La récession en Allemagne sera plus forte que prévu (FMI)

Le FMI table sur une croissance mondiale de 3% en 2023. Mais la situation est contrastée, tant parmi les économies avancées qu'entre les principaux pays émergents, certains voyant leurs prévisions s'améliorer très sensiblement quand d'autres, principalement en Europe, tournent au ralenti, voire connaissent une légère récession. Parmi les économies avancées, l'Allemagne montre les signes les plus inquiétants.
« Nous avons une économie mondiale qui continue à récupérer de la pandémie et la guerre en Ukraine, et dans le même temps une croissance qui reste faible en comparaison historique », a déclaré lors d'un point presse en ligne le chef économiste du Fonds, Pierre-Olivier Gourinchas.
« Nous avons une économie mondiale qui continue à récupérer de la pandémie et la guerre en Ukraine, et dans le même temps une croissance qui reste faible en comparaison historique », a déclaré lors d'un point presse en ligne le chef économiste du Fonds, Pierre-Olivier Gourinchas. (Crédits : Reuters)

Le Fonds monétaire international (FMI) a maintenu ses prévisions de croissance pour l'économie mondiale en 2023, selon ses données publiées ce mardi 10 octobre. L'institution s'attend toujours à une croissance mondiale de 3% pour 2023. Elle se révèle à peine plus faible en 2024, à 2,9%, soit en légère baisse (-0,1 point de pourcentage) par rapport à son estimation précédente, en juillet.

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« Nous avons une économie mondiale qui continue à récupérer de la pandémie et la guerre en Ukraine, et dans le même temps une croissance qui reste faible en comparaison historique. Nous observons également des divergences grandissantes », a déclaré lors d'un point presse en ligne le chef économiste du Fonds, Pierre-Olivier Gourinchas.

Une inflation qui ralentit moins vite que prévu

La situation est en effet contrastée, tant parmi les économies avancées qu'entre les principaux pays émergents, certains voyant leurs prévisions s'améliorer très sensiblement quand d'autres, principalement en Europe, tournent au ralenti, voire connaissent une légère récession. En cause, la persistance de certains chocs, en particulier l'invasion russe en Ukraine. L'inflation met du temps à ralentir, poussant les banques centrales à poursuivre leur politique monétaire restrictive avec des taux d'intérêt élevés.

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Le Fonds anticipe ainsi une inflation plus élevée que ce qu'il prévoyait il y a trois mois, tant pour cette année (6,9% au niveau mondial), que l'année prochaine (5,8%, soit 0,6 point de plus que prévu en juillet). « L'inflation est en baisse mais cela se fait moins vite et l'inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie, ndlr) est persistante. Les projections anticipent de plus en plus un atterrissage qui ne se fera pas en douceur », a détaillé Pierre-Olivier Gourinchas. L'occasion pour le FMI de rappeler l'importance, selon lui, de ne pas relâcher trop tôt les politiques restrictives menées par les banques centrales.

L'Allemagne reste en mauvaise posture

Parmi les économies avancées, l'Allemagne montre les signes les plus inquiétants. Elle connaîtra en 2023 une récession plus forte que prévu il y a quelques mois, estime le Fonds monétaire international. Dans ses prévisions mondiales trimestrielles, l'institution table désormais sur une contraction de 0,5% du Produit intérieur brut (PIB) de la première économie européenne, contre un recul de 0,3% prévu lors de son estimation précédente en juillet.

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Cette publication intervient alors que les principaux instituts économiques allemands voit même le recul du PIB atteindre -0,6% cette année, soit pire que la prévision du FMI. Le gouvernement actualisera mercredi sa prévision économique pour 2023 et devrait désormais tabler sur une baisse du PIB de 0,4%, selon plusieurs médias.

Dans le prolongement d'un été marqué par une succession de mauvais indicateurs, l'Allemagne va donc connaître à nouveau « une légère contraction économique » au second semestre de l'année, comme ce fut le cas lors du dernier hiver, prévoit le FMI. La quatrième économie mondiale essuie un double choc, avec la « faiblesse des secteurs sensibles aux taux d'intérêt » et le « ralentissement de la demande des partenaires commerciaux », explique-t-il.

Le rapport confirme que l'Allemagne sera de facto le seul pays du G7 à voir son activité se contracter cette année. Cette contre-performance de la traditionnelle locomotive de l'UE déteint sur la prévision de croissance de la zone euro. Celle-ci est abaissée de 0,2 point de pourcentage pour 2023, à 0,7%. La faiblesse chronique de la croissance allemande ces dernières années a fait ressurgir le spectre de l'« homme malade de l'Europe » dans les médias, une expression remontant à la fin des années 1990 après le contrecoup de la réunification.

