Des ouvriers des usines d'Etat biélorusses rejoignent les manifestations

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Le pouvoir bielorusse libere des manifestants, l'ue envisage des sanctions[reuters.com]
(Crédits : Andrei Stasevich/belta)

par Andrei Makhovsky

MINSK/BRUXELLES (Reuters) - Des ouvriers des usines d'Etat biélorusses ont rejoint jeudi le mouvement de protestation contre la réélection jugée frauduleuse du président Alexandre Loukachenko, qui rassemble des dizaines de milliers de personnes malgré la répression des forces de sécurité.

Des manifestants ont formé des chaînes humaines dans les rues de Minsk. Au moins deux présentateurs de la télévision nationale, étroitement contrôlée par le pouvoir, ont participé à ces actions.

Au pouvoir depuis 1994, Alexandre Loukachenko accuse les manifestants d'être des criminels et des sans-emploi manipulés par des forces étrangères. Sa victoire annoncée dimanche par la commission électorale centrale, avec plus de 80% des voix, a été massivement rejetée par la population.

Au moins deux personnes sont mortes et environ 7.000 autres ont été interpellées en quatre nuits consécutives de confrontation entre forces de sécurité et manifestants.

Cité par l'agence de presse russe Tass, le ministre biélorusse de l'Intérieur, Iouri Karaïev, a déclaré qu'il ne voyait pas dans ces manifestations les signes d'une "révolution".

Les ambassadeurs des pays membres de l'Union européenne ont déposé des fleurs sur le site où l'un des protestataires est décédé, ovationnés par une foule scandant des slogans.

Les autorités biélorusses ont commencé jeudi à relâcher une partie des milliers de manifestants arrêtés ces derniers jours.

Plusieurs d'entre eux, libérés d'un centre de détention de Minsk, ont déclaré avoir été frappés, incarcérés dans des cellules bondées et sous-alimentés.

Une porte-parole du ministère de l'Intérieur a refusé de commenter ces informations.

Les manifestants ont été rejoints jeudi par des ouvriers des usines d'Etat, dont l'usine automobile MAZ de Minsk, qui fabrique des camions et des autobus.

La répression à l'oeuvre depuis le début de la semaine devrait probablement se solder par l'instauration de nouvelles sanctions européennes contre la Biélorussie d'ici la fin du mois, selon des diplomates et des responsables à Bruxelles.

Selon ces sources, qui ont requis l'anonymat à la veille d'une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept, l'Allemagne, l'Autriche, la Lettonie, la Lituanie et la Suède ont plaidé pour de telles sanctions, qui doivent être adoptées à l'unanimité. La Hongrie serait en revanche plus sceptique.

Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a dit cette semaine que l'Union européenne pourrait rétablir des sanctions qu'elle avait levées en 2016, après la libération de prisonniers politiques.

Aucune décision définitive n'est attendue vendredi, ont précisé les sources interrogées par Reuters.

La Russie s'est déclarée quant à elle préoccupée par la situation en Biélorussie, fragilisée selon Moscou par des forces extérieures.

"Nous assistons clairement à des tentatives d'ingérence étrangère dans les affaires intérieures d'un pays souverain, dans le but de créer une rupture au sein de la société et de déstabiliser la situation", a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Maria Zakharova.

(Matthias Williams à Minsk, avec Gabriela Baczynska à Bruxelles, Marton Dunai à Budapest et Gederts Gelzis à Riga; version française Myriam Rivet et Jean-Stéphane Brosse, édité par Henri-Pierre André)