Baisse des contrats aidés : cinq points pour comprendre la problématique

Par Audrey Fisne  |   |  1160  mots
Fin juillet, Muriel Pénicaud avait annoncé qu'il ne restait plus que 110.000 contrats aidés pour le deuxième semestre 2017.
Alors que les enseignants font leur rentrée ce 31 août avant leurs élèves, lundi 4 septembre, le gel des contrats aidés, décidé par le gouvernement, fait grincer des dents. La baisse de ces contrats subventionnés présents, majoritairement, dans l’Education nationale, inquiètent les élus à la veille de la rentrée des classes. Dans certains établissements, le retour en cours a même été reporté.

∎ Qu'est-ce que les emplois aidés ?

Il s'agit de contrats subventionnés dans les secteurs marchands et non marchands (principalement) qui sont censés faciliter l'insertion dans le monde professionnel. Dans le secteur non marchand, ils concernent notamment le secteur hospitalier et l'Éducation nationale.

Plus largement, ils appartiennent à un ensemble  regroupant les contrats uniques d'insertion (d'accompagnement dans l'emploi et d'initiative emploi), les emplois d'avenir, les emplois en alternance (600.000), les contrats d'insertion par l'activité économique ainsi que d'autres dispositifs d'aide à l'embauche concernant les jeunes en CDI ou les chômeurs créateurs d'entreprise.

Dans la loi de finances pour 2017, 280.000 contrats aidés avaient été budgétés dans un premier temps pour un montant de 2,4 milliards d'euros. Le gouvernement d'Edouard Philippe avait, ensuite, accordé une rallonge en portant ce total à 293.000 pour cette année, puis à 310.000. C'est moins, cependant qu'en 2016, où l'État avait financé 456.723 emplois.

Fin juillet, Muriel Pénicaud avait annoncé qu'il ne restait plus que 110.000 contrats aidés pour le deuxième semestre 2017. La majorité d'entre eux ayant déjà été signés lors du premier semestre.

C'est à la fin des années 1990 - plus précisément 1997, selon les chiffres de la Dares- que les emplois aidés connaissaient leur plus grand succès. Les gouvernements n'hésitent pas à les renforcer en cas de forte montée du chômage. S'il ne s'agit pas d'une réelle solution pour stopper une explosion, le dispositif contracyclique permet toutefois d'atténuer la progression du chômage de longue durée de crise. Et ce, notamment chez les jeunes, souvent premiers concernés par ce type de contrats.

∎ Que prévoit la réforme du gouvernement ?

Le gouvernement juge les contrats aidés « trop coûteux » et « inefficaces ». Dans un communiqué, le Premier ministre a cependant souligné la « mobilisation significative de contrats aidés autour de l'accompagnement des enfants handicapés à l'école avec plus de 50.000 contrats ». Et d'ajouter :

« Mon objectif n'est pas de dire 'les contrats aidés, c'est mal'. Pour les personnes concernées, c'est momentanément utile, et pour les collectivités, c'est un gain de coût. 'Mais à la fin de la fin, c'est une politique publique qui ne produit pas de bons résultats pour le retour à l'emploi, et s'avère très onéreuse. »

Emmanuel Macron, pour sa part,  juge que les emplois aidés ont été  « trop souvent » une « perversion de la politique de l'emploi ». Il dénonce, dans l'interview qu'il a donnée au Point, leur caractère « clientéliste » qui « suit souvent le cycle électoral ».

« C'est de la subvention déguisée vers les collectivités locales ou le secteur associatif », explique le chef de l'État qui rappelle que « le taux de retour à l'emploi durable des personnes concernées est en effet très faible ».

Pour le chef de l'État, si certains emplois aidés sont utiles, d'autres ne le sont pas. La solution, dans la première hypothèse, et de les faire entrer dans « la dotation des collectivités locales ou dans les subventions aux associations ».

∎ Quelles sont les critiques ?

Plusieurs élus locaux ont peur que la rentrée des classes soit perturbée par un manque de personnel. Cela a notamment été le cas à La Réunion où les élèves ont commencé les cours avec une semaine de retard. À Valorbiquet, dans le Calvados, le conseil municipal a également voté le report d'une semaine de la rentrée, faute de personnel. Pour le syndicat majoritaire des professeurs des écoles le SNUipp-FSU, le chiffre annoncé par le gouvernement représente « déjà 23.157 » que l'année précédente.

Christelle Bacq de Paepe, maire de la commune du Calvados déplorait sur France Bleu :

« Une telle brutalité dans les changements de méthode en plein été, ça nous empêche, de travailler correctement. (...) Je ne veux pas prendre la responsabilité de mettre les enfants en danger. »

L'Association des maires de France (AMF) a, elle aussi, d'ores et déjà dénoncé la baisse « sans préavis » des emplois aidés ; inacceptable « tant sur la forme » que « sur le fond » :

« Depuis, de très nombreuses remontées du terrain (communes et associations départementales de maires) confirment ces inquiétudes et font état de pratiques inacceptables et d'une absence totale de concertation et d'information préalable des élus, et cela moins d'un mois avant la rentrée scolaire », souligne l'organisation dans un communiqué.

Et d'ajouter :

« Même si les contrats aidés ne sont qu'une réponse partielle et perfectible au problème du chômage, l'AMF dénonce une approche strictement comptable et demande solennellement au gouvernement de prendre toutes les mesures adéquates pour que la rentrée scolaire et les activités périscolaires puissent être assurées dans de bonnes conditions dans toutes les communes de France »

Ce à quoi a répondu le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, qui a remis en cause, ce vendredi matin, à l'antenne de LCI, l'organisation des maires.

« Si (les classes) n'ouvrent pas, c'est la responsabilité des maires », a-t-il déclaré. « Qu'aucun maire ne vienne me dire, à moi qui connaît bien ce métier-là, cet engagement-là, qu'il ne savait pas. (...) Nous savions tous qu'il y avait moins d'emplois aidés cette année »

Un recours en référé-suspension doit être déposé au Conseil d'État par plusieurs élus locaux écologistes qui s'affichent contre cette baisse (le maire EELV de Grande-Synthe Damien Carême, le porte-parole du parti Julien Bayou et le président du groupe au conseil régional d'île de France, Mounir Satouri). Dans les rues de Béthune (Pas-de-Calais), ce vendredi, 400 personnes affichaient également leur désapprobation.

∎ Comment le gouvernement a-t-il réagi ?

Face à la grogne, le gouvernement a reçu les représentants des collectivités territoriales afin de « veiller au bon déroulement de la rentrée des établissements scolaires », secteur très affecté par cette mesure.

Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, Muriel Pénicaud, ministre du Travail et Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale se sont ainsi entretenus avec une délégation d'élus locaux, conduite par le président de l'AMF, François Baroin. Lors de cette réunion, le gouvernement s'est engagé à traiter « au cas par cas » toutes les situations où la baisse d'emplois aidés poserait problème. L'AMF précise dans un communiqué :

« Les maires des communes concernées sont invités à (re)prendre contact avec les préfets de leur département pour que des solutions soient rapidement trouvées afin de garantir le bon déroulement de la rentrée scolaire. »

∎ Quid de 2018 ?

Pourtant, le Premier ministre Edouard Philippe a d'ores et déjà annoncé qu'en 2018, « il y aura encore des contrats aidés », mais « il y en aura moins que ce qui existe aujourd'hui (...) ». Cette nouvelle baisse, le gouvernement l'explique en assurant que ces contrats « ne peuvent être l'instrument majeur de la politique de l'emploi ».

(avec agences)