« On est l'Assemblée des territoires, cela a guidé notre travail ! », a résumé Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes (LR), lors de la présentation du rapport des commissions de la Chambre haute sur le projet de loi Climat, ce vendredi 4 juin. Car c'est bien l'un des fils rouges qui a conduit l'examen du texte par les sénateurs, entamé depuis plusieurs jours et bouclé hier soir : la consécration du rôle « majeur » des collectivités, « au cœur de la transition ».
En la matière, le projet de loi Climat, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale début mai, verra son ambition « rehaussée », ont ainsi affirmé les élus. Ne mâchant pas leurs mots sur son contenu « mal calibré », « mêlant des mesures structurantes utiles et des dispositions plus anecdotiques, voire de simple affichage ».
« C'est un texte souvent mal écrit, qui ne satisfait personne pour satisfaire tout le monde », a déclaré Philippe Tabarot, membre de la commission sur l'aménagement du territoire et du développement durable. Et la commission des affaires économiques d'ajouter : « En tout état de cause, il ne permet pas d'atteindre les objectifs initialement fixés de réduire émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici à 2030 par rapport à 1990, dans un esprit justice sociale ».
Dotation financière aux collectivités
Les sénateurs ont ainsi adopté près de 500 amendements, de manière à « rendre crédible les engagements européens de la France », ont-ils assuré - avant l'examen en séance publique par l'ensemble de l'Hémicycle, prévu à la mi-juin. Notamment, en « promouvant l'écologie de l'intelligence territoriale ».
Concrètement, ils proposent la création d'une dotation financière de 1 milliard d'euros à destination des collectivités. Le but : accompagner les intercommunalités et les régions qui ont adopté un plan climat-énergie dans la mise en œuvre de celui-ci, et faciliter l'application des volets climats des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).
« Cette adoption à partir d'un combat ancien des écologistes au Sénat offre une nouvelle opportunité au gouvernement d'enfin proposer un véritable accompagnement financier de l'action climat des territoires », s'est immédiatement félicité le Groupe Ecologiste du Sénat.
Un État « répartiteur des droits à construire »
Car l'Etat ne doit pas être tout puissant, considèrent les sénateurs, qui plaident également pour « rapprocher la décision au plus près du terrain » en matière de lutte contre l'étalement urbain - plutôt que de « reléguer [les collectivités] au rang d'exécutant ». En effet, selon le projet de loi Climat adopté par les députés, tous les documents d'urbanisme, des documents de planification régionale (SRADDET) aux schémas de cohésion territoriale (SCoT) et aux plans locaux d'urbanisme (PLU), devront répondre aux exigences fixées par la future loi. Et ce, dans un objectif clair : diviser par deux, sur les dix prochaines années, l'artificialisation des sols par rapport à la précédente décennie. Afin d'atteindre, en 2050, l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN).
Une proposition qui vient s'ajouter à un arsenal législatif déjà important, ont opposé les sénateurs. « Le projet de loi se trompe de méthode. Il traduit une véritable volonté centralisatrice, avec un Etat répartiteur des droits à construire », a fait valoir Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour le volet ZAN.
Confier la décision aux territoires
Ainsi, la commission sur l'aménagement du territoire propose de remplacer cette approche « uniforme » par une approche « différenciée et territorialisée ». Elle replace par exemple le SRADDET, « qui traduit une forme de nouveau centralisme régional », selon le rapporteur, dans son rôle d'orientation générale en matière de réduction de l'artificialisation des sols. Et confie la fixation des cibles chiffrées et leur déclinaison territoriale aux SCoT, pour « mieux adapter les efforts aux réalités locales ». Cependant, aucune suppression de l'objectif ZAN en 2050 n'est prévue, assurent les sénateurs :
« L'idée est de faire confiance aux élus locaux pour s'inscrire eux-mêmes dans cette trajectoire. Les SRADDET restent de l'orientation : ceux qui souhaitent poursuivre avec un SRADDET contraignant pourront le faire, et ceux qui le considèrent de l'ordre de recommandation pourront aussi ne pas s'y plier », a ainsi précisé Jean-Baptiste Blanc.
D'autant que, selon le rapporteur, la plupart des territoires s'inscrivent déjà dans cette direction. « Aujourd'hui, près de 58 % des SCoT se fixent un objectif chiffré de réduction de la consommation d'espace supérieur à 50% », détaillait la commission des affaires économiques dans un rapport publié mercredi 12 mai.
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