Bayrou dévoile son projet pour "moraliser" la vie politique dont une "banque de la démocratie"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1146  mots
François Bayrou veut rétablir "la confiance dans notre vie démocratique". Il propose tout un arsenal de mesures pour y parvenir: interdiction pour les parlementaires d'employer des membres de leurs famille, impossibilité d'exercer plus de trois fois successivement le même mandat, fin des activité de conseil des parlementaires, nouvelles règles sur le financement des partis politiques.
Nouvelles règles sur le financement des partis, limitation dans le temps des mandats, interdiction pour les élus de recruter des membres de leur famille, peine d'inéligibilité en cas d'atteinte à la probité... François Bayrou a présenté trois projets de loi pour rétablir "la confiance dans notre vie démocratique".

François Bayrou doit être satisfait. Ce n'est pas un mais trois projets de loi qu'il va finalement porter pour "moraliser" la vie politique. Cette "moralisation" était même la condition sine qua non de son ralliement pendant la campagne électorale à Emmanuel Macron. Il a été écouté. Ainsi, le nouveau Garde des sceaux a présenté ce 1er juin - en pleine affaire Ferrand, ce dont il se serait bien passé - son projet pour rétablir "la confiance dans notre vie démocratique". Car, finalement, François Bayrou  n'a pas voulu mettre en avant le concept de "morale, qui est une question individuelle. Or, un texte ne rend pas les hommes plus vertueux".

En revanche, le ministre de la Justice a expliqué que le texte était destiné "à mettre en place des pratiques et des règles qui protègent les citoyens des abus et à donner confiance dans la vie démocratique".

Selon lui, ces trois projets de loi - constitutionnel, organique et ordinaire- doivent avoir un triple objectif : éviter que les responsables publics s'exonèrent de règles que les simples citoyens doivent respecter; prévenir la "plaie" des conflits d'intérêts et assainir l'exercice de la démocratie.

Et, de fait, les réformes proposées par François Bayrou ont un spectre extrêmement large.

Les anciens présidents ne siégeront plus au Conseil Constitutionnel

Il y aura d'abord une réforme institutionnelle qui obligera donc à modifier la Constitution. Le Garde des Sceaux propose ainsi la suppression de la Cour de justice de la République qui est la seule à pouvoir juger des ministres ou des parlementaires pour des faits commis pendant leur mandat. A l'avenir, cette juridiction d'exception sera donc supprimée. Les membres du gouvernement relèveront de la Cour d'Appel de Paris.

Par ailleurs, à l'avenir, les anciens présidents de la République ne siégeront plus de droit au Conseil constitutionnel. De fait, avec la généralisation des "questions prioritaire de constitutionnalité" qui permet à un citoyen de contester la constitutionnalité d'une loi, les anciens présidents auraient pu se retrouver juges et parties, si le texte de loi contesté avait été voté sous leur mandature. En outre, il faut rappeler que cette présence de droit des anciens présidents est une survivance du passé qui ne se justifie peut-être plus. En 1958, devenu le premier président de la Vème République, le Général de Gaulle avait voulu être élégant avec ses prédécesseurs de la IVème République - Vincent Auriol et René Coty - en les nommant au Conseil constitutionnel...

Enfin, réforme qui était aussi dans l'air et attendue : il ne sera plus possible d'exercer trois mandats identiques successifs. Seront visés par cette règle: les parlementaires ainsi que les maires des "grandes communes". Il appartiendra au Parlement de fixer le seuil pour déterminer les communes concernées,1.000, 3.500 ou 9.000 habitants? Quant aux ministres, il ne pourront plus exercer de fonctions exécutives locales.

La fin des "emplois familiaux"

Un autre chapitre des projets François Bayrou porte sur la tentative d'éviter les conflits d'intérêts. Pour mettre fin à de nombreuses pratiques jusqu'ici admises, les ministres, les parlementaires et les exécutifs locaux n'auront plus le droit de recruter des membres de leur famille (ascendants, descendants et conjoints). Et pour tenter d'éviter un détournement de la règle, si ces membres de la famille sont employés par un autre parlementaire par exemple, ces emplois seront soumis à déclaration pour être examinés.

Par ailleurs, autre point important pour prévenir les conflits d'intérêts, chaque assemblée devra définir des critères. Par exemple, des parlementaires pourraient ne pas pouvoir participer à un vote, s'ils sont directement concernés dans leurs intérêts par la mesure soumise au vote.

Limiter les activité de "conseil" des élus

Dans le même ordre d'idée, les activité de conseil - y compris d'avocat, ce qui est le cas de nombreux parlementaires - des parlementaires seront plus sévèrement encadrées. Ainsi, il ne sera plus possible pour un parlementaire de faire du conseil s'il avait créé son activité moins d'un an avant son élection. Et ce type d'activité ne sera plus possible en cours de mandat.

Autre point souvent évoqué, les parlementaires devront à l'avenir être remboursés pour leurs frais de mandats "au réel", grâce à des notes de frais, c'est donc la fin de l'indemnité de fonction (IRFM).  Et, "chaque assemblée déterminera le montant et la manière dont seront gérés ces frais de mandats", a précisé François Bayrou.

Quant à la fameuse "réserve parlementaire", elle sera supprimée, pour éviter toute "dérive clientéliste", et remplacée par un "fonds d'action pour les territoires et les projets d'intérêt général".

Pour toute atteinte à la probité (en matière fiscale notamment), de la part de ministres ou parlementaires, les juges pourront prononcer une peine d'éligibilité de 10 ans s'il y a eu une condamnation pénale.

Création d'une "banque de la démocratie"

Enfin, une dernière partie vise à refondre les règles sur le financement des partis politiques.

La mesure phare annoncée par François Bayrou, concerne la création dune "banque de la démocratie" adossée à la Caisse des dépôts et consignation. François Bayrou veut en effet en finir avec la "dépendance" des partis politiques face aux banques qui ont le pouvoir de refuser des prêts à l'aube d'une campagne électorale par exemple. Des agissements souvent dénoncés par Marine Le Pen qui s'est plainte que les banques rechignent à prêter au Front National. Le MoDem De François Bayrou a été aussi confronté au même problème. Cette nouvelle banque aura donc vocation à  "financer la vie publique en recherchant, pour les formations politiques habilitées, le meilleur moyen de financer leurs actions et leurs campagnes électorales", selon François Bayrou. Ces moyens pourront prendre la forme de prêts classiques mais aussi  de mécanismes assurantiels ou d'autorisations de cautions permettant aux partis politiques d'emprunter. D'une façon générale, les prêts par des personnes morales autres que les banques seront interdits.

Par ailleurs, La Commission nationale des comptes de campagne aura également accès aux prêts consentis par des personnes physiques auprès des partis politiques, notamment pour contrôler leur remboursement et ainsi éviter le contournement des règles sur le plafonnement des dons.

Enfin, la certification par la Cour des comptes des comptes des partis politiques qui bénéficient de financements publics sera à l'avenir obligatoire.

François Bayrou souhaite maintenant qu'un large débat public s'engage sur ces mesures afin, éventuellement, de faire évoluer les dispositions proposées.