Pour Macron, il n'y a « aucune ligne rouge » au soutien de la France à l'Ukraine contre la Russie

Par latribune.fr  |   |  1336  mots
Emmanuel Macron reçoit ce jeudi les responsables de parti pour évoquer le conflit. (Crédits : GONZALO FUENTES)
Emmanuel Macron recevait ce jeudi les responsables de parti pour évoquer le conflit en Ukraine. Et ce, juste avant un vote parlementaire qui s'annonce tumultueux, notamment après les propos du président sur la possibilité d'envoyer des militaires sur le terrain.

[Article publié le jeudi 07 mars 2024 à 12h25 et mis à jour à 15h47] L'Ukraine se retrouve une nouvelle fois au cœur des clivages. Emmanuel Macron a reçu ce jeudi les responsables de parti pour évoquer le conflit en amont d'un vote parlementaire. Il devait notamment leur présenter à huis clos les résultats de la conférence internationale pour amplifier le soutien militaire à l'Ukraine organisée la semaine dernière à Paris.

Lors de cette réunion de près de trois heures, Emmanuel Macron a affirmé aux chefs de partis qu'il n'y avait « aucune limite », « aucune ligne rouge » au soutien de la France à l'Ukraine, ont rapporté les responsables du PCF et du RN Fabien Roussel et Jordan Bardella en sortant de l'Élysée.

Le président du parti d'extrême droite a assuré avoir plaidé pour que « la France n'entre pas elle-même en guerre avec la Russie ». « C'est irresponsable » et « extrêmement dangereux pour la paix du monde », a martelé Jordan Bardella, tandis que le président du parti Les Républicains Eric Ciotti a aussi dénoncé une position « inopportune, inappropriée, voire irresponsable », qui a « isolé notre pays ».

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La possibilité d'envoyer des troupes en Ukraine

Des propos qui font notamment référence à la déclaration d'Emmanuel Macron le 26 février dernier concernant l'envoi potentiel de troupes en Ukraine. Le chef de l'État avait, en effet, estimé que l'envoi, à l'avenir, de troupes occidentales ne devait pas « être exclu », afin de bien signifier à Vladimir Poutine que tout sera fait pour qu'il perde cette guerre.

Encore mardi, en déplacement à Prague, le président a assumé pleinement ses propos : « Si chaque jour nous expliquons quelles sont nos limites » face au président russe qui, lui, « n'en a aucune », « je peux déjà vous dire que l'esprit de défaite est là qui rôde », a-t-il répliqué en République tchèque.

« Le président ne faiblit pas et c'est ce qu'on attend de lui », avait salué sur RFI la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), partisane d'un « soutien sans faille à l'Ukraine ».

Un point de vue loin d'être partagé par les oppositions, de gauche comme de droite, qui entendait bien rappeler à l'Élysée leur désapprobation à tout envoi de troupes. « Je l'invite à un peu plus de mesure », a déclaré le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard devant la presse à son arrivée à l'Elysée, déplorant un discours qui a « décrédibilisé », « isolé » et « affaibli » la France.

Le patron des socialistes Olivier Faure a accusé le chef de l'Etat d'avoir réalisé « l'unité de tous » les Occidentaux « contre la France » et offert « une clarté inédite » au président russe sur le fait « qu'aucun de ces pays n'a envie d'engager de troupes au sol ».

« C'est vraiment un problème d'amateurisme à ce stade-là », a renchéri la cheffe des Ecologistes Marine Tondelier, évoquant une « déclaration viriliste ».

Le président, qui a promis de se rendre en Ukraine avant mi-mars, s'est même entretenu mercredi à l'Elysée avec ses prédécesseurs et Nicolas Sarkozy et François Hollande. Ce dernier a, lui, jugé que « tout ce qui altère à l'unité de l'Europe » est « contraire au soutien le plus large possible à l'Ukraine ». Interrogé plus précisément sur les propos d'Emmanuel Macron, l'ancien président socialiste a répondu :

« Ma position sur les questions militaires c'est : moins on en dit, mieux on agit ».

