Décentralisation de Pôle Emploi : les présidents de région attendent encore du « concret »

Par César Armand  |   |  656  mots
Réunis en congrès à Bordeaux ces lundi 30 septembre et mardi 1er octobre, les patrons de conseils régionaux ont reçu le Premier ministre. Devant leur demande insistante d'avoir la main sur Pôle Emploi, Edouard Philippe a fait un premier pas insuffisant à leurs yeux.

Dans la salle plénière du palais des congrès de Bordeaux ce mardi 1er octobre, les présidents de conseils régionaux, réunis en congrès depuis hier, s'attendaient à voir le Premier ministre leur annoncer de nombreuses solutions concrètes en termes de transport, d'éducation, de transition écologique et énergique ou encore de fiscalité locale. Pour appuyer leurs demandes, ils avaient même mandaté les représentants (ex-LR) des maires de France (AMF) François Baroin et des départements de France (ADF) Dominique Bussereau pour jouer les chauffeurs de salle.

Alain Rousset "déçu d'être déçu"

Las. Edouard Philippe a certes vanté « la qualité d'une réponse concertée et discutée au-delà des choix politiques des régions » après deux ans et demi de tensions, mais les élus, à commencer par François Bonneau (PS, Centre-Val-de-Loire) ont eu le sentiment d'entendre « un discours de la méthode sans souffle girondin ». Hôte de ce grand raout, le président (PS) de la Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset s'est dit, lui, « déçu d'être déçu », ayant eu « l'impression que le Premier ministre ne croyait pas à ce qu'il disait ».

Sur le fond du discours, le locataire de Matignon, qui n'oublie jamais de rappeler qu'il a été maire du Havre et président de la métropole havraise, a, de son côté, confirmé la présentation d'un « projet de loi 3D » - décentralisation, déconcentration et différenciation - dans le courant de l'année. Il a ainsi promis « une concertation dans chaque région » pour identifier dans chacune d'entre elles les besoins. « C'est vachement (sic) intéressant de se poser la question », a-t-il poursuivi.

"Je veux encore y croire" (Hervé Morin)

Par exemple, devant la demande répétée des conseils régionaux d'avoir les mains libres sur Pôle Emploi, en plus de leur compétence-clé en matière de développement économique, Edouard Philippe s'est dit prêt à « proposer à des régions volontaires de renforcer les politiques de formation professionnelle » avec « un nouveau rôle dans l'action de Pôle Emploi ». Sans créer un nouveau comité Théodule dans chacune d'entre elles, il a évoqué « une instance de gouvernance présidée par le patron du conseil régional » qui pourrait « piloter des expérimentations ».

Mais pour les principaux concernés, cette proposition primo-ministérielle est floue et insuffisante. « La France va mieux mais je continue à voir des taux de chômage de 15, 16 voire 17%. C'est pourquoi je demande un changement de modèle où les réponses peuvent être apportées par nos territoires », déclare le président de l'association Régions de France Hervé Morin. « Je veux encore y croire mais j'attends du concret sur la construction du nouvel acte de décentralisation », ajoute l'édile normand.

La crise des gilets jaunes est passée par là

« Nous voulons être à la manœuvre sur la formation des demandeurs d'emplois, car il y a une inadéquation entre les formations et  les besoins de recrutement », a renchéri Carole Delga, patronne (PS) du conseil régional d'Occitanie. « Qu'on nous donne la compétence entière sur le continuum orientation-formation-emploi ! », abonde son homologue socialiste de Bourgogne-Franche-Comté Marie-Guite Dufay.

Quinze mois après le boycott de la conférence nationale des territoires, instance nationale de dialogue entre l'Etat et les collectivités, et un an après l'appel de Marseille où les présidents de région s'emportaient contre la « recentralisation » du gouvernement, la crise des « gilets jaunes » est passée par là. Force est de constater qu'à cinq mois des élections municipales, le ton a changé de part et d'autre : les élus se disent prêts à « jouer la carte de la confiance » avec l'exécutif quand le Premier ministre espère « que les choses fonctionneront mieux sans définance ni acrimonie ».

Lire aussi : A Marseille, le "coup de gueule des territoires" contre l'«ultra-centralisation»