Déchéance de nationalité : ce que prévoit la copie revue du gouvernement

Par latribune.fr  |   |  686  mots
"Le principe d'égalité commande, aussi bien sur le plan moral que juridique, d'unifier les régimes applicables aux personnes condamnées encourant la déchéance, qu'elles soient naturalisées ou nées françaises", a reconnu le Premier ministre.
Toute référence à la binationalité, dans la Constitution comme dans la loi ordinaire, a notamment été abandonnée, a expliqué mercredi Manuel Valls devant l'Assemblée nationale.

Le jour du remplacement de Christiane Taubira par Jean-Jacques Urvoas à la tête du ministère de la Justice, le Premier ministre Manuel Valls a soumis aux députés une version remaniée du projet de révision constitutionnelle qui déchire les rangs de la gauche et a été à l'origine de la démission de la ministre. A propos du projet d'article 2, consacré à une extension et consécration constitutionnelle de la déchéance de la nationalité française à l'encontre de coupables condamnés pour des faits constitutifs d'atteintes graves à la vie de la Nation, "le Gouvernement a décidé, en accord avec le Président de la République de proposer une nouvelle rédaction", a déclaré Manuel Valls, mercredi 27 janvier, à l'Assemblée nationale. Il a justifié ces modifications par "le souci d'avancer, et (...) d'aboutir à un rassemblement le plus large possible", face à "l'intensité du débat public sur ce sujet".

Pas d'apatrides

Ainsi, ni le texte constitutionnel ni la loi ordinaire ne prévoiront de référence à la binationalité. "Le principe d'égalité commande, aussi bien sur le plan moral que juridique, d'unifier les régimes applicables aux personnes condamnées encourant la déchéance, qu'elles soient naturalisées ou nées françaises", a reconnu le Premier ministre.

Pour rappel, François Hollande a annoncé le 16 novembre dernier, trois jours après les attentats de Paris et Saint-Denis, son intention d'étendre la déchéance aux binationaux nés français convaincus de terrorisme. La mention de la binationalité apparaissait dans la première version du projet de révision constitutionnelle présentée lors du conseil des ministres du 23 décembre dernier, mais la gauche du Parti socialiste notamment s'y opposait.

Manuel Valls a toutefois ajouté qu'il n'était pas question de créer des apatrides:

"Seuls les principes prévus par la convention internationale de 1961 et la loi du 7 mars 1998 qui proscrivent la création de nouveaux apatrides devront continuer à figurer dans notre droit positif", a-t-il affirmé.

Des limites claires selon Valls

Manuel Valls a lu la nouvelle formulation de l'article 2 de la révision, dont la forme sera:

"La loi fixe les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation".

"Seules des infractions d'un niveau de gravité très élevé pourront justifier la procédure de déchéance. Les crimes certes, mais sans doute aussi les délits les plus graves", a-t-il expliqué, précisant:

Le champ sera strictement limité au terrorisme et aux autres formes graves d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, parmi lesquelles l'espionnage et la trahison. Depuis l'été 2015, le Conseil constitutionnel a clairement délimité cette notion."

Le législateur devra en revanche trancher le débat concernant le régime juridique de la sanction, notamment l'opportunité de se contenter d'une décision administrative subordonnée à l'avis conforme du Conseil d'Etat, ou bien de revenir à un régime de peine complémentaire prononcée par le juge pénal, a enfin souligné Valls.

Le contrôle parlementaire de l'état d'urgence pourrait être constitutionnalisé

Quant au premier article du projet de révision constitutionnelle, consacré à l'état d'urgence, Manuel Valls s'est dit ouvert concernant la proposition de constitutionnaliser l'existence et la nature d'un contrôle parlementaire au rang des principes essentiels. Il s'est aussi dit prêt à discuter à propos de l'idée de constitutionnaliser un plafond temporel à la prolongation de l'état d'urgence par les parlementaires.

"Un projet de loi ordinaire permettra de préciser les conditions de déroulement des perquisitions administratives et d'assignation à résidence", a ajouté Valls.

Les députés examineront le projet de révision constitutionnelle en séance plénière à partir du vendredi 5 février. Manuel Valls a rappelé qu'à son sens ce projet ne fait que s'inscrire "dans le fil de notre stratégie anti-terroriste", ainsi que "de la réforme du renseignement intérieur et territorial".