Assurance chômage : Bruno Le Maire plaide pour une reprise en main « définitive » par l'Etat

Par latribune.fr  |   |  891  mots
Le régime de l'assurance chômage est actuellement piloté par l'Unédic, un organisme paritaire. (Crédits : Gonzalo Fuentes)
Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a plaidé ce mercredi pour une reprise en main de l'assurance chômage par l'État. Le gouvernement estime qu'une nouvelle réforme de ce régime est nécessaire et veut en durcir encore les droits, ce qui permettrait selon lui d'atteindre le plein emploi.

Depuis trois mois, le gouvernement manifeste sa volonté de durcir les droits à l'assurance chômage, après deux réformes controversées menées en ce sens en 2019 et 2023. Et l'a de nouveau rappelé ce mercredi 6 mars, par la voix de son ministre de l'Économie.

« Nous gardons une durée d'indemnisation la plus longue parmi les pays développés : dix-huit mois. La responsabilité des partenaires sociaux, ce sont les salariés. La responsabilité de l'État, ce sont tous ceux qui sont au chômage. Pour ma part, je considère que l'État devrait reprendre la main sur l'assurance chômage de manière définitive », a indiqué Bruno Le Maire dans un entretien au quotidien Le Monde.

Une option loin de sortir du chapeau puisqu'elle était inscrite dans le programme d'Emmanuel Macron lors de la campagne des élections présidentielle de 2017.

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Pour rappel, le régime est actuellement piloté par l'Unedic, un organisme paritaire. Les partenaires sociaux renégocient les règles tous les deux à trois ans pour tenir compte des évolutions du marché du travail, celles-ci étant formalisées dans une convention que l'État valide. Mais depuis 2018, leurs marges de manœuvre sont restreintes car le gouvernement leur adresse en amont une « lettre de cadrage » qui fixe des objectifs (notamment d'économies) à atteindre. Sans accord, l'État reprend la main avec un « décret de carence ».

Négociations au point mort

Les syndicats et le patronat sont d'ailleurs justement en négociations actuellement pour trouver un accord sur les nouvelles règles de l'assurance chômage. Les discussions sur le sujet ont commencé à l'automne dernier et un accord a bien été trouvé au mois de novembre. Mais le gouvernement l'a jugé « incomplet » concernant ce qui a trait à l'emploi des seniors, ce qui a relancé les pourparlers.

En fin de semaine dernière, les négociations se sont révélées au point mort, le patronat refusant d'accepter des revendications clés des syndicats selon leurs négociateurs. Le Medef et la CPME ont notamment rejeté l'idée d'un Compte épargne temps universel (Cetu), qui garantirait à tous salariés le droit d'épargner des congés et de les transférer d'une entreprise à une autre. Or, la CFDT a rappelé que ce dispositif fait partie du document d'orientation donné par le gouvernement aux partenaires sociaux.

De manière plus globale, la CGT a déploré que les négociations se déroulent dans un « contexte qui ne permet pas de négocier de manière sereine » du fait que l'exécutif a, à plusieurs reprises, fait part de sa volonté de durcir encore les conditions d'indemnisation des chômeurs. Trois réunions des négociateurs sont encore programmées avec l'objectif d'aboutir fin mars à un consensus.

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Réforme indispensable aux yeux du gouvernement

Accord ou non, cela ne devrait en tout cas pas empêcher le gouvernement de mener une réforme. « Nous allons attendre, comme nous nous y sommes engagés, la fin de la négociation avec les partenaires sociaux sur l'emploi des seniors, prévue à la fin du mois de mars, Donc on fera le point dans les prochaines semaines, mais il faut réformer sans attendre », a récemment plaidé une source ministérielle.

Des propos confirmés publiquement par le Premier ministre, Gabriel Attal. Vendredi dernier, il a déclaré qu'il réunirait « à la mi-mars » un séminaire gouvernemental « dédié à la question du travail » pour notamment « préparer les grandes décisions » à prendre en la matière. Il s'est dit « prêt » à prendre des « décisions difficiles » pour « inciter au travail » et atteindre le plein emploi, c'est-à-dire réduire le taux de chômage à 5% d'ici à 2027, contre plus de 7% aujourd'hui.

« Il est indispensable de poursuivre les réformes de structure. Une réforme de l'assurance chômage est nécessaire pour atteindre le plein-emploi, le Premier ministre a raison de le rappeler », a appuyé Bruno Le Maire ce mercredi.

Reste que, pour tous les syndicats, durcir les droits des chômeurs et baisser le niveau des allocations n'incite pas à retrouver un travail. Et risque plutôt, dans un contexte économique difficile, de pousser des Français précaires dans la pauvreté. Quant au patronat, Patrick Martin, le président du Medef semble avoir intégré la réforme à venir et ne la voit pas forcément d'un mauvais œil.

« Toute cette petite musique, ces interventions médiatiques intempestives, ça va plutôt dans le sens d'une gestion paritaire de l'assurance chômage plus saine parce que ça repose sur du temps long, pas sur du temps politique, » a réagi le négociateur CFDT de l'assurance chômage Olivier Guivarch. « On ne peut pas avoir une gestion budgétaire de l'assurance chômage en changeant les règles tous les 3 à 6 mois et en utilisant le régime d'assurance chômage comme un argument électoral ou un argument de politique politicienne », a-t-il ajouté lors d'un point de presse.

Pour Michel Beaugas (FO), « il paraît de plus en plus évident que le gouvernement veut récupérer l'assurance-chômage » et que pour y arriver « il nous imposera des contraintes impossibles à tenir ».

(Avec AFP)