
Le private equity met clairement le cap sur le climat. Selon le dernier baromètre mondial de Coller Capital, publié ce lundi, les trois quarts des investisseurs (limited partners, LP'S), ceux qui investissent dans les fonds de capital et de dette privées, estiment que les enjeux climatiques et les secteurs de la santé et des biotechnologiques seront désormais une priorité dans leur choix d'investissement.
« Ce n'est pas une rupture mais une évolution qui s'est accélérée ces deux ou trois dernières années. Le sujet du changement climatique était auparavant perçu comme un « plus » pour les investisseurs mais il est devenu aujourd'hui central. Le gérant doit non seulement sélectionner des entreprises qui respectent ses engagements en matière de climat mais surtout investir dans les sociétés qui vont encore plus loin, celles qui ont l'impact le plus positif sur le climat ou d'autres critères, comme la santé ou le bien être », commente Hani El Khoury, chez Coller Capital.
Dans l'univers des fonds privés, comme celui de la gestion d'actifs en général, l'intérêt des investisseurs pour le climat n'est plus en effet une surprise. Mais ce qui change la perception c'est que près de la moitié des investisseurs interrogés (47%) pense que l'investissement durable est de nature à doper les rendements futurs. Seulement un investisseur sur dix estime le contraire. Bref, le climat n'est plus une thématique « à la mode » mais bien une stratégique cible.
Risques en hausse
D'autant que les risques qui pèsent sur les rendements « ont considérablement augmenté ces dix-huit derniers mois », souligne le baromètre. Ainsi, les trois quarts des investisseurs redoutent une aggravation des conflits géopolitiques et commerciaux et plus des deux tiers des changements réglementaires ou fiscaux. Aux Etats-Unis, un tiers des sondés redoute notamment un impact négatif sur les rendements de la nouvelle administration Biden.
« Les investisseurs ont une plus grande sensibilité sur les géopolitiques. Ce n'est pas propre au private equity et cela concerne l'ensemble des marchés. Mais, pour l'instant, les sociétés sous-jacentes ont plutôt réussi à gérer cet environnement de tensions permanentes et les investisseurs prennent désormais en compte cette donnée dans le choix d'investissement », avance Hani El-Khoury. Parmi les principales zones à risque citées par les investisseurs figurent notamment le Moyen-Orient et l'Afrique. En revanche, la Chine n'apparaît pas comme une source d'inquiétudes, malgré les tensions commerciales et les prémisses d'une déglobalisation.
44% mécontents des rendements actuels
Pour autant, l'engouement pour le capital investissement ne semble pas se démentir. Alors que les taux demeurent toujours bas et que les performances du marché obligataire subissent un véritable coup de frein, les rendements nets générés par les fonds privés atteignent de nouveaux records, selon le baromètre : deux tiers des investisseurs annoncent en effet des performances de 11 à 15% l'an, et un cinquième affiche même une performance nette de plus 16%. Et ce malgré la forte valorisation ces dernières années des actifs sous-jacents, qui atteint en moyenne 13 fois le résultat opérationnel.
Pourtant, selon le baromètre, 44% des investisseurs estiment que les rendements actuels des fonds de dette privée sont insuffisants compte tenu de leur niveau de risque.
Reste que les investisseurs comptent toujours augmenter leur allocation d'actifs dans les fonds privés, et dans les investissements alternatifs en général, dans des proportions inédites depuis la crise financière de 2008.
Plus forte rotation des fonds
En revanche, deux cinquièmes des investisseurs déclarent qu'ils sont davantage prêts à ne pas renouveler leur contrat avec leur gérant (general partner, GP'S) et près de la moitié souhaite accélérer leur investissement dans de nouveaux fonds dans les 18 prochains mois.
Chacun s'attendait ces derniers mois à un changement dans les politiques d'investissement des investisseurs. Ce dernier baromètre le confirme. Trois quarts des investisseurs sont maintenant investis dans des fonds dits secondaires, ciblant le marché secondaire du private equity. Et 25% indiquent avoir une exposition supérieure à 10% du total de leur portefeuille dans le private equity dans ces fonds secondaires.
Cela témoigne également d'une tendance de fond qui voit les entreprises restées de plus en plus longtemps dans la sphère privée, comme si la cotation sur des marchés public n'était plus leur ambition première. De fait, l'investissement privé gagne de plus en plus de part de marché sur l'investissement en Bourse.
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