Dette : le seuil des 3.000 milliards d’euros atteint pour la première fois en France

Par latribune.fr  |   |  910  mots
Bruno Le Maire souhaite ramener l'endettement public à 108,3% du PIB en 2027. (Crédits : JOHANNA GERON)
L’endettement public s’est alourdi de 63,4 milliards d’euros au premier trimestre 2023. La dette atteint désormais 3.013,4 milliards d’euros en valeur absolue, fin mars, a annoncé l'Insee ce vendredi. Un endettement record en volume qui équivaut à 112,5% du PIB et qui menace les comptes de l’Etat confronté à une hausse de ses taux d’intérêts.

Un cap symbolique a été franchi sur la dette publique de la France. 3.000 milliards d'euros, c'est le niveau de dette au plus haut historique, atteint par l'Etat français au premier trimestre 2023, selon une publication de l'Insee, ce vendredi. L'endettement public du pays, qui remonte à 112,5% du produit intérieur brut (PIB), contre 111,8% à la fin décembre 2022, s'est massivement accru depuis la crise sanitaire.

Au premier trimestre, ce dernier s'est donc encore alourdi de 63,4 milliards d'euros pour atteindre 3.013,4 milliards en valeur absolue fin mars, a détaillé l'Institut national de la statistique. La hausse enregistrée sur les trois premiers mois de l'année provient essentiellement de l'augmentation de la dette de l'Etat (+48,6 milliards d'euros), quand celle des administrations de sécurité sociale a progressé de 17,4 milliards d'euros. En revanche, la dette des organismes divers d'administration centrale s'est repliée de 2,8 milliards d'euros et celle des administrations publiques locales est restée quasiment stable.

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L'endettement rapporté au PIB a donc lui aussi augmenté au premier trimestre 2023 alors qu'il atteignait 111,8% (revu en hausse) à la fin décembre 2022. Mais ce montant reste inférieur à celui de 114,8% constaté au premier trimestre de 2022, grâce à l'augmentation du PIB en volume due en partie à l'inflation. « Des dettes ont été émises ce trimestre-ci alors qu'elles auraient pu être émises le trimestre d'avant ou d'après », nuance Sylvain Bersinger, chef économiste chez Astarès. « Il ne faut pas se dire, c'est génial la consommation repart ou c'est catastrophique, la dette augmente », a-t-il résumé.  Néanmoins, ces nouveaux chiffres confirment que l'état des comptes publics se trouve bien loin de l'objectif fixé par le traité européen de Maastricht de 1992.

Celui-ci prévoit que la dette publique d'un Etat membre ne doit pas excéder 60% de son produit intérieur brut (PIB). En France, ce seuil est largement dépassé depuis 20 ans. Mais, depuis la crise sanitaire, suivie de la guerre en Ukraine, cette règle, comme celle d'un déficit public inférieur à 3% du PIB, ont été suspendues. Elles seront de nouveau d'application en 2024.

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Des taux d'intérêts au plus haut depuis dix ans

Si les gouvernements français se sont succédé sans réellement s'inquiéter de l'endettement public de la France, les choses ont changé en 2022. Pour freiner l'économie et juguler l'inflation, la Banque centrale européenne a en effet décidé de remonter drastiquement ses taux directeurs. Ces derniers, ayant une influence directe sur le taux auquel l'État emprunte de l'argent, sont alors passés de zéro à 3,5%-4% entre le printemps 2022 et l'été 2023. Ils devraient encore monter ces prochains mois. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, souligne régulièrement qu'il y a encore « du chemin à parcourir » avant de songer à un assouplissement de la politique monétaire.

Résultat, les taux d'emprunt à dix ans auxquels la France se finance sont remontés bien plus vite que ne le prévoyait le gouvernement. Ils ont dépassé les 3% en fin d'année dernière. Et aujourd'hui encore, ils oscillent autour de 3%. Bercy table sur un taux qui se rapproche de 3,4% dans la seconde partie de l'année.

« C'est simple : un point d'intérêt en plus sur la dette française, à horizon 2027, c'est quinze milliards d'euros de charge supplémentaire sur la dette publique » expliquait Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie en avril.

Surtout, ces nouveaux taux d'intérêt alourdissent la facture à mesure que l'ancienne dette, - qui ne coûtait presque rien -, est remboursée, et remplacée par une dette contractée à des conditions très onéreuses. Selon la comptabilité de Maastricht, la charge de la dette devrait passer de presque 42 milliards d'euros l'an dernier à 70 milliards à horizon 2027. Soit 30 milliards d'euros de dépenses en plus pour l'Etat.

Le gouvernement au pied du mur de la dette

Le contexte inflationniste, qui augmente par ailleurs les rentrées fiscales, ne suffira pas à compenser. Même les économies occasionnées par la toute récente réforme des retraites - autour de 13 milliards d'euros d'ici 2030 - qui devrait entrer en vigueur, si le calendrier est respecté, dès septembre prochain, seraient vite effacées.

Face à la pression toujours plus forte du coût de l'argent depuis la remontée des taux directeurs de 2022, des personnalités publiques appellent l'Etat à freiner ses dépenses. En juillet dernier, le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, avait alerté sur l'état de la dette publique. « Nous ne pouvons pas vivre dans l'illusion d'une dette gratuite », avait-il prévenu, faisant de la charge de la dette son « principal point de préoccupation ». La charge de la dette désigne l'ensemble des intérêts que l'Etat s'engage à payer lorsqu'il emprunte de l'argent sur les marchés financiers, en plus du remboursement à une échéance précise du montant emprunté qu'on appelle le « principal ».

Conscient de ce qui est considéré par certains économistes et hommes politiques comme une urgence, en avril, le gouvernement a présenté une trajectoire plus ambitieuse pour le rétablissement des comptes de la France, qui prévoit de ramener la dette à 108,3% du PIB en 2027 et le déficit à 2,7%, dans les clous européens, contre 4,7% en 2022 et 4,9% prévus cette année.

(avec AFP)