Chômage : les données officielles ne seront plus mensuelles mais trimestrielles

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  872  mots
Casser le thermomètre ou petite révolution qui se justifie ? Les statistiques officielles sur le nombre des demandeurs d'emploi seront désormais trimestrielles et non plus mensuelles. Cette décision du ministère du Travail, avalisée par les autorités statistiques, risque de faire du bruit. Le ministère estime qu'une tendance à trois mois et nettement plus rigoureuse qu'une évolution mensuelle.
A compter de 2018, Pôle emploi et le ministère du Travail ont décidé que la publication officielle du nombre des demandeurs d'emploi sera désormais trimestrielle et non plus mensuelle. Et ce, afin de mettre davantage l'accent sur les vraies tendances et pour gommer l'effet "volatilité" du marché du travail. Une modification qui comporte quelques risques, notamment celui d'être accusé de vouloir "casser le thermomètre".

L'idée était dans l'air depuis au moins une dizaine d'années. Puis, en mai dernier, la nouvelle ministre du Travail, Muriel Penicaud, avait déclaré qu'elle ne commenterait plus mensuellement les données officielles sur le nombre des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi, expliquant qu'elle souhaitait une "réflexion" sur la parution de ces statistiques et s'interrogeant ouvertement sur la pertinence de maintenir des données mensuelles. Six mois après, c'est chose faite: Pôle emploi et la Dares (service statistiques du ministère du Travail) ont officiellement annoncé que la publication sur le nombre des chômeurs inscrits sera désormais trimestrielle à compter de 2018 et non plus mensuelle. Concrètement, chaque trimestre, une publication officielle présentera donc la moyenne sur le trimestre passé du nombre des demandeurs d'emploi inscrits et les flux d'entrées et de sorties.

Privilégier la tendance à trois mois pour gommer la volatilité du marché du travail

Une vraie petite révolution, tant nombre de commentateurs -économistes, politiques, journalistes...- surveillaient comme le lait sur le feu ces données à chaque fin de mois:  une hausse ou une baisse, même minime, donnant jeu à moult commentaires parfois très orientés. C'est pour en finir avec cette pratique, pas toujours très sérieuse de fait, que le ministère, en accord avec les autorités statistiques du pays, a décidé de changer la donne.

De fait, il est beaucoup plus rigoureux d'examiner une tendance sur trois mois qu'une évolution sur un mois soumise a beaucoup trop d'aléas, comme, par exemple, le nombre des radiations ou les sorties de listes pour ne pas avoir "pointé" à temps. Surtout, la volatilité du marché du travail est devenue telle, notamment en raison de la structure du marché du travail et du volume très important des contrats de courte durée, que les statistiques mensuelles jouent trop au yo-yo: un mois de hausse succédant à un mois de baisse et vice versa. Ceci contribuant à fausser la vision tendancielle. Ceci est également dû, hélas, au chômage de masse. Avec environ 3,5 millions d'inscrits en catégorie "A", il suffit que 35.000 personnes entrent ou sortent pour provoquer une variation de 1% sur le nombre des inscrits...

Une publication mensuelle "non officielle" maintenue, non sans risque

ll n'en reste pas moins que "politiquement" cette modification du calendrier des publications n'est pas neutre. Si l'on prend l'exemple de l'année 2016, où l'effet yo-yo a donné à plein, les données mensuelles indiquaient 5 mois de hausse du chômage et 7 mois de baisse. Si les données avaient déjà été trimestrielles, elles auraient indiqué... 4 trimestres consécutifs de baisse. En effet, même si cela est passé inaperçu, sur l'ensemble de l'année 2016, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie "A" (la catégorie officielle) a diminué de... 100.000, mais les variations mensuelles étaient telles que cette tendance baissière, in fine, fût totalement invisible. En d'autres termes, la volatilité du marché du travail est devenue beaucoup trop forte en raison, répétons le, de la progression exponentielle du nombre des contrats courts. Il n'empêche, psychologiquement, annoncer quatre trimestres en baisse diffère totalement que d'afficher cinq mois de hausse et sept de baisse...

 Pour autant, ne voulant surtout pas être accusé de casser le thermomètre et de "tripatouiller" les statistiques, le ministère du Travail précise bien que le site de la Dares continuera de mettre en ligne mensuellement les séries publiées actuellement: évolution du nombre des demandeurs d'emploi dans chaque catégorie (A,B,C,D,E), ancienneté dans le chômage, motif de l'inscription à Pôle emploi, motif de la sortie, etc. Seulement, ces données seront publiées sans aucun commentaire, il s'agira de simple lignes sur un tableur Excel... afin de ne pas donner lieu à une trop grande publicité.

En outre, au ministère, on explique aussi avoir l'obligation de continuer de publier ces statistiques mensuelles afin de les communiquer à Eurostat, l'organisme officiel européen de la statistique qui compile l'ensemble des données des pays de l'Union.

Résultats des courses, on va se retrouver avec deux séries de statistiques: les mensuelles, qui ne donneront lieu à aucun commentaire officiels, et les trimestrielles qui, elles, seront commentées par la ministre du Travail et ses services. Il va falloir du temps avant que les commentateurs - et les médias en premier lieu - se "désintoxiquent" des publications mensuelles... avec le risque d'être accusés de passer sous silence les données mensuelles sur le chômage. Surtout quand il y aura une forte hausse ou, au contraire, une forte baisse. Bref, cette double publication risque de faire du bruit...

Le motif d'inscription à la suite "d'une rupture conventionnelle" enfin officiel

Les premières données trimestrielles officielles seront communiquées le 25 avril 2018:  elles porteront sur le nombre des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au premier trimestre.

Autre évolution à souligner, désormais, le nombre des inscriptions à Pôle emploi pour le motif de "ruptures conventionnelles" sera indiqué explicitement. Jusqu'ici, ce motif se cachait derrière l'appellation sibylline "autres motifs", soit tout de même... 35% des raisons de l'inscription au chômage.