La violence fait rage à Israël et à Gaza, pas de signes d'apaisement

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Au moins 12 personnes tuees pendant la nuit a gaza, selon les secours palestiniens[reuters.com]
(Crédits : Ibraheem Abu Mustafa)

par Nidal al-Mughrabi, Rami Ayyub et Stephen Farrell

GAZA/JERUSALEM (Reuters) - Israël a multiplié les frappes aériennes sur la bande de Gaza samedi, détruisant un immeuble abritant les locaux de plusieurs médias, tandis que les combattants palestiniens ont tiré de nouveaux barrages de roquettes vers plusieurs villes dont Tel Aviv.

Au sixième jour des affrontements, aucune accalmie ne semblait en vue dans la région qui connaît ses plus graves violences depuis 2014, malgré les appels au calme de la communauté internationale.

Selon le camp palestinien, au moins 145 personnes, dont 41 enfants, ont été tuées à Gaza depuis le début du conflit lundi. Israël a fait état de 10 morts, dont deux enfants.

En début d'après-midi, un immeuble dans la bande de Gaza abritant les bureaux de l'agence de presse américaine Associated Press et de la chaîne d'information du Qatar Al Djazira s'est effondré après avoir été touché par un missile israélien.

Israël a averti à l'avance de la frappe afin de permettre l'évacuation des lieux. Selon l'armée israélienne, l'immeuble abritait également des "moyens militaires appartenant aux services de renseignement de l'organisation terroriste Hamas".

L'attaque a été condamnée par AP et Al Djazira, qui ont demandé à Israël de prouver ces allégations.

"Le bureau de l'AP est installé dans ce bâtiment depuis 15 ans. Nous n'avons eu aucune indication que le Hamas était dans le bâtiment ou actif dans le bâtiment", a déclaré l'agence de presse. "Nous ne mettrions jamais sciemment nos journalistes en danger".

La porte-parole de la Maison blanche, Jen Psaki, a fait savoir sur Twitter que les Etats-Unis avaient dit à Israël qu'il relevait de sa responsabilité première de garantir "la sûreté et la sécurité des journalistes".

Le président Joe Biden s'est entretenu samedi avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou pour tenter de restaurer le calme.

Mais Israël comme le Hamas ont fait savoir qu'ils poursuivraient leurs opérations armées, offrant peu d'espoirs de cessez-le-feu avant une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies prévue dimanche.

"La partie qui porte la culpabilité de cette confrontation n'est pas nous, ce sont ceux qui nous attaquent", a déclaré Benjamin Netanyahou dans un discours télévisé samedi.

"Nous sommes toujours au milieu de cette opération, elle n'est pas encore terminée et cette opération se poursuivra aussi longtemps que nécessaire", a-t-il prévenu.

Benjamin Netanyahou a indiqué que les tirs de barrage et d'artillerie israéliens avaient permis d'éliminer des dizaines de militants du Hamas et de détruire des "centaines" de sites du groupe islamiste, notamment des lance-missiles et un vaste réseau de tunnels.

JÉRUSALEM AU COEUR DES REVENDICATIONS

Ce regain de violence est la conséquence d'affrontements entre Palestiniens et forces israéliennes autour de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem, où les tensions ont été alimentées ces dernières semaines, qui correspondent au mois sacré musulman du ramadan, par le risque d'expulsion de plusieurs familles palestiniennes du quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est.

S'adressant à une foule de manifestants à Doha, au Qatar, le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, a déclaré samedi que les combats concernaient principalement Jérusalem.

"Les sionistes pensaient (...) qu'ils pouvaient démolir la mosquée Al Aqsa. Ils pensaient qu'ils pouvaient déplacer notre peuple à Cheikh Jarrah", a-t-il déclaré.

"Je dis à Netanyahou : ne jouez pas avec le feu", a-t-il poursuivi, au milieu des acclamations de la foule. "Le titre de cette bataille aujourd'hui, le titre de la guerre, et le titre de l'intifada, c'est Jérusalem, Jérusalem, Jérusalem", a ajouté Haniyeh, utilisant le terme arabe pour "soulèvement".

Depuis lundi, environ 2.300 roquettes ont été tirées depuis la bande de Gaza vers Israël, parmi lesquelles 1.000 ont été interceptées par la défense anti-missile et 380 sont tombées dans la bande de Gaza, a indiqué samedi l'armée israélienne.

De son côté, Israël a lancé plus de 1.000 frappes aériennes et d'artillerie sur la bande de Gaza, affirmant viser le Hamas et d'autres groupes militants.

Les bombardements ont provoqué des colonnes de fumée au-dessus de la ville de Gaza et illuminé le ciel nocturne de l'enclave.

Plus tôt cette semaine, la procureure générale de la Cour pénale internationale a déclaré à Reuters que la Cour "suivait de très près" l'escalade des violences, dans le cadre d'une enquête en cours sur des crimes de guerre présumés commis lors de précédentes phases du conflit.

Benjamin Netanyahou a accusé le Hamas de "commettre un double crime de guerre" en visant les civils et en utilisant des civils palestiniens comme "boucliers humains".

Le groupe de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, basé à New York, a déclaré samedi qu'il avait "de sérieuses inquiétudes quant au fait que les attaques ont causé une destruction disproportionnée de biens civils" à Gaza.

EFFORTS DIPLOMATIQUES VAINS

L'émissaire du gouvernement américain Hady Amr, chargé des affaires israéliennes et palestiniennes au Département d'Etat, s'est rendu sur place vendredi, avant une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies prévue dimanche.

L'Egypte, à la tête des initiatives régionales pour tenter de parvenir à un apaisement, a fait pression pour un cessez-le-feu afin que les pourparlers puissent commencer, ont déclaré deux sources de sécurité égyptiennes vendredi.

Mais les efforts diplomatiques déployés jusqu'ici n'ont pas permis d'apaiser les tensions.

Ces derniers sont compliqués par le fait que les Etats-Unis, ainsi que la plupart des puissances occidentales, ne discutent pas avec le Hamas, qu'ils considèrent comme une organisation terroriste. Et Mahmoud Abbas, qui dispose d'une autonomie limitée sur la Cisjordanie occupée, exerce peu d'influence sur le Hamas dans la bande de Gaza.

En Israël, où couve également une crise politique face à l'incapacité de Benjamin Netanyahou de former un gouvernement après les dernières élections législatives, le conflit s'est accompagné de violences au sein des communautés mixtes de Juifs et d'Arabes du pays.

Des synagogues ont été attaquées, des magasins appartenant à des Arabes ont été vandalisés et des combats de rue ont éclaté. Le président israélien, dont le rôle est essentiellement cérémoniel, a mis en garde contre une guerre civile.

Il y a également eu une recrudescence des affrontements meurtriers en Cisjordanie occupée.

Un soldat israélien a tiré sur un automobiliste palestinien qui a tenté de renverser des soldats à un poste de contrôle militaire, samedi en fin de journée, a indiqué l'armée.

Les autorités sanitaires palestiniennes ont déclaré que l'automobiliste avait été tué.

(Avec Dan Williams, Stephen Farrell et Ari Rabinovitch en Israel, Ali Sawafta à Ramallah, Aidan Lewis au Caire, Nandita Bose à Washington, version française Gwénaëlle Barzic et Blandine Hénault)