France : premier recul du PIB depuis plus d’un an ravivant la crainte d'une récession

Par latribune.fr  |   |  1012  mots
Les dépenses de consommation des ménages français ont reculé de 0,9% en octobre sur un mois, après une stabilité en septembre, a aussi annoncé ce jeudi l'Insee. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
L’Hexagone a vu son activité économique se contracter de 0,1% au troisième trimestre par rapport aux trois mois précédents, a indiqué ce jeudi l'Insee. Il s’agit du premier recul du Produit intérieur brut (PIB) depuis le premier trimestre 2022.

L'économie française a trébuché. Au troisième trimestre 2023, le Produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,1% par rapport au deuxième trimestre, selon la dernière estimation de l'Insee, publiée ce jeudi. Lors de sa première estimation, l'institut tablait pourtant sur une hausse de 0,1% de l'activité.

C'est la première fois que l'Hexagone ne connaît pas de croissance depuis le quatrième trimestre 2022 (0%) et la première fois que son activité recule depuis le premier trimestre 2022 (-0,2%).

À l'origine de cette baisse entre juillet et septembre, les investissements ainsi que la consommation des ménages qui ont été moins soutenus qu'estimé précédemment, a détaillé l'Institut national de la statistique. Cela signifie que la France entrera en récession (qui se définit par une contraction du PIB sur deux trimestres consécutifs) si l'activité recule aussi au quatrième trimestre.

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L'Europe et surtout l'Allemagne en perte de vitesse

La France se rapproche donc de l'Allemagne qui a, elle aussi, beaucoup souffert et a affiché une baisse de 0,1% de son PIB au troisième trimestre. La première économie européenne est aujourd'hui affaiblie par la crise des prix de l'énergie et l'affaiblissement d'importants partenaires économiques mondiaux, comme la Chine. Le recul du PIB allemand pour l'ensemble de l'année 2023 est un scénario qui fait d'ailleurs pleinement consensus. Y compris du côté du gouvernement allemand, qui a annoncé mi-octobre s'attendre à une baisse de -0,4%, sabrant ainsi ses précédentes prévisions. Et d'après le Fonds monétaire international (FMI), l'Allemagne sera le seul pays du G7 en récession cette année et pourrait voir son PIB reculer de 0,5%.

Si la France souffre moins de la crise énergétique, grâce à sa plus faible dépendance au gaz et au pétrole et peut s'appuyer sur l'énergie nucléaire, elle a néanmoins souffert d'une inflation à 4,3% en juin sur un an, 4,8% en juillet et 4,9% en septembre, qui a cependant dégonflé à 4% en octobre et 3,4% en novembre.

Aussi et surtout, la politique monétaire de la Banque centrale européenne, qui a fait grimper ses taux de 0% début 2022 à 4% et 4,75% actuellement, soit un plus haut depuis 1999, dans le but de juguler l'inflation en freinant les crédits et les investissements, a ralenti l'économie française. Résultat, sur l'ensemble de l'année 2023, d'après le dernier rapport de l'OCDE publié mercredi 29 novembre, la France devrait voir son PIB augmenter de 0,9%. Une croissance faible, mais qui reste meilleure que celle de nombreux pays européens. Le 10 novembre, la Commission européenne a, en effet, abaissé ses prévisions de croissance à 0,6% en 2023 sur l'ensemble de la zone euro. Une prévision partagée par l'OCDE. Là encore, l'Allemagne resterait la moins bien lotie. L'OCDE table de son côté sur une croissance de -0,1% pour le pays cette année.

Bonne résilience du côté américain

À l'inverse, Outre-Atlantique, l'économie se montre beaucoup plus résiliente. La croissance des Etats-Unis au troisième trimestre s'est établie à 1,3% par rapport au précédent trimestre et à 5,2% en rythme annualisé, selon la deuxième estimation du département du Commerce, publiée mercredi 29 novembre.  l'origine de ce dynamisme : des ménages qui ont continué de dépenser, alimentant ainsi le principal moteur de l'économie américaine. Il leur a toutefois fallu consacrer une large part de leur budget aux dépenses en électricité, soins de santé et médicaments, services financiers et assurances. Ils ont aussi acheté des équipements informatiques, et voyagé.

Pour l'économiste Patrick Artus, interrogé par La Tribune, la résilience de l'économie américaine  s'explique, en effet, « par trois raisons : la mise en place d'une politique budgétaire expansionniste, la progression rapide des investissements, notamment étrangers, sur le sol américain, et le maintien de la consommation des ménages américains qui désépargnent ». À l'inverse, « la croissance de la zone euro est nulle et la consommation des ménages moindre. L'économie européenne est donc plus fragile », affirme-t-il.

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Un quatrième trimestre aussi difficile

D'autant que, si la France devrait finir l'année en croissance selon l'OCDE, tout n'est pas encore gagné. Pour cause, le quatrième trimestre commence mal. Les dépenses de consommation des ménages français ont reculé de 0,9% en octobre sur un mois, après une stabilité en septembre, a aussi annoncé ce jeudi l'Insee. Sur un an, les dépenses de consommation en biens ont reculé de 1,3%, et de 0,5% sur le trimestre, et celles en biens manufacturés respectivement de 1,8% et 0,4%. Pour rappel, les dépenses de consommation des ménages représentent plus de la moitié du produit intérieur brut (PIB).

La fin d'année pourrait donc encore voir l'activité économique souffrir, d'autant que les effets de la hausse des taux directeurs se font généralement pleinement ressentir plusieurs mois après.

L'inflation diminue fortement en novembre

Signe que la politique monétaire commence à avoir un véritable impact sur l'économie, l'inflation a fortement ralenti en France en novembre, à +3,4% sur un an après +4,0% en octobre, selon les données provisoires communiquées ce jeudi par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

« Globalement, l'inflation aujourd'hui, elle est vaincue et c'est un vrai succès économique », s'est félicité sur France Inter le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire.

Selon l'Insee, « cette baisse de l'inflation serait due au ralentissement sur un an des prix des services, de l'énergie et, dans une moindre mesure, des produits manufacturés et de l'alimentation ». Les prix de l'énergie auraient en effet augmenté de 3,1% sur un an en novembre, contre une hausse de 5,2% en octobre, selon ces données provisoires. À titre de comparaison, en novembre 2022, lors de la crise énergétique, les prix de l'énergie avaient flambé de 18,4% sur un an.

(Avec AFP)