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Elections européennes

Le retour d'un clivage sur l'Ukraine, au cœur de la présidentielle de 2022 avant de s'estomper, est assumé par le chef de l'Etat à l'approche des élections européennes de juin. Alors que la liste d'extrême droite menée par Jordan Bardella fait la course largement en tête dans les sondages, Emmanuel Macron a demandé mercredi à ses ministres de se « battre pied à pied » dans la campagne des européennes de son camp qui sera lancée samedi lors d'un meeting à Lille.

« Ne laissez pas entrer les nationalistes. Ils étaient déjà la guerre. Ils sont désormais la défaite face à la Russie », a-t-il martelé devant son gouvernement.

En déplacement à La Haye, le Premier ministre Gabriel Attal a dans la foulée de nouveau accusé le RN de « soutenir davantage la Russie que l'Ukraine ». La semaine dernière, il s'était interrogé sur le fait de savoir « si les troupes de Vladimir Poutine ne sont pas déjà dans notre pays », visant nommément Marine Le Pen.

Jordan Bardella a répondu devant Emmanuel Macron qu'il était « irresponsable » de comparer son parti à « une armée d'occupation étrangère ».

« On a un président qui malheureusement comme toujours joue », pour « instrumentaliser la guerre » et « aborder les élections européennes avec les habits d'un chef de guerre », a de son côté déploré le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure.

« C'est pas une Game Boy, en fait, la France », s'est-il indigné.

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Vote au parlement

Qui plus est, les propos du président français interviennent alors que la stratégie française doit faire l'objet d'un débat, suivi d'un vote, au Parlement - mardi à l'Assemblée nationale, puis mercredi au Sénat. Un débat qui s'annonce donc agité.

Fin février, le chef de l'État a en effet demandé au gouvernement de faire une déclaration « relative à l'accord bilatéral de sécurité conclu avec l'Ukraine » le 16 février. Un accord de sécurité, signé début février entre Emmanuel Macron et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Un soutien à la fois civil et militaire, pour « une durée de dix ans ».

Dans le détail, le texte prévoit aussi « une assistance globale » et notamment un renforcement de la coopération dans le domaine de l'artillerie « tant que l'Ukraine n'aura pas rejoint l'Otan ». Au total, l'aide française devrait être d'une valeur de trois milliards d'euros cette année, après 1,7 milliard d'euros en 2022 et 2,1 milliards en 2023. La France prévoit aussi de soutenir l'Ukraine après la guerre pour qu'elle se dote d'une armée moderne capable de repousser d'éventuelles futures attaques de la Russie.

L'Hexagone n'est pas le seul pays à avoir signé un accord de ce type avec l'Ukraine. Le 16 février, l'Allemagne en a fait de même. Et, un mois plus tôt, c'était le Royaume-Uni, premier pays occidental à ratifier un tel texte.

Renforcement de l'aide militaire à l'Ukraine : nouvelle réunion des alliés de Kiev jeudi

Les ministres français des Affaires étrangères et des Armées et leurs homologues d'autres pays alliés de l'Ukraine devaient se réunir ce jeudi en visioconférence, dix jours après avoir discuté à Paris de mesures pour renforcer le soutien militaire à Kiev. Cette visioconférence sera ouverte par le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba.

L'enjeu principal de la réunion de ces ministres essentiellement européens est d'avancer sur les différentes mesures pour fournir plus d'armes à l'Ukraine, en position fragile sur le terrain, notamment du fait d'un manque de munitions. Parmi ces options sur la table figure une initiative tchèque visant à acheter des munitions hors Union européenne pour ensuite les leur livrer.

Dès la mi-février, le président tchèque Petr Pavel avait évoqué quelque 800.000 munitions qui pourraient être envoyées en Ukraine « en quelques semaines » si les financements nécessaires (1,5 milliard de dollars, selon le Financial Times) étaient rassemblés. Longtemps réservé, Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière que la France participerait à cette initiative mais sans chiffrer sa contribution, contrairement à d'autres Etats comme les Pays-Bas, qui ont promis 100 millions d'euros.

Le président français, en visite à Prague mardi, n'a pas avancé de montant, se bornant à réitérer son appui à ce mécanisme « extrêmement utile ».

(Avec AFP)