En coupant les subventions aux collectivités, l’Etat fait-il le bon choix ?

Par Mathias Thépot  |   |  710  mots
Y a-t-il d'autres moyens, pour satisfaire les critères de Bruxelles, que d'abaisser les dotations aux collectivités locales?
Beaucoup d’élus locaux se plaignent de la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Ils regrettent que, pour satisfaire les critères de Bruxelles, le pouvoir central ait choisi la solution de facilité.

Les élus locaux ne manquent pas la moindre occasion d'exprimer leur désarroi face à la politique de l'Etat les concernant. Celui-ci a acté, pour satisfaire aux critères de la Commission européenne, le montant de 10,7 milliards d'euros de baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre 2015 et 2017, après une baisse de déjà 1,5 milliard en 2014.

Très remontés, les élus s'interrogent sur la pertinence de ces réductions de dépenses, à l'instar de François Pupponi (PS), député maire de Sarcelles, présent lundi lors des assises des finances locales organisées par la Mairie de Paris:

"Malheureusement, à très court terme, si l'Etat veut trouver des économies supplémentaires qui satisfont les critères de Bruxelles, force est de constater que la solution la plus simple est de réduire les subventions aux collectivités territoriales, avec, évidemment, un effet catastrophique sur l'investissement public local."

L'investissement local, directement impacté par l'érosion de l'autofinancement

En actant une baisse des dotations de 3,6 milliards d'euros par an d'ici à 2017, l'Etat prend en effet le risque de réduire les dépenses d'investissement des collectivités.

En 2015 « leur montant repasserait, pour la première fois depuis 2006, sous la barre des 50 milliards d'euros [à 48,9 milliards d'euros] », prédit La Banque Postale. Le repli est toutefois moins élevé en 2015 (- 3,9 milliards d'euros) qu'en 2014 (- 5 milliards d'euros). Or, comme le notait aux assises des finances locales Thomas Rougier, directeur des études à la Banque Postale, « les collectivités conservent ce réflexe de s'appliquer la règle du remboursement de leur dette par l'autofinancement ». Principalement du fait de la baisse de la DGF, cet autofinancement « diminuerait de 5,4% en 2015, pour la quatrième année consécutive », ajoute-t-il. Sans dotations, les collectivités limitent donc leur endettement et l'investissement.

Pas de baisse des dépenses de personnels

Du côté de Bercy, on imaginait que la baisse de la DGF provoquerait une baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités, et notamment des frais de personnels.

Oui, mais voilà, la réforme des rythmes scolaires votée au niveau national (qui impose de nouveaux frais au bloc communal), de même que les revalorisations salariales des agents territoriaux de catégorie B et C, empêchent les collectivités d'abaisser leur masse salariale à court terme, et ainsi de maintenir leur autofinancement à un niveau stable.

François Cuillandre, le maire (PS) de Brest, le rappelle en ces termes:

"Ce n'est pas à court terme que les économies d'échelle se font, mais à moyen terme."

De son côté, son homologue à Vincennes, Laurent Lafon (UDI), renvoie l'Etat à ses contradictions:

"Si le gouvernement souhaite que les collectivités réduisent leurs dépenses de fonctionnement, qu'il pousse la logique jusqu'au bout en créant par exemple un système plus incitatif de départ à la retraite des fonctionnaires. Clairement, pour faire diminuer rapidement les dépenses de fonctionnement, il faut plus de souplesse dans la gestion pour les collectivités."

Renégocier Maastricht ? Ou remettre en cause l'efficience du CICE?

Du reste, pour nombre d'élus, la solution aux maux budgétaires de l'économie française n'est pas à trouver dans la baisse des dotations aux collectivités.

Ainsi, l'UDI Philippe Laurent, maire de Sceaux, s'il a peu d'espoir d'être entendu, milite néanmoins pour "une remise à plat des critères européens de déficit et d'endettement instaurés lors du traité de Maastricht" - qu'il juge obsolète.

La sénatrice d'Indre-et-Loire, Marie-France Beaufils (CRC), estime qu'il faut plutôt s'interroger sur l'efficience des dépenses fiscales de l'Etat, notamment des milliards d'euros consacrés au Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), lequel bénéficie principalement aux secteurs de la grande distribution et de l'intérim. Ce, « alors même que l'activité du secteur du BTP - très pourvoyeur d'emplois - qui souffre de la baisse de l'investissement public local, a diminué de manière catastrophique ».

Et ce n'est pas l'instauration, via la Caisse des dépôts, d'un prêt à taux zéro aux collectivités locales pour qu'elles bénéficient d'une avance sur les sommes que l'Etat leur verse au titre du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) qui apaisera les élus locaux.