Liban : Le conseil de Défense recommande l'état d'urgence à Beyrouth

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Liban: le conseil de defense recommande l'etat d'urgence a beyrouth[reuters.com]
(Crédits : Mohamed Azakir)

par Samia Nakhoul, Ellen Francis et Laila Bassam

BEYROUTH (Reuters) - Le Conseil supérieur libanais de Défense a recommandé que Beyrouth soit déclarée ville sinistrée après l'explosion massive dans son port mardi, que l'état d'urgence soit déclaré pour deux semaines dans la capitale et que l'armée soit chargée d'y assurer la sécurité.

Une explosion d'une puissance considérable a dévasté le port de Beyrouth et une partie de la ville, tuant au moins 78 personnes et blessant près de 4.000 autres selon le dernier bilan communiqué à Reuters par le ministre de la Santé, et provoquant des dégâts spectaculaires.

Les autorités ont fait savoir qu'elles s'attendaient à ce que le bilan s'alourdisse encore, alors que les équipes de secours continuaient de fouiller les décombres après la tombée de la nuit.

Il s'agit de la plus importante explosion survenue depuis des années à Beyrouth, réveillant des souvenirs douloureux pour une population habituée aux attentats et à la guerre, dans un pays déjà en proie à une grave crise économique et à un regain des nouvelles contaminations au coronavirus.

Le président Michel Aoun a déclaré que 2.750 tonnes d'ammonium de nitrate étaient stockées depuis six ans dans le port sans mesures de sécurité, décrivant cela comme "inacceptable".

Un conseil des ministres se tiendra en urgence mercredi, a-t-il par ailleurs fait savoir, précisant que l'état d'urgence devrait être déclaré pour deux semaines.

"Nous assistons à une terrible catastrophe", a déclaré le chef de la Croix Rouge libanaise, George Kettani, à la chaîne de télévision Al Mayadeen. "Il y a des morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu'ils soient proches ou éloignés de l'explosion", a-t-il dit.

MACRON PROMET L'AIDE DE LA FRANCE

A Washington, le président américain Donald Trump a qualifié cet indicent d'"attaque" et, citant des représentants de l'armée, estimé qu'il s'agissait d'une "sorte de bombe". Il a par ailleurs proposé au Liban l'aide des Etats-Unis.

Des secours et des moyens français vont être acheminés au Liban, a annoncé le président français Emmanuel Macron. "J'exprime ma solidarité fraternelle avec les Libanais après l'explosion qui a fait tant de victimes et de dégâts ce soir à Beyrouth", a-t-il dit sur Twitter. "La France se tient aux côtés du Liban. Toujours", a-t-il ajouté.

Plusieurs heures après l'explosion, qui s'est produite peu après 15h00 GMT, l'incendie n'était toujours pas éteint sur le port, alors que des hélicoptères survolaient la zone et que les sirènes des ambulances pouvaient être entendues à travers la ville.

L'explosion fut si forte que certains habitants de Beyrouth, où les souvenirs des lourds bombardements de la guerre civile (1975-1990) sont toujours présents, ont cru qu'il s'agissait d'un tremblement de terre. Les vitres des bâtiments alentours ont été soufflées et les balcons des immeubles arrachés.

Une source sécuritaire a déclaré que des blessés étaient transportés hors de la ville pour être soignés car les hôpitaux de Beyrouth étaient surchargés.

"Je n'ai jamais vu cela. C'était horrible", a déclaré à Reuters une médecin, se présentant comme Rouba, ajoutant que 200 à 300 personnes avaient été admises au sein d'un seul service des urgences.

Le Premier ministre Hassan Diab a promis lors d'une allocution télévisée que "cette tragédie ne restera pas impunie".

LE SPECTRE D'UNE CRISE HUMANITAIRE

L'origine de la déflagration, ressentie jusque sur l'île de Chypre, n'a pas été annoncée par les autorités. D'après une source sécuritaire et des médias locaux, l'incendie ayant causé l'explosion a été provoqué par des travaux de soudure dans l'entrepôt.

Le gouvernement a déclaré qu'il éprouvait des difficultés à établir l'ampleur des dégâts.

"Il y a de nombreuses personnes encore portées disparues (...) Les recherches sont compliquées pendant la nuit car il n'y a pas d'électricité", a dit à Reuters le ministre de la Santé, Hamad Hasan. "Nous faisons face à une vraie catastrophe et avons besoin de temps pour évaluer la portée des dégâts".

Une journée de deuil national a été décrétée pour mercredi.

Des représentants israéliens ont déclaré que l'Etat hébreu, qui s'est livré à plusieurs conflits armés avec le Liban, n'avait rien à voir avec l'explosion de mardi, et ils ont ajouté que le pays était prêt à fournir de l'aide humanitaire et médicale.

L'Iran, soutien du mouvement chiite Hezbollah, a aussi proposé son aide, de même que le rival régional de Téhéran, l'Arabie saoudite.

Cette explosion a détruit le principal point d'entrée au Liban, qui dépend des importations de produits alimentaires pour nourrir sa population de 6 millions d'habitants, faisant planer la menace d'une nouvelle crise humanitaire. Plusieurs centaines de milliers de Syriens ont trouvé refuge dans le pays.

(avec Yara Abi Nader à Beyrouth et les bureaux du Caire et de Dubaï; version française Nicolas Delame, Jean-Stéphane Brosse et Jean Terzian)