Covid-19 : un plan de déconfinement complexe et strict pour les entreprises

Par Grégoire Normand  |   |  956  mots
(Crédits : Pascal Rossignol)
Les entreprises souhaitant reprendre leur activité le 11 mai devront respecter des règles, allant de la distanciation à la désinfection en passant dans certains cas par la fourniture de masques. Le protocole sanitaire de déconfinement pour les entreprises du secteur privé préparé par le ministère du Travail prévoit des mesures strictes visant à assurer la protection des salariés. Ce document dévoilé dimanche précise la doctrine générale de protection collective que les employeurs du secteur privé doivent mettre en place.

Mesures de distanciation sociale, équipements, horaires décalés, transports....à quelques jours du déconfinement, les règles se précisent pour les entreprises. Le ministère du Travail a rendu public son protocole de déconfinement ce dimanche soir pour "assurer la sécurité et la santé des salariés". Malgré cet objectif affiché, la tâche pourrait s'avérer bien complexe pour un bon nombre d'entreprises confrontées au coronavirus depuis plusieurs semaines déjà. Toutes ces règles pourraient ainsi dissuader les employeurs de faire revenir les salariés sur leur lieu de travail au plus vite.

Des règles de base

Les services du ministère du Travail ont énoncé quelques règles de base s'appuyant sur un socle commun à appliquer dans le secteur privé.

  • Se laver régulièrement les mains à l'eau et au savon ou avec une solution hydro-alcoolique (SHA), ne pas se sécher les mains avec un dispositif de papier/tissu à usage non unique;
  • Eviter de se toucher le visage en particulier le nez et la bouche;
  • Utiliser un mouchoir jetable pour se moucher, tousser, éternuer ou cracher, et le jeter aussitôt

Des mesures de distanciation sociale complexes à appliquer

Le respect des règles de distanciation sociale pourrait s'avérer complexe à mettre en oeuvre. Pour définir ses recommandations, le ministère du Travail s'est appuyé sur un avis du haut conseil de la santé publique pour mettre en place "un critère universel". L'espace minimum pour faire respecter les règles de distanciation sociale a été fixé à 4 m2  minimum par personne, "ce qui doit permettre de garantir une distance minimale de 1 mètre autour d'une personne (dans toutes les directions)". Si cette distance minimale est impossible à mettre en place, le ministère de la rue de Grenelle explique que le port du masque grand public doit être mis en oeuvre.

Une jauge difficile à calculer

Beaucoup d'employeurs pourraient se retrouver au pied du mur avec ce mode d'emploi. En effet, les entreprises vont devoir calculer une jauge de personnes pouvant être présentes sur le lieu de travail. Et la configuration de certains locaux pourrait bien plonger les entreprises dans le flou le plus total.

"La surface de l'établissement à prendre compte par l'employeur ou l'exploitant est la surface résiduelle de l'espace considéré, c'est-à-dire la surface effectivement disponible pour les occupants, déduction faite des parties occupées. Pour un bâtiment de bureaux par exemple, cette surface est d'environ 80% de la surface totale pour tenir compte des espaces de circulation notamment. Pour un magasin, il convient de retrancher à la surface totale celle qui est occupée par les rayonnages et les réserves (entre autres) pour déterminer in fine la surface résiduelle pour l'accueil des clients. Ainsi, un établissement disposant d'une surface résiduelle de 160 m² pourrait accueillir simultanément 160/4 = 40 personnes ou salariés. La « jauge » de 4m² par personne peut toutefois être corrigée, à l'initiative de l'exploitant et au vu du résultat de l'évaluation des risques, d'une marge de sécurité en fonction de l'activité.

Pour les très grandes surfaces résiduelles de plus de 40.000 m2, "l'ouverture est conditionnée à l'autorisation du préfet" explique le document.

Les équipements de protection individuelle en dernier recours

Les préconisations du ministère se concentrent avant tout sur la limitation des contacts physiques avec une priorité accordée au télétravail, un aménagement des horaires et des tâches, une réorganisation des espaces ou du travail, l'installation de barrières de séparation physique, la régulation des flux de circulation, le marquage au sol. L'objectif de la doctrine avancée par le gouvernement est que les équipements de protection individuelle (masques,visières) doivent être utilisés en dernier recours.

En outre, l'administration signale que si "les lieux n'ont pas été fréquentés dans les 5 derniers jours, le protocole habituel de nettoyage suffit. Aucune mesure spécifique de désinfection n'est nécessaire." Il est uniquement recommandé de :

  • Bien aérer les locaux ;
  • Laisser couler l'eau afin d'évacuer le volume qui a stagné dans les canalisations intérieures pendant la durée de fermeture.

En revanche, si les lieux ont été fréquentés dans les cinq derniers jours, "un nettoyage habituel avec un produit actif sur ce virus doit avoir lieu".

Des dépistages prohibés

Les tests de dépistages élaborés par les entreprises sont formellement interdits. Le document officiel explique que au regard de la complexité des procédures à mettre en oeuvre, "la réalisation des prélèvements [...]  doit être faite par des professionnels formés". En revanche, le gouvernement d'Edouard Philippe recommande aux entreprises de relayer les messages des autorités sanitaires, évaluer précisément les risques de contamination et en incitant les salariés "symptomatiques à ne pas se rendre sur leur lieu de travail ou à le quitter immédiatement si les symptômes se révèlent sur leur lieu de travail et à consulter".

Risques juridiques

La publication de ce protocole risque d'alimenter le sentiment d'insécurité juridique chez beaucoup d'employeurs.  Dans un courrier commun adressé ce week-end à la ministre du Travail Muriel Pénicaud, le Medef, la CPME, l'U2P et la FNSEA se sont ainsi dits prêts "à assumer l'obligation de moyens qui est la leur" tout en mettant en garde contre d'"éventuelles dérives". "Il est impératif de limiter et clarifier le périmètre de cette obligation pour éviter d'éventuelles mises en cause de la responsabilité civile et pénale de l'employeur qui a fait diligence", ont insisté les syndicats patronaux.

Cliquez sur le document ci-dessous pour accéder au protocole national de déconfinement annoncé par le gouvernement.