Macron nomme Elisabeth Borne, une "techno" de gauche, à Matignon

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par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - Elisabeth Borne a été nommée lundi Première ministre par le président Emmanuel Macron pour mener les réformes de son second quinquennat, devenant la deuxième femme à diriger un gouvernement en France.

Lors de la passation de pouvoirs à Matignon, la nouvelle cheffe du gouvernement a dit son souhait de travailler "dans le dialogue" pour relever les défis, à commencer par celui du climat "sur lequel il faut agir plus vite et plus fort".

Très applaudi par ses collaborateurs, son prédécesseur Jean Castex, ému, est reparti à pied après avoir dit son intention de "sortir de la politique nationale."

La nomination du nouveau gouvernement, sous la conduite de l'ancienne ministre du Travail, doit intervenir dans "les jours qui viennent", dit-on de source gouvernementale.

"Le choix d'Elisabeth Borne est le choix de la compétence au service de la France, d'une femme de conviction, d'action, de réalisation", souligne-t-on à l'Elysée.

"Elle a une culture de l'Etat, du territoire et de l'entreprise", ajoute-t-on.

A peine sa nomination officialisée, le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, qui entend imposer une cohabitation à Emmanuel Macron à la faveur des élections législatives, a prédit "une nouvelle saison de maltraitance sociale" sur Twitter. "Mme Borne représente tout ce qui n'a pas marché au cours des 20 dernières années", a-t-il dit par la suite, lui déniant le "label" de gauche.

Pour le communiste Fabien Roussel, qui s'exprimait sur Twitter, Emmanuel Macron a trouvé "sa Mme Thatcher", référence à la Première ministre du Royaume-Uni (1979-1990), qui imposa des réformes économiques radicales d'une main de fer.

RIGUEUR ET POIGNE

Marine Le Pen, battue par Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, a pour sa part estimé, également sur Twitter, que le président "démontre son incapacité à rassembler et la volonté de poursuivre sa politique de mépris, de déconstruction de l'État, de saccage social, de racket fiscal et de laxisme".

Elisabeth Borne succède dans les annales politiques françaises à Edith Cresson, première femme à avoir pris les rênes de Matignon de mai 1991 à avril 1992 sous le second septennat de François Mitterrand.

Polytechnicienne expérimentée ayant entamé sa carrière politique au Parti socialiste, elle a occupé trois ministères importants depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017 : Transports, Transition écologique et Travail.

Sa rigueur et sa poigne l'ont amenée à conduire à leur terme des réformes contestées comme celles de la SNCF et de l'assurance-chômage.

La nouvelle Première ministre, cheffe de la majorité, aura d'abord pour tâche de mener la bataille des élections législatives des 12 et 19 juin avec pour mission de donner à l'actuelle majorité les moyens de mettre en oeuvre le programme du président réélu.

Jamais élue, Elisabeth Borne, issue d'une lignée de pharmaciens de Livarot, est candidate dans la 6e circonscription du Calvados (Vire-Evrecy).

Le profil d'Elisabeth Borne correspond au portrait-robot qu'avait esquissé Emmanuel Macron : une personnalité féminine disposée à mettre en haut de la pile les dossiers sociaux, écologiques et productifs.

EDITH CRESSON SALUE SA NOMINATION

Le gouvernement sortant de Jean Castex a d'ores et déjà élaboré un projet de loi de finances rectificative destiné à rendre du pouvoir d'achat aux Français face à la hausse des prix de l'énergie et de produits courants comme l'huile et le blé, conséquences indirectes du conflit en Ukraine.

Le texte appelé à être voté par la nouvelle assemblée prévoit notamment la suppression de la redevance audiovisuelle et l'attribution d'un "chèque alimentation" de 60 euros par mois.

Viendra ensuite le moment de mettre sur le métier la réforme des retraites qui doit repousser l'âge de départ de 62 à 64 ou 65 ans. Une promesse de campagne d'Emmanuel Macron déjà largement décriée par les syndicats et les oppositions de droite comme de gauche.

La nomination d'une femme à Matignon est une rupture dans l'ère Macron, qui a élevé l'égalité femmes-hommes au rang de grande cause nationale, nommé des gouvernements paritaires mais placé des hommes aux principaux ministères et aux postes-clés comme la présidence de l'Assemblée nationale et la direction du parti présidentiel.

Dans une interview au Journal du Dimanche, Edith Cresson disait souhaiter "beaucoup de courage" à la future Première ministre, fustigeant le "machisme de la classe politique" française.

Sur BFM TV, cette pionnière a salué lundi "un très bon choix". "Il était largement temps quand même!", a-t-elle lancé.

Dans son discours, Elisabeth Borne lui a rendu hommage avant de s'adresser "à toutes les petites filles" : "Allez au bout de vos rêves et rien ne doit freiner le combat pour la place des femmes dans notre société."

(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Bertrand Boucey et Sophie Louet)