La prévision de la France revue à la hausse

L'envolée des prix de l'énergie et la dépendance au commerce extérieur avec la Chine, son premier partenaire depuis plusieurs années, se retournent contre l'Allemagne depuis la guerre russe en Ukraine et le tassement de l'activité chez le géant asiatique, a observé Isabel Schnabel, membre allemande du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, dans une récente interview.

D'autres facteurs structurels - vieillissement rapide de la société et pénurie croissante de main-d'œuvre, notamment - pourraient « avoir des effets à plus long terme » sur la croissance, ajoute-t-elle. La lourdeur des réglementations et la numérisation trop lente de l'économie sont aussi régulièrement mises en cause. Fort émetteur de CO2 à cause du poids de l'industrie et d'un mix énergétique en partie dépendant des énergies fossiles, le pays doit accélérer sa transformation verte et technologique s'il veut voir perdurer le succès du « Made in Germany » à l'exportation, pilier du modèle allemand.

« L'Allemagne est comme un quadragénaire qui a longtemps réussi, mais qui doit maintenant se réorienter professionnellement », avait fait valoir dans une interview cet été Clemens Fuest, de l'institut économique allemand Ifo.

« Nous devons supprimer les obstacles à l'investissement, éliminer la jungle de la bureaucratie et faciliter la tâche des entrepreneurs », a exhorté le ministre de l'Economie Robert Habeck, fin septembre.

Quid des autres pays européens ? C'est un peu mieux, sans être flamboyant, au sein des autres pays de la zone euro. Pour la France, la prévision de croissance du FMI a été revue en hausse ce mardi, de 0,2 point de pourcentage, à 1,0%, compte tenu du rattrapage de la production industrielle et de la demande extérieure lors du premier semestre. La prévision de 2024 reste en revanche inchangée, à 1,3%, légèrement au-dessus de celles pour l'ensemble de la zone euro (1,2%).

En Italie, où le taux d'inflation est le plus élevé de la zone euro, l'activité va progresser de 0,7%, soit 0,4 point de moins que prévu auparavant. Hors UE, le Royaume-Uni demeure confronté à une croissance molle (+0,5%).

Le ralentissement chinois confirmé

La situation est toute autre Outre-Atlantique. L'économie américaine est attendue en progression de 2,1% en 2023, bien loin de la récession longtemps annoncée par de nombreux économistes, avant de ralentir sensiblement en 2024, à 1,5%.

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Du côté des grands pays émergents, le ralentissement chinois se confirme, (+5% cette année, +4,2% en 2024, des prévisions légèrement revues à la baisse), alors que le pays souffre d'une crise dans l'immobilier. Ce rythme, inférieur à la précédente prévision du FMI en juillet (5,2%), est toutefois conforme à l'objectif « d'environ 5% » fixé par Pékin pour cette année.

Ce chiffre, qui ferait bien des envieux dans la plupart des grandes économies, est toutefois en trompe-l'œil, car la comparaison se fait avec la même période un an plus tôt. Or en 2022, la croissance avait été l'une des plus molles depuis quatre décennies (+3%), lourdement pénalisée par les restrictions sanitaires contre le Covid.

Une croissance de 2,2% pour la Russie

Ces estimations sont publiées quelques heures après l'annonce par Country Garden, l'un des principaux groupes immobiliers en Chine, qu'il pourrait ne pas être en mesure de rembourser tous ses emprunts, accentuant le risque d'un défaut de paiement d'une entreprise longtemps réputée solide financièrement.

Outre Country Garden, son concurrent Evergrande est pour sa part au bord de la faillite, et son patron dans le collimateur des autorités « en raison de soupçons de crime ou délit en infraction à la loi ». Un autre promoteur chinois surendetté, Kaisa, a reconnu mardi lors d'une audience judiciaire à Hong Kong être « insolvable », après avoir fait défaut sur sa dette en 2021.

« Si rien n'est fait, cela peut potentiellement peser encore plus sur l'activité chinoise », a prévenu le chef-économiste du FMI, citant notamment les « risques pour le secteur bancaire si les promoteurs se retrouvent à court de liquidités ».

Les autres grands pays émergents connaissent une tendance plus positive, avec une prévision pour 2023 révisée à la hausse tant en Inde (6,3%, +0,2 point) qu'en Amérique latine, où le Brésil (3,1%, +1,0 point) profite d'une bonne tenue des marchés de matières premières, tandis que le Mexique (3,2%) est l'un des principaux bénéficiaires de la réorganisation des chaînes d'approvisionnement entre Chine et Etats-Unis.

