Nicolas Sarkozy condamné pour corruption dans l'affaire des "écoutes"

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France: nicolas sarkozy condamne pour corruption dans l'affaire des ecoutes[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

par Tangi Salaün

PARIS (Reuters) - Nicolas Sarkozy a été condamné lundi à trois ans de prison, dont un ferme, une première pour un président de la Ve République, pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des "écoutes".

Nicolas Sarkozy, qui avait clamé pendant le procès en décembre n'avoir "jamais commis le moindre acte de corruption", va faire appel de ce jugement et continuer à se battre pour "prouver son innocence", a annoncé son avocate.

L'appel est suspensif mais l'ancien président n'aurait de toute façon pas dormi derrière les barreaux, la présidente de la 32e chambre correctionnelle de Paris ayant ouvert la porte à un aménagement de son année de prison ferme en port d'un bracelet électronique.

Arrivé tout sourire au tribunal judiciaire, l'ancien chef de l'Etat est reparti sans dire un mot, comme ses deux coprévenus, son avocat Thierry Herzog et l'ancien magistrat Gilbert Azibert, tous deux condamnés à la même peine pour leur participation à ce que la juge a qualifié de "pacte de corruption".

Nicolas Sarkozy était poursuivi par le parquet national financier (PNF) pour avoir promis en 2014, alors qu'il n'était plus président, d'aider Gilbert Azibert, à l'époque juge à la cour de cassation, à obtenir un poste honorifique à Monaco.

En échange, le magistrat devait fournir à l'ancien chef de l'Etat des informations confidentielles sur une procédure qu'il avait intentée auprès de la cour de cassation.

Nicolas Sarkozy voulait faire annuler la saisie par la justice de ses agendas présidentiels dans le cadre d'une enquête sur des versements illégaux qu'il était soupçonné d'avoir reçus de Liliane Bettencourt, héritière de L'Oréal, pour le financement de sa campagne électorale de 2007, affaire dans laquelle il a finalement bénéficié d'un non-lieu.

Nicolas Sarkozy n'a pas obtenu gain de cause devant la cour de cassation, et Gilbert Azibert n'a pas été nommé à Monaco.

Mais pour la présidente du tribunal, Christine Mée, "le pacte de corruption ressort d'un faisceau d'indices graves et concordants".

"FAITS D'UNE PARTICULIÈRE GRAVITÉ"

La juge a retenu en particulier une série de conversations téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat et ami intime Thierry Herzog, enregistrées sur des lignes ouvertes par les deux hommes sous une fausse identité - Paul Bismuth pour l'ancien chef de l'Etat.

"Il est établi que des informations confidentielles ont été transmises de manière occulte", a déclaré Christine Mée lors de la lecture du délibéré.

"M. Azibert s'est placé en dehors du cadre de ses fonctions. Il a accepté d'exercer une influence, ou de laisser penser qu'il pouvait exercer une influence, sur l'avocat général en charge de l'affaire Bettencourt", a-t-elle ajouté.

La présidente du tribunal a jugé les faits reprochés aux trois prévenus d'une "particulière gravité" en raison de leurs statuts respectifs de magistrat, d'avocat et d'ancien président.

"Il s'est servi de son statut et de ses relations politiques et diplomatiques pour gratifier un magistrat ayant servi ses intérêts personnels", a dit Christine Mée à propos de Nicolas Sarkozy, qui a dirigé la France de 2007 à 2012.

"Un tel comportement ne peut que nuire gravement à la légitime confiance que le public doit porter à la justice."

Nicolas Sarkozy est le premier président de la Ve République à écoper d'une peine de prison ferme, Jacques Chirac, qui avait aussi été condamné pour corruption en 2011, n'ayant écopé que d'une peine de prison avec sursis.

"Le président conteste cette condamnation (qui) suscite à la fois notre incompréhension mais aussi (...) notre indignation", a déclaré l'avocate de Nicolas Sarkozy, Jacqueline Laffont, à des médias.

L'ancien chef de l'Etat est "calme" et "déterminé à poursuivre la démonstration de son innocence dans cette affaire", a-t-elle ajouté.

Nicolas Sarkozy comparaîtra de nouveau devant la justice dès le 17 mars, cette fois dans l'affaire Bygmalion, pour des soupçons de financement illégal de sa campagne en 2012.

(Edité par Bertrand Boucey et Jean-Michel Bélot)