Dotations : la tension monte entre Bercy et les collectivités locales

Par Mathias Thépot  |   |  555  mots
Les collectivités locales vont-elles pouvoir soutenir l'investissement local dans les années à venir?
Le gouvernement prévoit un plan d'aide à l'investissement pour le tissu économique local. Mais pour ce faire, il n'est pas question pour Bercy d'alléger les contraintes financières visant les collectivités locales.

Entre le ministère de l'Economie et les élus locaux, le climat est tendu. Au point que l'Association des maires de France (AMF) ne veut plus entendre parler de Bercy et souhaite désormais négocier avec Matignon d'éventuelles mesures qui viendront compenser la réduction des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales de 11 milliards d'euros de 2015 à 2017. Déjà en 2014, elles avaient déjà baissé de 1,5 milliard d'euros, ce qui a participé à la baisse de l'investissement public local, indispensable notamment pour soutenir les secteurs du bâtiment et des travaux publics : les dépenses d'investissement des collectivités en 2014 ont ainsi chuté à 53,5 milliards d'euros, contre 57,8 milliards en 2013, selon la Banque Postale. Et, pour l'avenir, l'agence de notation Standard and Poor's projette "une nouvelle diminution de (leurs) dépenses d'investissement de 9% en 2015 suivie d'une stabilité en 2016".

Rester crédible à Bruxelles

Conscient de ce problème, le gouvernement a indiqué qu'il allait plancher la semaine prochaine sur des mesures visant à "soutenir une reprise qu'on doit conforter par l'investissement public et privé", a expliqué son porte-parole Stéphane Le Foll.
Mais à Bercy, si l'on partage le constat qu'il est impératif de trouver des solutions pour améliorer la conjoncture pour les entreprises du BTP, et donc pour ce faire de soutenir l'investissement public local, il est hors de question de réduire ou d'étaler dans le temps la baisse des dotations aux collectivités. C'est une question de crédibilité vis-à-vis de la Commission européenne.

Avant tout, Bercy estime que les collectivités - qui représentaient un peu moins de 21% de la dépense publique en 2013 - doivent balayer devant leur porte. Pour le ministre de l'Economie, Michel Sapin, il serait impensable d'exonérer les collectivités des efforts financiers demandés, notamment parce que des économies en matière de fonctionnement sont possibles. Le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert s'inquiétait d'ailleurs le 11 février de "la dynamique actuelle des dépenses de fonctionnement (des collectivités locales ndlr), notamment des masses salariales, dont l'augmentation atteignait 4 %" en 2014. Et si les collectivités locales attribuent cette hausse à la revalorisation de la grille salariale de la catégorie C des fonctionnaires territoriaux et d'une partie de celle de la catégorie B, pour Christian Eckert ce ne peut être la "seule explication".

Quelle conception du service public ?

Du reste, si l'on s'en tient aux chiffres, ce sont les collectivités locales qui ont le plus participé à la réduction du déficit public : en volume, elles ont réduit leur déficit à 4,5 milliards d'euros en 2014 selon une note de l'Insee, contre 8,5 milliards en 2013. Ce qui eut pour conséquence directe "une baisse de l'investissement et de l'emprunt", explique le maire de Sceaux Philippe Laurent.

Par ailleurs à la tête de la Commission des finances de l'AMF, il conteste les accusations de mauvaise gestion financière visant les collectivités locales : "Les dépenses de fonctionnement ne sont pas du gaspillage ou des dépenses de confort. Elles servent au bon fonctionnement des services publics : les services à la petite enfance (crèches, écoles), d'aide aux personnes âgées, d'entretien des voiries etc... Si du côté de Bercy, on contraint cela, il y a à s'interroger sur ce que l'on offrira et ce que l'on proposera à l'avenir comme service public à la population...".