COP21 : à la France de jouer

Par Dominique Pialot  |   |  883  mots
Les choses sérieuses commencent pour Laurent Fabius, qui préside la COP21: en chef d'orchestre, c'est lui qui mènera dès lundi les travaux des ministres.
Le timing à mi-parcours a été respecté, et une version intermédiaire du projet d’accord a été remise à Laurent Fabius ce samedi à la mi-journée. Présidente de la COP21, c’est la France qui pilote désormais le travail des ministres, auxquels il reste à peine une semaine pour décrocher un véritable accord.

A mi-chemin de la Conférence de Paris sur le climat, une première étape a été franchie sans encombre : les négociateurs sont parvenus à s'entendre sur un texte intermédiaire (disponible ici) qui a été remis à Laurent Fabius samedi à midi comme prévu.

C'est maintenant aux ministres, attendus à Paris ce week-end, de s'en emparer pour parvenir à un accord universel d'ici à la fin de la semaine prochaine. Et ils n'ont pas de temps à perdre. Si le texte a été quelque peu nettoyé, il contient encore de nombreuses options, « les pires comme les meilleures », soulignent les ONG membre du Réseau Action Climat. En réalité, les négociateurs ont laissé aux ministres la tâche de régler tous les sujets réellement importants. Charge à eux d'effectuer un tri dès que possible afin de laisser du temps aux négociations sur les points essentiels du projet d'accord.

La finance, au cœur du projet d'accord

Ces points concernent l'objectif de long terme, le financement et le projet de réviser avant même 2020, date d'entrée en vigueur de l'accord, les contributions nationales d'engagement de réduction des émissions.

Sur l'objectif de long terme, le plafond de hausse des températures moyennes reste à déterminer, avec de plus en plus de pays soutenant désormais l'option de 1,5°C au lieu des 2°C issus de la COP 2015 de Copenhague. Il ne s'agit plus seulement des Etats insulaires, les plus exposés à la montée du niveau de la mer, puisqu'on compte désormais plus de 100 pays en faveur de cette limite, dont la France et l'Allemagne. D'autres débats concernent la présence ou non de termes tels que « décarbonation totale de l'économie » ou « neutralité climatique », dans l'accord lui-même. L'énergie ne figure pas dans le projet de texte, qui devrait rester « neutre du point de vue des technologies », mais le recours massif aux énergies renouvelables, voire un objectif de 100% en 2050, apparaît dans de nombreuses feuilles de route accompagnant les 185 engagements de réduction d'émissions déposées par les Etats en amont de la COP.

Sur la finance, les points à éclaircir restent nombreux et portent sur la période d'ici à 2020 ; le fait de considérer l'objectif de 100 milliards de dollars comme un plancher à partir duquel monter en puissance à partir de 2020 ; la proportion des fonds dédiés à l'adaptation (aux effets inévitables du changement climatique) et celle dédiée à l'atténuation (de ces effets via la limitation des émissions de gaz à effet de serre), et, surtout, la nature des fonds qui doivent ou non être pris en compte dans le calcul (prêts, dons, finance privée ou publique...)

Quant au principe de réviser les ambitions nationales à la hausse avant même 2020, poussé par les ONG, il semble difficile de le faire émerger dans les discussions, les pays préférant discuter d'échéances plus lointaines.

Un jeu de rôles désormais piloté par la France

Cette première semaine, certains pays ont joué les trouble-fêtes, à commencer par l'Arabie Saoudite, décorée d'un prix « Fossile du jour » vendredi par le Climate Action Network, suivie par d'autres pays pétroliers dont le Venezuela. D'autres, dont les chefs d'Etat ou de gouvernement avaient fait preuve d'ambition à l'ouverture de la COP, semblent être revenus en arrière, à en juger par la position de leurs délégations les jours suivants. C'est notamment le cas des Etats-Unis et de la Chine, deux acteurs majeurs des négociations. La position de la Chine, en particulier, demeure difficile à cerner, car elle est à elle seule un élément central de l'échiquier, mais joue également un rôle auprès des 133 autres pays du mal nommé groupe G77, qui rassemble essentiellement des pays en développement.

D'autres en revanche apparaissent susceptibles de jouer un rôle de facilitateurs, tels que le Brésil ou le Mexique, mais aussi l'Union européenne, qui n'a guère fait parler d'elle jusqu'à présent.

Les observateurs, dont les ONG, comptent sur les ministres pour ré-injecter un peu de la dynamique politique impulsée à l'ouverture de la COP par leurs chefs d'Etat.

Quant à la présidence française, tout le monde s'accorde pour reconnaître l'expertise et  l'expérience  des personnalités aux manettes (notamment Laurent Fabius et Laurence Tubiana), la qualité de la préparation menée depuis des mois par la diplomatie française, le climat de transparence dans lequel la première semaine de négociations s'est déroulée... Mais c'est à partir d'aujourd'hui que Laurent Fabius prend réellement la main sur le texte. En tant que président de cette COP, c'est lui qui pilotera dès lundi les travaux des ministres. Et certaines ONG mettent d'ores et déjà en garde sur le risque que l'objectif d'un accord à tout prix puisse le conduire à valider un accord au rabais. Surtout, elles rappellent que le France, ce n'est  « pas seulement la présidence de la COP », mais aussi une des parties à la Conférence qui, à ce titre, doit se montrer plus exemplaire que jamais sur le plan national.  Notamment, en supprimant le projet qu'elles jugent « climaticide » d'aéroport à Notre-Dame des Landes, et en clarifiant dans la prochaine loi de finances le sujet de l'aide au développement.