Affaire Abad : Le parquet de Paris n'ouvre pas d'enquête "en l'état"

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Affaire abad: le parquet de paris n'ouvre pas d'enquete en l'etat[reuters.com]
(Crédits : Pool)

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - Le parquet de Paris a indiqué mercredi ne pas ouvrir "en l'état" d'enquête sur les accusations de viols visant le ministre des Solidarités, Damien Abad, une affaire qui fragilise le gouvernement tout juste nommé et inquiète la majorité présidentielle à l'approche des élections législatives.

Le parquet de Paris déclare dans un message envoyé à Reuters ne pas disposer d'élément permettant d'identifier la victime "des faits dénoncés" dans un signalement émanant de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles.

"En l'état, le parquet de Paris ne donne pas de suite au courrier émanant de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles dont il a été destinataire les 20 et 23 mai 2022 faute d'élément permettant d'identifier la victime des faits dénoncés et, dès lors, faute de possibilité de procéder à son audition circonstanciée", déclare le parquet.

Damien Abad a une nouvelle fois réfuté lundi "avec la plus grande des fermetés" les accusations de viol à son encontre et a annoncé qu'il restait ministre des Solidarités et candidat aux élections législatives du mois prochain en France.

Une autre femme avait porté plainte à deux reprises contre l'ancien président du groupe Les Républicains (LR, droite) à l'Assemblée nationale, qui souffre d'une maladie neuromusculaire congénitale rare, en disant avoir été victime d'un viol en 2010, mais ces plaintes, déposées en 2012 et 2017, ont été classées sans suite par la justice faute d'élément probant.

Les accusations contre Damien Abad n'en fragilisent pas moins la Première ministre Elisabeth Borne, à laquelle certains responsables de droite et d'extrême droite reprochent d'avoir nommé le ministre des Solidarités "en connaissance de cause", contrairement à ce qu'elle affirme.

"Alors, bien évidemment, je n'étais pas au courant", a assuré dimanche la cheffe du gouvernement, disant avoir été informée de ces allégations samedi après la publication d'un article sur le site d'informations Mediapart.

"Un mail a bien été envoyé par Mediapart au secrétariat du Service de Presse de Matignon vendredi à 19h43, après la nomination de M. Damien Abad", dit-on dans l'entourage d'Elisabeth Borne.

"La Première ministre n'a pas eu connaissance de ce mail. Elle a passé toute la journée en circonscription samedi (NDLR: Elisabeth Borne est candidate aux législatives dans le Calvados, en Normandie). L'article lui a été transmis samedi soir après sa publication", détaille-t-on.

CONSÉQUENCES POLITIQUES

Promettant qu'il n'y aurait "aucune impunité" en matière de harcèlement et d'agressions sexuelles, la Première ministre a assuré dimanche qu'elle reverrait sa position concernant Damien Abad si ce dernier devait faire l'objet de nouvelles poursuites judiciaires.

"Je peux vous assurer que s'il y a des nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, on tirera toutes les conséquences de cette décision", a-t-elle dit.

La "présomption d'innocence" défendue par la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, à l'issue du premier conseil des ministres du second mandat du président Emmanuel Macron, lundi, est loin de faire l'unanimité chez les Français, qui sont 53% à estimer qu'un ministre accusé de viol ou d'agression sexuelle doit quitter le gouvernement, selon un sondage Elabe pour BFMTV et L'Express en partenariat avec SFR publié mardi.

Dans ce contexte, certains élus de la majorité s'inquiètent des conséquences de cette affaire sur le résultat des élections législatives des 12 et 19 juin, et plus largement sur le début du deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron.

"Mon sentiment, c'est que c'est glauque, c'est lourd, c'est difficile", a confié à Reuters un poids lourd de Renaissance, le parti du chef de l'Etat.

"Je ne vois pas très bien comment (Damien Abad) peut s'en sortir. Il est possible qu'il soit innocent. Mais le problème dépasse sa personne, c'est une question de conscience pour lui", a-t-il ajouté.

"Cette affaire n'est pas anodine", acquiesce une députée de la majorité. "Elle aura des conséquences évidemment sur les législatives et sur toute la mandature. Ce qui se passe est en contradiction avec le fait que le deuxième mandat d'Emmanuel Macron fasse de la cause des femmes une priorité."

"Ça donne l'impression que les ministres sont prêts à tout pour garder leur poste", ajoute cette élue de Normandie. "Les LR sont aussi fautifs s'ils étaient au courant... C'est tout cela qui ne va plus. Les gens le ressentent, ils en parlent. Cela nourrit une sorte de dégoût et fait monter les extrêmes."

(Reportage d'Elizabeth Pineau, avec la contribution de Matthieu Protard, rédigé par Tangi Salaün, édité par Jean-Michel Bélot)