Emmanuel Macron, un an à Bercy, et après ?

Par Sarah Belhadi  |   |  1131  mots
La nomination fin août 2014 dans le gouvernement Valls III de cet ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée, jamais élu, avait déjà fait grincer des dents dans son camp. Ses prises de position au cours de sa première année à Bercy n'ont rien fait pour changer la donne.
Emmanuel Macron, 37 ans, nommé ministre de l’économie le 27 août 2014, souffle sa première bougie d’anniversaire à Bercy. Avec l’adoption de sa loi « croissance et activité », il a remporté le premier round. Quitte à déplaire. Retour sur ces 12 derniers mois au gouvernement.

Ce jeudi soir, Emmanuel Macron prononçait le discours de clôture de l'université du Medef à Jouy-en-Josas, et soufflait sa première bougie à Bercy. Il venait d'être reçu dans l'après-midi par "Les Réformateurs". Réunie en Gironde, l'aile droite du PS avait réservé un accueil chaleureux au ministre de l'économie. Un enthousiasme pas du goût de tous. Macron n'a pas reçu d'invitation pour l'université d'été du parti à la Rochelle ce week-end. Dans un gouvernement socialiste, mais pas vraiment socialiste, l'hôte de Bercy s'installe dans un positionnement original. Au point d'être vu comme le possible futur ministre du Travail, après la démission du titulaire du poste, François Rebsamen.

Opération séduction au Medef

Face à l'auditoire du Medef, il cultive le doute et multiplie les allusions aux chiffres du chômage : "l'énergie est partout sauf dans les chiffres", "tout est prêt pour le recul du chômage, mais il continue à être élevé", déplore-t-il, sous le regard attentif de Pierre Gattaz, le patron des patrons. Macron -une fois n'est pas coutume- réitère sa volonté de mettre un terme aux 35h, sans les nommer :

"La gauche n'est pas exempt de critiques particulières, elle a pu croire à un moment, il y a longtemps que la politique se faisait contre les entreprises ou au moins sans elles, qu'il suffisait de décréter et de légiférer pour que les choses changent. Qu'il n'était pas nécessaire de connaître le monde de l'entreprise pour prétendre le régenter, que la France pourrait aller mieux en travaillant moins. C'était des fausses idées".

Pour l'aile gauche du PS, la phrase est une provocation. Mais au Medef, le discours séduit. Le locataire de Bercy, en opération séduction est applaudi à plusieurs reprises.

Un banquier à Bercy

Il y a tout juste 20 ans, le jeune Macron pouvait-il imaginer un tel scénario de rentrée ? En septembre 1995, Emmanuel Macron intègre alors la prestigieuse hypokhâgne du lycée Henri IV. Avec son épaisse crinière bouclée, le jeune étudiant a sans aucun doute un destin tout tracé. Mais il échoue au concours de Normal Sup. Cette fausse note ne l'éloigne pas pour autant de la rigueur universitaire. A Nanterre, il se consacre à la philosophie. Titulaire d'un DEA, il devient pendant trois ans l'assistant de Paul Ricœur, disparu en 2005. S'il se passionne pour Hegel et Machiavel, il éprouve le besoin d'aller voir ailleurs :

« J'ai adoré la philosophie, j'étais profondément heureux pendant cette période, mais j'ai vite éprouvé le besoin d'action, d'être au contact d'un certain quotidien », confiait-il en 2012 à Libération.

De ses lectures sur Machiavel, Macron aura retenu une leçon majeure : un bon politique doit s'adapter aux circonstances.

Il passe finalement par la case l'ENA. En 2007, sorti de la "Botte", Macron devient inspecteur des Finances. En 2008, il quitte la fonction publique et intègre la banque d'affaires Rothschild. Quatre ans plus tard, c'est un homme fortuné. On le retrouve au poste de secrétaire général adjoint de l'Elysée. On connaît la suite : sa nomination surprise le 27 août 2014. A seulement 36 ans, Macron devient le patron de Bercy.

Trois mois plus tard, le 10 décembre, il présente un projet de loi pour le moins ambitieux, construit autour de trois piliers : libérer, investir et travailler. Cette loi, portée par le jeune ministre, vise à agir sur tous les leviers « pour favoriser la relance de la croissance, de l'investissement et de l'emploi », assure-t-on au gouvernement.

Loi Macron, le coup de force du gouvernement

 Il s'attaque aux professions réglementées du droit en proposant la révision de leurs tarifs. En décembre, huissiers, avocats, commissaires-priseurs défilent massivement dans toute la France. Qu'importe. Il propose ensuite l'ouverture des magasins le dimanche dans les zones touristiques, et provoque l'ire des syndicats.

Il faudra 437 heures de discussions entre l'Assemblée, le Sénat et leurs commissions pour venir à bout du texte. Pour en finir, le gouvernement n'hésite pas à user de l'article 49/3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi, sans le faire voter. L'objectif, c'est de gagner du temps, en sautant l'étape des négociations avec les partenaires sociaux. Le passage en force de la loi est soutenu par Pierre Gattaz, le patron du Medef.

Le 16 juin, lors de sa conférence de presse annuelle, il explique que « l'utilisation du 49-3 permet d'éviter des risques, des zigs et des zags ». Mais au Medef, Pierre Gattaz en voudrait davantage : « La loi Macron va globalement dans le bon sens même si ce n'est pas le grand matin libéral (...) c'est une aurore », prend-il le temps de préciser.

La loi « pour la croissance et l'activité et l'égalité des chances économiques » a finalement été promulguée le 7 août dernier. L'acte Macron 1 est scellé. Le second est prévu pour bientôt avec un texte consacré à la croissance, et axé sur le numérique. Il devrait être présenté en 2016. En principe.

 Macron, ministre du Travail ?

Car, depuis quelques jours, le nom d'Emmanuel Macron circule pour remplacer François Rebsamen, le ministre du Travail démissionnaire. Le locataire de Bercy peut d'ores et déjà s'assurer du soutien du Medef. Mercredi 26 août, Pierre Gattaz a dressé le portrait du candidat idéal au poste :

« C'est un homme qui connaît l'entreprise fondamentalement, c'est un homme qui connaît l'économie de marché qui l'accepte et qui l'assume, et c'est un homme qui connaît la mondialisation ». A la question "et si possible jeune ?" du journaliste Jean-Pierre Elkabbach, Gattaz lui répond tout sourire « et si possible jeune, ce serait encore mieux »,  au micro d'Europe 1. Dont acte.

Macron persona non grata

Il n'est pas sûr que dans son propre camp ce scénario fasse l'unanimité. Ainsi, à cette éventualité, Jean-Christophe Cambadélis préfère botter en touche, et se contente de répondre sur le plateau de I Télé : « il fait déjà beaucoup de choses, ne le surchargeons pas ».  Son propre camp lui tourne le dos. Macron n'a pas été convié à l'université d'été du PS qui aura lieu ce week-end à la Rochelle. Officiellement, l'actuel ministre n'a pas reçu d'invitation car il n'a plus de carte du Parti Socialiste depuis 2009.

En revanche, il s'est rendu ce jeudi à  l'Université des Réformateurs, l'aide droite du PS, à Léognan en Gironde. Pendant son intervention, il a confié devant son fan-club qu'il n'était "pas obsédé par la taille du code du travail", même si "on fait trop dans la loi et pas assez dans le contrat." Voilà une déclaration qui devrait plaire au Medef.