Climat : après l'Etat et les entreprises, des ministres directement visés par une plainte pour inaction

Par latribune.fr  |   |  740  mots
Les plaignants pointent notamment du doigt les insuffisances de la loi Climat et résilience. (Crédits : CHARLES PLATIAU)
La plainte a été déposée contre le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, la ministre de la Reansition écologique, Barbara Pompili, la ministre déléguée chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, et le ministre délégué chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari. Cette action vient conforter l'idée d'une montée en puissance de la justice climatique.

Pour la première fois, des ministres sont directement concernés par une action en justice pour le climat. L'eurodéputé Pierre Larrouturou et les militants Cyril Dion et Camille Etienne ont déposé plainte mercredi 16 juin devant la Cour de justice de la République (CJR) contre Jean Castex et quatre ministres pour leur inaction contre le changement climatique, ont-ils indiqué à l'AFP. Alors que l'Etat français a été condamné pour la première fois début 2021 et que les ONG n'hésitent plus à porter plainte contre les entreprises, assistons-nous à un nouvel élan de la justice pour le climat ?

Cette plainte pour abstention à combattre un sinistre vise également les ministres de la Transition écologique Barbara Pompili et de l'Economie Bruno Le Maire, ainsi que les ministres délégués aux Transports Jean-Baptiste Djebbari et au Logement Emmanuelle Wargon, selon le texte vu par l'AFP. Ce délit, inscrit au code pénal, est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. La CJR est seule habilitée à juger les actes des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions. 

"On voit tous les jours comment la crise climatique s'aggrave. Le monstre est en train d'échapper à ses créateurs", a déclaré à l'AFP Pierre Larrouturou.

La plainte, qui liste des catastrophes déjà subies par la France, insiste sur l'"insuffisance" du projet de loi "Climat et résilience" adoptée en première lecture à l'Assemblée et ses "renoncements" par rapport aux propositions de la Convention citoyenne sur le climat (CCC) dont il découle.

"Notre maison brûle"

"Par leur inertie, par les décisions qu'ils ont prises de façon délibérée et répétée, les ministres chargés d'organiser et de financer la lutte contre le dérèglement climatique sont complices de ce "crime de l'humanité contre la vie" dont parlait Jacques Chirac à Johannesburg", estime la plainte, en référence au discours de 2002 où l'ancien président avait lancé "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs".

Le but des plaignants n'est pas de "couper des têtes" ou d'envoyer des ministres en prison, mais "de les pousser à l'action", avant l'adoption définitive de la loi Climat, a précisé M. Larrouturou. C'est pour cela que seuls sont visés des membres du gouvernement actuel.

"Avec cette menace, ils réfléchiront peut-être à deux fois avant de prendre des décisions qui impactent la vie de millions de personnes", a souligné la jeune militante climat Camille Etienne.

Intenter une action en justice "est parmi les stratégies non violentes les plus efficaces, même si les démarches sont plutôt longues", a commenté de son côté le réalisateur Cyril Dion, l'un des garants de la CCC.

Une montée en puissance de la justice climatique

Cette action appuie le fait que la défense du climat est de plus en plus souvent portée devant les tribunaux. Les plaintes se multiplient en Europe, aussi bien contre les gouvernements que contre les entreprises.

Pas plus tard que fin mai, une entreprise a été condamnée pour la première fois dans le cadre d'un contentieux de justice climatique. La major pétrolière Shell a en effet été contrainte de s'aligner sur l'Accord de Paris, dans l'affaire du "peuple contre Shell" lancée par les ONG environnementales. Un tribunal néerlandais a ordonné à la major pétrolière de réduire ses émissions de CO2 de 45% par rapport à 2019, d'ici à la fin 2030.

D'autre part, en février 2021, dans une décision considérée comme historique par les ONG, le tribunal administratif de Paris a reconnu l'Etat "responsable" de manquements en matière de lutte contre le réchauffement. Dans le cadre de « l'Affaire du siècle », l'Etat a été condamné pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique, portée par quatre associations environnementales (Notre Affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France).

"L'Etat a été condamné pour son inaction et malgré ça, on continue à mettre des rustines. Et les ministres n'en ont pas grand-chose à faire parce qu'ils ne se sentent pas directement touchés", a déploré Pierre Larrouturou.

Toutefois, si l'on regarde le nombre de plaintes qui ont abouti, rien n'est encore gagné pour le député. Sur 1.780  plaintes reçues par la CJR depuis sa création en 1993, seules sept affaires ont été jugées...