Fraude fiscale : le gouvernement se penche à nouveau sur la protection des lanceurs d'alerte

Par Fabien Piliu  |   |  699  mots
La lutte contre la fraude fiscale a permis à l'Etat de récolter 10,4 milliards d'euros en 2014
Le gouvernement a réuni ce mardi à Bercy les directeurs des finances publiques, les procureurs généraux et les procureurs de la République pour faire le point sur les nouvelles mesures de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Lors de cette réunion, Michel Sapin, le ministre des Finances, a insisté sur la nécessité de protéger les lanceurs d'alerte qui permettent de mettre au jour des fraudes de grande ampleur.

Source de recettes importantes pour les finances publiques, puisqu'elle a permis à l'Etat de récupérer 10,4 milliards d'euros en 2014, la fraude et l'évasion fiscales font désormais l'objet d'une traque de la part du gouvernement.

A Bercy ce mardi 15 décembre, Christiane Taubira, la ministre de la Justice et Michel Sapin, le ministre des Finances, ont réuni les directeurs des finances publiques, les procureurs généraux et les procureurs de la République pour favoriser les échanges et, s'il en était besoin, mobiliser les troupes.

Après avoir fait un point sur les avancées permises par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, et par la loi organique, du même jour, qui a créé le procureur de la République financier, les deux ministres ont insisté sur la nécessité de faire progresser la transparence financière internationale.

Aller plus loin au sein du marché intérieur

"La transparence de la fiscalité des entreprises au sein du marché intérieur devrait toutefois aller plus loin, et permettre aux administrations fiscales d'accéder aux bénéficiaires effectifs des structures interposées telles que les sociétés mais aussi les trusts et leurs équivalents", estime Michel Sapin, saluant toutefois la proposition de directive "anti-BEPS"(base d'imposition et le transfert de bénéfices) annoncée par la Commission qui prévoit des mesures communes, harmonisées, pour apporter "une réponse d'ensemble à la problématique de l'optimisation fiscale au sein de l'Union".

Parallèlement à ces sujets, Michel Sapin est revenu sur la rumeur portant sur la rémunération des informateurs des services fiscaux. "Il est inenvisageable de rémunérer ceux qui dénoncent des fraudeurs. Par souci éthique. Et même si nous le voulions, nous serions dans l'incapacité de le faire, ces dénonciations étant anonymes dans l'extrême majorité des cas", explique le ministre. En revanche, les lanceurs d'alerte qui permettent de détecter des fraudes de grande ampleur devraient faire l'objet d'une protection juridique et financière. "Il faut protéger ces personnes car elles prennent des risques, elles sont soumises à des pressions et parfois à des représailles, elles peuvent perdre leur travail, leur autonomie financière", a expliqué Michel Sapin.

Cette sollicitude de la part du gouvernement n'est pas nouvelle. Depuis 2007, cinq lois ont été adoptées pour encadrer et protéger les lanceurs d'alerte. En juin 2013, un amendement écologiste permettant la protection des "lanceurs d'alerte" en matière de lutte contre la fraude fiscale a été adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, quelques jours après le retour en France d'un lanceur d'alerte célèbre, Hervé Falciani. En 2008, cet ancien employé de la banque HSBC avait dérobé à la banque helvétique des fichiers contenant les noms de 130.000 clients, dont 8.993 évadés fiscaux français, qu'il avait ensuite remis à la justice française. Mais l'efficacité de cet arsenal est encore insuffisante, en témoignent les brimades puis les difficultés financières subies par Stéphanie Gibaud, l'ex-responsable des événements d'UBS France qui avait refusé en 2007 de détruire des listings susceptibles de révéler un système d'évasion fiscale organisée par la banque suisse.

Lutter contre le financement du terrorisme

La lutte contre la fraude fiscale étant liée à celle du financement du terrorisme, Christine Taubira a précisé que le projet de loi réformant la procédure pénale fin janvier en Conseil des ministres. Le texte ferait ensuite l'objet d'une procédure accélérée au Parlement, "conformément au souhait du président de la République qui veut aller vite sur ce dossier", pour une entrée en application en mars.

Cette réforme introduit les dispositions de la quatrième directive européenne anti-blanchiment qui encadre plus rigoureusement la délivrance et l'usage des cartes bancaires prépayées, en permettant d'identifier leur possesseurs. Selon les services de police, ces cartes, qui garantissent l'anonymat des clients, auraient notamment permis aux cellules terroristes qui ont récemment frappé à Paris et à saint Denis de financer leurs activités.