Comment expliquer le semblant de reprise ?

Par Fabien Piliu  |   |  918  mots
L'investissement, la nouvelle priorité de l'exécutif
Selon l'Insee, le PIB aurait progressé de 0,8% à la fin juin. L'objectif de croissance du gouvernement devrait être atteint, essentiellement grâce à la consommation des ménages. Décevant.

Pour une fois que les astres étaient bien alignés. Avec la dépréciation de l'euro face à la plupart des monnaies et notamment du dollar, et la chute des cours des matières premières et en particulier du baril de brut, deux phénomènes entamés à la fin du second semestre 2014, l'économie française tenait sa chance. La reprise tant espérée allait enfin poindre son nez.

Certes, reprise, il y a. C'est un fait. Selon l'Insee, le PIB progresserait de 0,4% au premier trimestre puis de 0,3% au second. Fin juin, l'acquis de croissance s'élèverait à +0,8%, ce qui signifie, concrètement, que si le PIB se stabilise au second semestre, le PIB annuel afficherait une hausse de 0,8%.

L'objectif du gouvernement devrait être atteint

Même si, fait improbable l'économie française tombait en panne entre juillet et décembre, l'objectif de croissance du gouvernement fixé à 1% serait presque atteint. Quel confort !
On comprend l'enthousiasme de Michel Sapin, le ministre des Finances. Jeudi, il a assuré jeudi lors d'un point presse que cette prévision était un "minimum", à condition d'éviter tout "zigzag" de la politique économique du gouvernement. Pour le ministre, l'heure de la revanche a sonné ! Lorsqu'il fut ministre du Travail, de mai 2012 à mars 2014, il a espéré - ou feint d'espérer - jusqu'au bout que la courbe du chômage s'inverserait à la fin 2013.
Michel Sapin a toutefois le triomphe modeste. On peut le comprendre, au regard du niveau actuel du nombre de demandeurs d'emplois.

Qu'en pensent les économistes ? Le sentiment est partagé. Chez COE-Rexecode, on table désormais sur une hausse de 1,2% du PIB cette année. En septembre, l'institut proche du monde des entreprises anticipait une progression de 0,8% de l'activité. Mais l'euphorie n'est pas de mise. " Ni la baisse du prix du pétrole, ni le quantitative easing [la politique monétaire de la Banque centrale européenne n'a jamais été aussi accommodante] ne suppriment les freins qui brident la croissance française : incertitude européenne, ralentissement des gains de productivité, désendettement nécessaire, déficit public, lenteur des réformes structurelles, fiscalité sur le capital excessive et dissuasive. Une fois l'effet du pétrole passé, vers la mi-2016, il est probable que la France reviendra progressivement vers un niveau de croissance du PIB plus proche de 1 % par an", avance Jean-François Ouvrard, le directeur des études de Coe-Rexecode .

De son côté, l'OCDE, qui estime à +1,1% le taux de croissance de l'activité cette année, mesure son enthousiasme. " Les aléas concernant la croissance à court terme sont pour la plupart négatifs. L'attitude attentiste des ménages et entreprises pourrait bien se prolonger, au regard de l'incertitude sur les résultats des politiques structurelles et la croissance en zone euro" , explique le rapport des experts du Château de la Muette dans un rapport publié ce jeudi.

A la lecture des statistiques de l'Insee, trois éléments sautent aux yeux. Le premier : la reprise repose essentiellement sur la relative vigueur de la consommation des ménages. La baisse des prix du pétrole profite en fait essentiellement aux ménages qui voient leur pouvoir d'achat stimulé. Un pouvoir d'achat déjà conforté par la faiblesse de l'inflation et la progression des salaires, stimulé. Selon l'Insee, il progresserait de 1,6% entre janvier et juin. Il avait augmenté de 1,1% en 2014.

La faiblesse de l'euro profite peu à l'export

Le deuxième constat est le suivant : en dépit de la dépréciation de l'euro, le commerce extérieur ne parvient pas à devenir un véritable moteur de croissance. Au premier semestre, il n'apporterait que 0,1 point de PIB à la croissance. En cause ? Le faible nombre d'entreprises exportatrices. La France n'en compte que 121.000. A titre de comparaison, l'Italie et l'Allemagne recensent 210.000 et 310.000 entreprises exportatrices.

Troisième et dernier constat, l'investissement est toujours en panne. Michel Sapin a cerné le problème. " Pour retrouver une croissance durable, il faut de de l'investissement, de l'investissement, de l'investissement ", a déclaré Michel Sapin. Sur ordre de François Hollande, le président de la République, Manuel Valls, le Premier ministre a été chargé de trouver des solutions. Il doit faire des annonces mercredi 8 avril en Conseil des ministres pour stimuler la formation brute de capital et mettre un terme au sous-investissement chronique de l'industrie française et qui se traduit, comme l'a expliqué le rapport Gallois, par une faible robotisation de l'économie tricolore.

L'investissement, la priorité du gouvernement

Parmi les pistes évoquées, le gouvernement plancherait sur la mise en place d'un régime d'amortissement accéléré, ciblé sur les investissements de modernisation. De quoi s'agit-il ? L'exécutif réfléchit aux moyens de rendre le régime d'amortissement plus favorable en permettant aux entreprises de réduire leur impôt en déclarant de fortes dépréciations les premières années. Cette mesure a déjà reçu le soutien de Louis Gallois, auteur du dernier rapport marquant sur la compétitivité française. Le relèvement du taux d'amortissement est également envisagé afin d'accélérer encore le rythme des dépréciations. Ces mesures auraient un impact négatif sur les finances publiques, au moins à court terme, puisqu'elles réduiraient le produit de l'impôt sur les sociétés . Mais depuis que le gouvernement a annoncé la baisse surprise du déficit public en 2014 - il s'est élevé à 4% du PIB contre 4,4% initialement prévu -, sa marge de manœuvre sur le sujet est plus lâche.