Emploi : quels sont les freins à l'embauche ?

Par Grégoire Normand  |   |  778  mots
Les entreprises limitées dans leur embauche citent en moyenne 2,6 barrières différentes parmi les 9 proposées dans le questionnaire de l'Insee.
Le principal obstacle à l'embauche est le manque de main-d'oeuvre compétente selon les chefs d'entreprise interrogés par l'Insee. Cette pénurie, qui aggrave le problème du chômage, concerne particulièrement le secteur du bâtiment.

Selon la dernière enquête de l'Insee publiée ce 21 décembre, la moitié des entreprises interrogées ont signalé des freins à l'embauche de personnes en CDI ou CDD de longue durée. Mais contrairement à certaines idées reçues, la réglementation est loin d'être la principale barrière évoquée par les chefs d'entreprises. La reprise économique, qui semble se consolider selon les dernières prévisions de l'organisme public, pourrait être fragilisée par un manque d'adéquation entre l'offre et la demande des travailleurs.

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Le secteur du bâtiment en première ligne

Selon l'institut de statistiques, la part des entreprises éprouvant des difficultés de recrutement (38%) a atteint son plus haut niveau depuis juillet 2008. Parmi les secteurs étudiés, le bâtiment est celui qui rencontre le plus d'obstacles pour recruter. Les sociétés qui ont exprimé des freins à l'embauche emploient 70% des salariés du secteur. Cette proportion atteint 57% dans l'industrie et 47% dans les services.

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Sur le total des secteurs, "un tiers des entreprises déclarent ne pas rencontrer de barrières". D'après les experts de l'organisation publique, ces sociétés n'en sont pas moins potentiellement concernées par un processus d'embauche et sont même plus nombreuses qu'en moyenne à déclarer leurs effectifs en hausse. Enfin, 20% des entreprises ne se sont pas senties concernées, "probablement parce qu'elle n'envisage pas d'embaucher des CDI ou CDD de longue durée à court terme".

Les PME particulièrement concernées

Par taille d'entreprises, les petites et moyennes entreprises semblent plus confrontées aux freins à l'embauche. Les PME sont particulièrement inquiètes sur l'indisponibilité de main-d'oeuvre compétente et l'incertitude économique. A l'inverse, les grandes entreprises sont moins nombreuses à exprimer ce type de freins. Ce sont même ces sociétés qui évoquent le moins de problèmes liés à la réglementation.

Le déficit de compétences préoccupe les entreprises

Sur l'ensemble de ces trois secteurs, le frein à l'embauche le plus fréquemment cité par les chefs d'entreprise interrogés dans le cadre des enquêtes mensuelles de conjoncture de l'Insee est l'indisponibilité d'une main-d'oeuvre compétente (32%, +5 points entre avril et octobre). Vient ensuite l'incertitude liée à la situation économique (25%, -3 points). "Ces évolutions récentes semblent représentatives d'un accroissement de plus longue date des difficultés de recrutement, commencé début 2016 avec la reprise économique", souligne l'Insee. Les autres freins à l'embauche évoqués sont les coûts liés à l'emploi (22%) et la réglementation encadrant le marché du travail  (17%).  Sur ce dernier point, les résultats de l'enquête de l'Insee battent en brèche les arguments parfois avancés sur les excès de réglementation, liés notamment au Code du travail, qui seraient un possible frein à l'embauche.

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Au niveau de la réglementation, ce sont surtout les incertitudes sur la pérennité de la législation du travail, le coût financier et les risques juridiques associés aux licenciements qui sont évoqués par les employeurs.

Une pénurie de compétences marquée en informatique

Il y a quelques jours, les experts de l'OCDE ont publié une étude dans laquelle ils ont identifié des secteurs précis où les pénuries de compétences sont particulièrement marquées. Il s'agit de l'informatique et l'électronique, la mécanique ou l'enseignement et la formation, et également le management.

Face au déficit de compétences, l'OCDE fait plusieurs recommandations. Si l'organisation reconnaît que de multiples efforts ont été réalisés pour améliorer l'attractivité de l'enseignement professionnel et tenter de renforcer l'apprentissage, les spécialistes préconisent entre autres "d'adapter le contenu des programmes d'enseignement professionnel afin qu'il soit davantage en adéquation avec les besoins des employeurs". Ils recommandent également aux enseignants "de suivre en permanence l'évolution des pratiques en entreprise".

Enfin, les experts proposent d'élargir l'enseignement professionnel à plus de secteurs, "et surtout aux secteurs émergents", sans apporter plus de précisions. Dans ce contexte, la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage prévue par le gouvernement Philippe va être particulièrement surveillée par les employeurs dans le cadre de cette embellie économique marquée par un chômage encore pesant.

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