seule institution compétente pour une telle décision.

Pour ses détracteurs mais aussi pour certains de ses alliés, les propos du président américain manquent de sérieux et visent uniquement à détourner l'attention de la mauvaise situation économique des Etats-Unis, qui ont vu leur produit intérieur brut s'effondrer de près d'un tiers au deuxième trimestre.

Egalement contesté pour sa gestion de l'épidémie liée au coronavirus, qui a déjà fait plus de 150.000 morts aux Etats-Unis, Donald Trump a émis cette possibilité d'un report du scrutin en renouvelant sa crainte, non étayée par des preuves, d'une fraude dans les votes par correspondance.

"Avec le vote universel par correspondance (pas le vote par procuration, qui est bien), 2020 sera l'élection la plus INEXACTE & FRAUDULEUSE de l'Histoire. Ce sera une grande honte pour les USA", a-t-il écrit sur Twitter. "Reporter l'élection jusqu'à ce que les gens puissent voter correctement, en sécurité et de manière sûre???"

Aux termes de la Constitution des Etats-Unis, il revient au Congrès de fixer la date de l'élection présidentielle. Le pays a continué à organiser des élections présidentielles même pendant la Guerre de Sécession, la Grande Dépression économique des années 1930 et les deux guerres mondiales.

Sept heures plus tard, Trump a de nouveau tweeté en soulignant cette fois que les Américains devaient connaître l'issue du vote dans la nuit suivant l'élection, "et non des jours, des mois ou même des années plus tard !" en allusion aux inquiétudes qui montent sur une possible accumulation de retard dans le dépouillement et de recours qui pourrait plonger les Etats-Unis dans une longue attente.

"Heureux d'avoir pu amener les très malhonnêtes Médias LameStream (ndlr, jeu de mots à base des adjectifs 'mainstream', dominant, et 'lame', pour faible ou boiteux) à commencer à parler enfin des RISQUES contre notre démocratie de ce dangereux vote universel par correspondance", a-t-il ajouté.

REFUS CATÉGORIQUE DES DÉMOCRATES

Ellen Weintraub, patronne de la commission électorale fédérale, a rappelé que Donald Trump ne pouvait pas modifier la date du scrutin et qu'elle ne devait pas l'être.

Plusieurs élus républicains du Congrès, y compris le chef de la majorité sénatoriale Mitch McConnell et le chef de file des représentants républicains Kevin McCarthy, ont aussi rejeté cette idée.

Le sénateur Lindsey Graham, pourtant proche de Donald Trump, a pour sa part jugé que "reporter l'élection ne serait probablement pas une bonne idée".

Côté démocrate, le refus d'un report du scrutin est catégorique.

"Seul le Congrès peut modifier la date de nos élections", a écrit Zoe Lofgren, présidente de la commission de la Chambre des représentants supervisant le bon déroulement des élections. "Nous n'envisagerons en aucune circonstance de le faire en raison de la réaction inepte et désordonnée du président à la pandémie de coronavirus ou pour donner crédit aux mensonges et à la désinformation qu'il propage au sujet de la façon dont les Américains peuvent voter de manière sûre et sécurisée."

STUPÉFACTION À LA MAISON BLANCHE

La Maison blanche, où certains semblent avoir été pris au dépourvu par le message présidentiel, a renvoyé vers son équipe de campagne.

"Le président ne fait que soulever une question au sujet du chaos provoqué par les démocrates avec leur insistance sur le vote par correspondance", a dit Hogan Gidley, attaché de presse de la campagne de Donald Trump.

Un républicain proche de la Maison blanche s'est dit stupéfait par le tweet présidentiel. Il a relevé qu'il intervenait après une période de stabilité dans le message de Donald Trump conformément aux conseils de son nouveau directeur de campagne Bill Stepien et d'un autre responsable de sa campagne, Jason Miller.

"A l'évidence, il ne peut pas se retenir. Cela commence véritablement à ressembler à la campagne électorale alors il fait ça", a dit cette source républicaine. "C'est terrible. Il commence à donner l'impression de ne même pas vouloir gagner."

Distancé dans les intentions de vote par son futur adversaire démocrate Joe Biden, Donald Trump a déjà exprimé ses doutes sur la légitimité du vote par correspondance, qui s'est fortement développé durant les primaires de désignation des candidats en raison de l'épidémie liée au nouveau coronavirus.

Il a aussi déclaré, sans là non plus apporter de preuves, que le vote de novembre serait faussé et, comme en 2016, il a refusé de promettre qu'il respecterait le résultat officiel du scrutin en cas de défaite.

Les démocrates, et notamment Joe Biden, se préparent déjà au scénario qui verrait leurs adversaires républicains contester les résultats, exiger de nouveaux comptages de voix voire intimider les électeurs dans les bureaux de vote, ont dit des responsables à Reuters.

Pour le constitutionnaliste Justin Levitt, professeur à Loyola Marymount University, la partie vraiment dangereuse du tweet de Trump ne réside pas sa suggestion de repousser le scrutin - qui, dit-il, relève du "fantasme" - mais de ses affirmations sur le risque de fraude associé au vote par correspondance.

"C'est le dernier exemple en date de ce président s'attachant à saper la légitimité du processus électoral avant même qu'il se déroule, et c'est profondément déstabilisant", ajoute-t-il.

(Avec Rick Cowan, David Morgan, Patricia Zengerle, Susan Heavey, Michael Martina et Joseph Ax; version française Bertrand Boucey, édité par Nicolas Delame)