Les nouvelles régions, moteurs des entreprises de taille intermédiaire (ETI)

Désormais chefs de file des politiques économiques locales depuis la loi NOTRe, les nouvelles régions veulent, à l'image des Länder allemands, faire grandir leurs entreprises et attirer des investisseurs étrangers. Au risque d'accroître les déséquilibres territoriaux.
(Crédits : Bpifrance)

« Moi, je suis prêt à rouvrir la loi NOTRe. On voit bien qu'il y a besoin d'une respiration sur des choses qui ont été mal faites », avait lancé Emmanuel Macron lors de la première réunion du Grand débat en Normandie devant 600 maires en janvier. Quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi territoriale portée par François Hollande, les critiques virulentes continuent de pleuvoir. Dans son projet, l'ex-président socialiste avait expliqué que « ces grandes régions auront davantage de responsabilités. Elles seront la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d'emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports.[...] Elles auront en charge l'aménagement et les grandes infrastructures. »

Cette nouvelle organisation, inspirée des Länder allemands, est censée donner un poids économique important à ces super-régions à l'échelle du continent européen. Depuis 2015, le conseil régional dispose en effet de plusieurs leviers puissants pour booster la croissance des entreprises. Le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) doit permettre de renforcer l'attractivité, l'investissement immobilier ou encore l'innovation des ETI, les entreprises de taille intermédiaire (*). Cet outil est coconstruit avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) - les métropoles et les intercommunalités plus petites avant d'être transmis à la représentation de l'État en région. Pour autant, si les régions semblent mieux équipées sur le papier, les résultats ne sont pas encore au rendez-vous.

Investissements étrangers : un levier pour faire grandir les ETI

Le gouvernement a décidé de muscler ses efforts pour redorer l'image de l'Hexagone à l'étranger. En 2018, le territoire français a accueilli un nombre record de projets d'investissement (1323) avec des disparités selon les régions (voir carte page 8).

Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne-Franche Comté ou le Centre-Val de Loire affichent une forte attractivité pour les activités de production. En Île-de-France ou dans la région Sud-Provence-Alpes-Côte d'Azur les investissements étrangers sont dynamiques dans le développement et l'implantation de nouveaux centres de R&D. Pour le directeur général de Business France, Christophe Lecourtier, « les régions disposent de la compétence attractivité depuis la loi NOTRe. En termes de visibilité internationale, il y a matière à créer un vrai partenariat entre les régions et Business France. À l'étranger, une centaine de personnes issues du personnel de Business France sont basées dans les ambassades. » Ces personnes « travaillent principalement à la prospection d'investisseurs étrangers. Chaque année, nos services transmettent environ 1300 projets aux régions pour qu'elles puissent faire leur proposition et accueillir ces acteurs au niveau du territoire », poursuit Christophe Lecourtier.

Commerce extérieur: la région au centre des échanges

Depuis le début des années 2000, le commerce extérieur reste un point noir de l'économie tricolore. Le déficit commercial a atteint 59,9 milliards d'euros en 2018 et il a plombé l'activité de 0,3 point au premier trimestre 2019. La désindustrialisation et l'insuffisance de la compétitivité en termes de rapport qualité-prix des produits français peuvent expliquer en partie ces mauvais résultats.

Pour doper les exportations des ETI en région, le gouvernement a entamé une réforme des dispositifs d'aides à l'export. Si 75 % des entreprises de taille intermédiaire exportent, elles ne représentent qu'une part minoritaire du tissu d'entreprises locales.

En 2018, le Premier ministre, Édouard Philippe, était venu présenter dans les Hauts-de-France la mise en place d'un guichet unique au sein de chaque région. « Partant du constat simple que c'est au niveau du territoire que se joue la bataille de l'export - repérer davantage d'entreprises susceptibles de se projeter à l'international, élaborer un premier diagnostic au plus près des besoins des PME/ETI -, il apparaissait naturel de donner aux régions un rôle central en matière d'appui à l'export », avait expliqué le locataire de Matignon. L'objectif du dispositif, qui regroupe des opérateurs comme Business France, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et Bpifrance, est d'augmenter le nombre d'entreprises exportatrices et d'identifier des nouveaux marchés à l'étranger. Sous la bannière Team France Export, plus de 250 conseillers internationaux doivent accompagner les entreprises dans leur internationalisation. Christophe Lecourtier décrit la nouvelle méthode : « Business France a travaillé avec les régions pour mettre en place les guichets uniques avec les CCI. Les régions doivent déterminer les priorités de chaque guichet et leur stratégie en fonction de certaines spécialisations ou bassins d'emplois. Ce dispositif est branché au réseau étranger des bureaux de Business France. » Au niveau local, la région Occitanie a mis en oeuvre plusieurs dispositifs d'aide à l'exportation comme le Pass Export Occitanie adopté en mars 2017, qui mobilise 2 millions d'euros en autorisations de paiement et 1,6 million en crédits. Le conseil régional d'Île-de-France organise, lui, des réunions d'information sur l'export dans certains pays de même qu'il tente d'identifier le marché le plus intéressant pour une ETI.

Subventions et fonds régionaux: des outils pour aider les projets

Outre les soutiens à l'export, certaines collectivités veulent développer des outils pour faciliter le financement des projets d'entreprises et des innovations. C'est par exemple le cas de la région Normandie qui a lancé le fonds Normandie Participations. Ce dispositif doit permettre de mobiliser environ 100 millions d'euros. En Nouvelle-Aquitaine, le conseil régional a récemment annoncé le lancement d'un fonds baptisé Nouvelle-Aquitaine Co-Investissement. Ce dispositif piloté par le groupement d'intérêt économique Aquiti Gestion doit doper la croissance des ETI et des PME.

