Syrie : Bachar al Assad a voté pour décrocher un quatrième mandat

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Syrie: bachar al assad a vote pour decrocher un quatrieme mandat[reuters.com]
(Crédits : Sana)

par Suleiman Al-Khalidi et Maha El Dahan

AMMAN (Reuters) - Le président syrien Bachar al Assad, quasiment assuré de décrocher un quatrième mandat dans le cadre de l'élection présidentielle qui s'est ouverte mercredi, a déposé son bulletin de vote dans un ancien bastion rebelle où une attaque présumée aux armes chimiques en 2018 a provoqué des frappes aériennes occidentales.

Bachar al Assad a voté dans l'ancien bastion rebelle de Douma, lors d'une élection dont il est certain qu'elle prolongera son règne sur un pays ruiné par dix ans de guerre.

Le gouvernement syrien affirme que cette élection est la preuve que la Syrie fonctionne normalement malgré le conflit qui a tué des centaines de milliers de personnes et chassé 11 millions d'habitants - environ la moitié de la population - de leurs foyers.

"La Syrie n'est pas ce qu'ils essayaient de vendre, une ville contre l'autre, une secte contre l'autre ou une guerre civile. Aujourd'hui, nous prouvons depuis Douma que le peuple syrien est uni", a déclaré le président syrien à l'issue de son vote.

L'élection se déroule en dehors du processus de paix mené par les Nations unies, qui prévoyait la tenue d'un vote sous supervision internationale afin d'ouvrir la voie à une nouvelle constitution et au règlement politique du conflit.

Considéré comme frauduleux par ses adversaires, le scrutin de mercredi devrait permettre à Assad de rester sept ans de plus au pouvoir et de porter le règne de sa famille à près de six décennies. Son père, Hafez al-Assad, a dirigé la Syrie pendant 30 ans, jusqu'à sa mort en 2000.

Bachar al Assad affronte l'ancien vice-ministre Abdallah Saloum Abdallah et le dirigeant d'un petit parti d'opposition Mahmoud Ahmed Marei.

Pour briguer la présidence, les candidats doivent avoir vécu sur le territoire syrien au cours des dix dernières années, ce qui disqualifie d'office les figures de l'opposition vivant en exil depuis la guerre civile.

Cette présidentielle ne sera ni libre ni équitable, ont déclaré mardi les ministres français, allemand, italien, britannique et américain des Affaires étrangères, critiquant le régime en place.

"La valeur de vos opinions est nulle", a répliqué le président syrien à ses détracteurs, ajoutant que la participation importante de la population au scrutin était une réponse suffisante aux déclarations venues de l'Occident.

Le comité judiciaire supérieur a d'ailleurs déclaré qu'il maintiendrait les bureaux de vote ouverts jusqu'à minuit en raison de la forte participation.

À la faculté des Arts de l'université de Damas, des centaines d'étudiants faisaient la queue pour voter, plusieurs bus étant garés à l'extérieur.

"Avec notre sang et notre âme, nous sacrifions nos vies pour toi Bachar", scandaient certain d'entre eux avant l'ouverture des bureaux de vote, une scène qui se répétait dans les 70% de la Syrie désormais sous contrôle gouvernemental.

"Nous sommes venus pour élire le président Bachar el-Assad (...). Sans lui, la Syrie ne serait pas la Syrie", a déclaré Amal, une étudiante infirmière, qui a refusé de donner son nom de famille par crainte de représailles.

Dans certains quartiers de la ville de Deraa, à l'extrême sud du pays, des personnalités locales ont appelé à une grève générale pour montrer leur opposition à l'élection.

D'anciens rebelles de la région ont déclaré qu'il y avait eu plusieurs incidents dont des tirs contre des véhicules transportant des urnes, et que de nombreux magasins étaient fermés.

"Tous le peuple rejette le pouvoir du fils d'Hafez", pouvait-on lire sur des graffitis tracés dans plusieurs villes du sud, la dernière partie du pays à être tombée aux mains de Bachar al Assad dans le cadre d'accords négociés avec la Russie.

"C'est un jour de colère, participons et élevons nos voix sur les places de la liberté pour annoncer notre rejet du criminel Assad et de ses élections", une des affiches accrochées dans une ville tenue par les rebelles soutenus par Ankara le long de la frontière avec la Turquie.

Dans le nord-est du pays, où les forces kurdes soutenues par les États-Unis gèrent une région autonome riche en pétrole, les autorités ont fermé les postes frontières avec les zones tenues par le gouvernement pour empêcher les gens de se rendre dans les bureaux de vote.

(Suleiman al-Khalidi, avec Rodi Said à Qamishli et Khalil Ashawi à Idlib; version française Camille Raynaud, Laetitia Volga, Hayat Gazzane, édité par Jean-Michel Bélot)