Quant à la Russie, dont les prévisions il y a un an tablaient sur une sévère récession pour 2023, elle ne cesse de les voir s'améliorer, et devrait finir l'année avec une croissance de 2,2%, sous l'effet notamment de la forte hausse des dépenses publiques liées à la guerre en Ukraine et d'une accentuation du déficit public.

Le PIB français attendu en légère hausse au 3e trimestre par la Banque de France

L'activité économique devrait enregistrer une légère progression de 0,1% au troisième trimestre sur fond de ralentissement de l'inflation, a indiqué lundi la Banque de France. Bien que résistante entre juillet et septembre, l'activité marquerait toutefois un net ralentissement après le rebond inattendu de 0,5% du produit intérieur brut (PIB) observé au deuxième trimestre.

« La conjoncture d'après l'été est moins favorable que celle que l'on avait juste avant l'été », a déclaré Olivier Garnier, directeur général des statistiques, des études et de l'international à la Banque de France, en présentant la nouvelle enquête mensuelle de conjoncture de l'institution. Mais « on n'est pas du tout (...) dans une situation de récession », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

En septembre, la banque centrale avait dit anticiper une hausse de 0,1% à 0,2% du PIB au troisième trimestre. De juillet à septembre, l'activité aurait bénéficié de la fin des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement, de l'effet positif du redémarrage de réacteurs nucléaires et de la résistance de services comme l'hébergement ou la restauration, selon la Banque de France.

Sur le front des prix, la tendance est toujours à l'apaisement grâce à une détente des cours de matières premières et aux moindres difficultés d'approvisionnement. Ainsi, 7% des industriels ont déclaré avoir augmenté leurs prix de vente en septembre, contre 29% un an plus tôt ; 6% les ont même baissés, selon cette enquête menée auprès d'environ 8.500 chefs d'entreprises entre le 27 septembre et le 4 octobre.

Dans l'agroalimentaire, secteur où un projet de loi gouvernemental souhaite avancer les négociations commerciales avec l'espoir d'accélérer les baisses de prix en magasins, ils sont autant de chefs d'entreprise (7%) à avoir baissé qu'augmenté leur prix (contre respectivement 2% et 43% il y a un an). Dans le détail, sur le seul mois de septembre, l'activité est restée quasi stable dans l'industrie. Elle a progressé dans le second œuvre du bâtiment et les services, ces derniers ayant notamment bénéficié d'un effet Coupe du monde de rugby et d'une météo clémente.

Pour octobre, l'activité devrait un peu rebondir dans l'industrie, tandis qu'elle poursuivrait sa progression dans les services et le second œuvre du bâtiment. Le gros œuvre s'inscrirait en net repli dans un contexte de taux élevés. Les difficultés de recrutement, quoique en repli, demeurent élevées (48% en septembre contre 50% en août). Pour l'ensemble de l'année 2023, la Banque de France s'attend à une croissance de 0,9%, un peu moins que la prévision du gouvernement (1%).

(Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 11/10/2023 à 12:57
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La question qui se pose est de savoir si la France peut arriver un jour à avoir une croissance réelle, c'est à dire sans dette!!!! Malheureusement toute la croissance francaise est basée sur la consommation des produits fabriqués à l'étranger á coût ...

le 11/10/2023 à 21:08
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S'il vous plaît, vous nous rappelez juste quel est le pays qui s'est vu annuler en 1953 une part extraordinaire de sa dette! Et par qui!

à écrit le 10/10/2023 à 12:07
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Après consultation des astres, le "Nostradamus international" vient nous dispenser ses bonnes paroles. Pourtant, la seule clairvoyance qui se révéla parfaitement exacte dans le temps et l'espace, fut celle de son ancien chef économiste, Raghuram Raja...

à écrit le 10/10/2023 à 11:12
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Disons qu'avec une obsession de notre classe dirigeante à tenir à tout prix un cours du brut élevé tandis que normalement c'est justement la baisse des prix du carburant parce que baisse de la demande, qui relance en partie l'économie, bref en amputa...

le 10/10/2023 à 12:14
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Ces derniers jours un article de la Tribune expliquait que la croissance mondiale était en berne et que malgré tout la Russie et l'Arabie Saoudite , deux gros producteurs mondiaux avaient décidé conjointement de réduire leurs production afin de faire...

le 11/10/2023 à 8:45
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Américains, russes, monarchies pétrolières, Vénezuela et-c... il y a plein de régimes politiques totalement différents qui ont exactement les mêmes intérêts.

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