Compétitivité : quand les industriels français expliquent l'écart avec l'Allemagne

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  877  mots
Les entreprises françaises et allemandes ne privilégient pas les mêmes leviers pour doper leur compétitivité, selon une étude OpinionWay pour Randstad Inhouse Services. Les entreprises françaises s'attachent ainsi plus aux process de fabrication, alors que les industries allemandes se préoccupent davantage des rapports avec les sous-traitants et de la qualité des infrastructures.
48% des entreprises industrielles françaises estiment que leurs homologues allemandes sont plus compétitives, selon une enquête Opinionway réalisée pour Randstad Inhouse Services. Mais les critères pour "booster" la compétitivité varient entre les deux rives du Rhin.

Réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle, vaste plan de 15 milliards d'euros en faveur de la formation, plan pour faire "grandir" les entreprises, mesures fiscales - avec notamment le calendrier de la baisse progressive de 33,3% à 25% de l'impôt sur les sociétés - dans le projet de loi de finances 2018... En cette période d'amélioration sensible de la croissance, le gouvernement essaie par tous les moyens de relancer la machine industrielle et d'améliorer la compétitivité du « made in France ». Comme bien souvent, c'est le modèle allemand, qui est présenté comme un objectif à atteindre, avec notamment son fameux, « mittlestand », ce tissu de PME très dense aux performances enviées.

Une opportune enquête réalisée par Opinion Way pour Randstad Inhouse Services*, filiale du géant mondial de l'intérim et des ressources humaines, montre à cet égard que les entreprises françaises se considèrent globalement comme moins compétitives que leurs homologues allemandes.... Mais, finalement, pas dans des proportions si importantes que cela. Surtout, l'étude s'attache à en trouver les raisons.

48% des entreprises industrielles françaises se considèrent moins compétitives que leurs homologues allemandes

Opinion Way a interrogé en septembre 200 dirigeants d'entreprises industrielles françaises et autant en Allemagne. Il en ressort que, en France, 48% des entreprises industrielles se jugent moins compétitives que les entreprises industrielles allemandes. Mais une part presque équivalente (45%) se juge être autant compétitive, ce qui est plutôt rassurant. Elles ne sont que 7%, en revanche, à se considérer comme plus compétitives. En Allemagne... seules 5% des entreprises industrielles se jugent moins compétitives que les Françaises. Tout est dit...

Mais ce qui est intéressant c'est de voir ce que les Français « envient » aux Allemands. Ainsi, les critères jugés « très favorables » à la compétitivité des industriels allemands par les Français sont le système de formation (47% des industriels Français le citent), avec notamment la pratique très répandue de l'apprentissage. Viennent ensuite « la capacité d'innovation » (39%) et le « dialogue social » (38%). A l'inverse, en Allemagne, le critère réputé « très favorable » à la France est la « capacité d'approvisionnement en énergie », certes une des grandes force de la France, mais il convient tout de suite de relativiser car il n'est mis en avant que par... 11% des industriels allemands.

D'ailleurs, globalement, sur les douze critères sur lesquels les industriels devaient se prononcer, onze sont jugés « plus favorables » à l'Allemagne auprès d'une majorité d'industriels français, tandis qu'en Allemagne, aucun critère n'est jugé « plus favorable » à la France par une majorité...

Des leviers de la compétitivité différents

Il est intéressant de constater que les leviers de la compétitivité différent des deux côtés du Rhin. En France, les trois critères censés contribuer le plus à la compétitivité sont « la capacité à investir et à innover » (58%), les « process de production » (49%) et « la capacité à recruter de la main d'œuvre qualifiée » (47%). En Allemagnes, le top 3 des critères est « la capacité à recruter de la main d'œuvre qualifiée » (58%), les « relations avec les sous-traitants » (40%) et « la qualité des infrastructures » (28%). On voit que les Allemands sont davantage sensibles au "terrain".

Si l'on se concentre sur le rôle clé des ressources humaines, Les trois leviers de la compétitivité sur lesquels les industriels français estiment avoir la marge de progression la plus importante sont la « polyvalence des salariés » (59%), la « motivation et l'implication des salariés » (54 %) et la « maîtrise des coûts (masse salariale, budgets formation, etc.) » (38 %).

[Crédits : Statista.]

En Allemagne, les priorités RH sont différentes : les industriels outre-Rhin préfèrent investir sur la « motivation et l'implication des salariés » (51 %), la « fidélisation des salariés compétents » (49 %) et enfin leur « capacité à attirer des talents » (42 %).

L'apprentissage apprécié des deux côtés du Rhin mais davantage pratiqué en Allemagne

Par ailleurs, voilà un point qui intéressera la ministre du Travail française, Muriel Penicaud, qui lançait ce vendredi 10 novembre la concertation sur la rénovation de la filière de l'apprentissage. De part et d'autre du Rhin, l'apprentissage joue un rôle important : plus de la moitié des industriels français (59 %) disent ainsi utiliser l'apprentissage pour « constituer un vivier de jeunes pour de futurs recrutements », une proportion cependant inférieure de 13 points à la part des industriels allemands qui font de même (72 %).

Enfin, dans un autre domaine, 82 % des industriels allemands et presque autant en France (80 %) estiment que « les dirigeants français et allemands jouent un rôle moteur dans la construction européenne sans lesquels rien n'avance ». Ce couple est toutefois jugé déséquilibré par 57 % des industriels français - mais seulement par 46 % des industriels allemands.

90 % des industriels français et 70 % de leurs homologues allemands estiment que le couple franco-allemand serait plus fort si la France réformait son économie. Des proportions beaucoup plus importantes que celles enregistrées si l'Allemagne investissait davantage (opinion partagée par 54 % des industriels français et 38 % des Allemands).

*Etude réalisée auprès de 200 établissements de 10 salariés et plus du secteur de l'industrie en France et de 201 établissements industriels allemands de plus de dix salariés, entre le 4 et le 22 septembre.