Fin 2016, la région Auvergne-RhôneAlpes a, elle, débloqué 300 millions d'euros sur cinq ans, à travers des outils de capital-investissement, des fonds d'investissement ou encore des fonds de garantie. De même que certaines entreprises peuvent bénéficier, sous la forme d'une subvention, d'un dispositif d'accompagnement à l'investissement direct. « Avec cette aide, elles peuvent investir vingt fois plus. C'est un coup de pouce ou un apport qui peut déclencher un emprunt ou un nouvel investissement dans le numérique, les ressources humaines », résume Annabel André-Laurent, la vice-présidente de la région.

En Île-de-France, autre lieu, autre ambiance. Le 18 septembre dernier, le conseil régional a voté la création d'un Club Open Innovation ETI, doté de 150000 euros. L'incubateur Creative accompagnera pendant neuf mois trois promotions d'une dizaine d'ETI pour « les aider à formuler leurs besoins et à trouver des solutions », précise Alexandra Dublanche, vice-présidente (LR) de la région chargée du développement économique et de l'attractivité. « Elles sont encore en retrait en termes d'innovation. Si on les met en relation avec des startups pour aboutir à des projets de coopération, elles ne vont pas rester à la traîne. » La région a également débloqué il y a dix jours une aide qui permet aux ETI de financer des projets, des brevets, de l'investissement ou des recrutements structurants.

Relations avec l'État: un dialogue toujours tendu

Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée, les relations entre les représentants des régions et l'État ne sont pas au beau fixe et la crise des « gilets jaunes » n'a rien arrangé. Lors d'un récent bilan sur l'apprentissage, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a vanté le bilan de l'action du gouvernement qui aurait permis une explosion des embauches. Dans un communiqué, Régions de France a réagi avec virulence. « Plutôt que de reconnaître s'être trompée en critiquant à maintes reprises les régions sur la politique publique d'apprentissage, Mme Pénicaud pratique la politique du coucou, s'appropriant des résultats qui ne sont pas uniquement les siens. » À cela s'ajoutent la suppression du fonds de soutien au développement économique de 450 millions d'euros en 2018 et la baisse des moyens alloués aux chambres de commerce et d'industrie, avec un changement de statut chez le personnel. « C'est clairement un changement de modèle économique

[...] Nous avons déjà subi des coupes budgétaires importantes et cela devrait encore s'amplifier dans les trois années », a récemment déploré Pierre Goguet, le président de CCI France.

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ENCADRÉ 1

Ce que la loi PACTE est censée changer

Si le nombre de créations d'entreprises en France est régulièrement mis en avant, l'économie tricolore souffre d'un manque d'entreprises de taille intermédiaire. « Les entreprises françaises créent trop peu d'emplois et leur niveau de croissance reste encore faible. Notre appareil productif est composé pour une large base de petites ou très petites entreprises, mais il manque d'entreprises de taille moyenne », avait expliqué Bruno Le Maire à l'automne 2017. Après avoir provoqué de vifs débats au Parlement, l'ensemble des décrets d'application du volumineux texte de loi (plus de 200 articles) devrait être publié d'ici au 22 novembre, a récemment promis le ministre de l'Économie. Outre une simplification des seuils d'effectifs, Bercy veut faciliter les cessions et transmissions d'entreprises alors que cet enjeu est essentiel pour les ETI à dimension familiale implantées dans les régions. Pour favoriser cette transmission, la majorité a assoupli le pacte Dutreil jugé parfois complexe et technique à mettre en oeuvre. Selon un récent sondage OpinionWay pour la Banque Palatine, la majorité des dirigeants de PME et ETI affirment ne pas avoir signé un pacte Dutreil au sein de leur entreprise. Ce dispositif n'existe que dans 10 % des ETI interrogées

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ENCADRÉ 2

Un congrès des Régions de France tourné vers le quotidien

« Ma Région agit pour moi ». C'est le thème choisi par l'association Régions de France pour son 15e congrès à Bordeaux les 30 septembre et 1er octobre. Les conseils régionaux veulent montrer au gouvernement et aux Français qu'ils sont les mieux placés pour accompagner la vie économique du pays. Une table ronde y sera consacrée au rapprochement des chômeurs et des entreprises, une autre à l'orientation, aux métiers et aux filières d'avenir, et une autre encore à la mobilité internationale des jeunes comme outil d'insertion, de développement économique et d'attractivité des territoires. En réalité, c'est le patron d'ETI qui est ciblé pendant ces deux jours. Un débat s'intitule en effet « Chef d'entreprise : des écosystèmes territoriaux en soutien à mon entreprise innovante » et, au vu des intervenants (élus, CCI, Mouvement des entreprises de taille intermédiaire...), il s'apparente davantage à un mode d'emploi.

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INFOGRAPHIE

ETI, Régions, infographie H303

Sans surprise, la Cour des comptes observe que les dépenses d'investissement des régions ont augmenté depuis 2016. C'est en effet à cette date que les conseils régionaux, élus en décembre 2015, ont adopté leurs programmes à cinq ans, forts de leurs compétences renforcées en matière de développement économique.

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(*) Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont des établissements qui ont entre 250 et 4999 salariés et un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard d'euros, selon la typologie de l'Insee.

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Lire aussi notre [INFOGRAPHIE] Quelle région compte le plus d'ETI ?

Commentaires 2
à écrit le 02/10/2019 à 8:24
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Voir le classement mondiale sur la liberte d'entreprendre dans ce pays de cocagne. France a la position 71. Ceci pose on comprend pourquoi.

à écrit le 30/09/2019 à 15:26
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errata les grandes regions ont ete crees pour faire de la ' perequation' entre celles qui avaient les caisses pleines et celles qui les avaient vides, dans un grand cadre de cohesion sociale bien a gauche par exemple la fusion de charente poitou, ...

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